Apprentissages en pays tranquille. Treize mois, de Mai 2016 à Juin 2017 en Australie et Nouvelle-Zélande.

Sur la route. De Te Anau à Glenorchy

Première étape de ma découverte de la Nouvelle-Zélande à vélo. Je quitte la région du Fiordland pour rejoindre l’Otago.
19 février 2017
Otago, Île du Sud, Nouvelle-Zélande © Claire Blumenfeld
CARNET

Samedi 11 Février, je me lance dans la découverte de la Nouvelle-Zélande à vélo. Je quitte Te Anau et le Fiordland sur un vélo est peu tremblotant sous le poids des bagages. Première étape : rejoindre Mavora Lakes à 70km environ de Te Anau. Le temps est gris mais il ne pleut pas. Les kilomètres défilent tranquillement sur la petite route bitumée jusqu’à l’intersection indiquant Mavora Lakes à quarante kilomètres. Je m’engage sur une route de gravier et je déchante rapidement. C’est un véritable enfer ! Rouler à vélo (chargé) sur une piste remplie de cailloux, c’est une entreprise hasardeuse et physiquement douloureuse. Ça tressaute de tous les cotés et pour rendre les choses encore un peu plus difficiles, j’ai désormais le vent de face. Je parcours les kilomètres difficilement. Le paysage est joli mais un peu monotone et il fait de plus en plus gris. Épuisée, j’arrive enfin à Mavora Lakes, une heure avant le coucher du soleil. Plusieurs scènes du Seigneur des Anneaux ont été tourné dans les environs. Notamment la scène où la communauté accoste sur un rivage après avoir descendue la rivière Anduin dans le premier film de la trilogie. Je m’installe pour bivouaquer en bordure de la rivière et m’endors les jambes fatiguées.

Le lendemain le temps est toujours couvert et je quitte les lacs légèrement déçue de ma visite. Aujourd’hui, je dois traverser lune longue vallée pour rejoindre les rivages du lac Wakatipu à une soixantaine de kilomètres de là. Première grosse montée difficile et la vallée se dévoile devant moi. C’est impressionnant. Les Eyre Mountains s’étalent à droite de moi. Je m’engage dans la vallée et me heurte à un mur. Les rafales de vent sont tellement fortes qu’elles m’empêchent presque d’avancer ! J’ai quatre heures de vélo à faire dans cette direction, de nouveau sur la piste de gravier et le moral dans les chaussettes. Décidément mon voyage en vélo commence difficilement. Heureusement la piste ne monte pas trop. Le paysage défile doucement au rythme de mes coups de genoux fatigués. Il pleuvote. Même si le mauvais temps ne lui fait pas honneur, le paysage est superbe. La vallée est couverte de crevasses, les montagnes sont remplies d’herbes et des vaches broutent en liberté. Après deux bonnes heures à me trainer dans la vallée, j’atteins enfin la fin du plateau. Une grosse descente bien raide m’emmène dans la vallée suivante en contrebas. Une heure plus tard apparait enfin les rivages du lac Wakatipu. Malgré le fait que je suis déjà venue dans la région trois fois, les reflets bleutés et la taille du lac restent impressionnants. La dernière heure de vélo le long du rivage est splendide.

Entourées de chaines de montagnes de tous les cotés je laisse mon regard vagabonder, émerveillée par la beauté du paysage. Le lac Wakatipu est le plus long lac de la Nouvelle-Zélande avec une longueur de quatre-vingt kilomètres. Queenstown se situe à une extrémité tandis que Glenorchy, ma destination, se situe de l’autre coté. J’ai beau plisser les yeux, je ne distingue pas le village. Les sommets sont couverts de neige et de gros nuages se profilent à l’horizon. J’ai l’impression que je vais avoir droit à des averses. La plus célèbres légendes maori associée au lac raconte que Manata, la fille d’un chef d’une tribu locale fut un jour enlevée par le géant Matau. Son amant, Matakauri profita de l’obscurité pour la sauver des griffes du géant. Afin de s’assurer que Matau ne serait plus une menace pour sa femme, Matakauri mit feu au monstre alors que celui-ci dormait, sur le coté, les jambes repliées. Le feu creusa un trou de la forme de Matau et la chaleur fit fondre la neige des montagnes qui remplit le trou d’eau formant ainsi le lac. Glenorchy se situe aujourd’hui, à la position de la tête de Matau, Queenstown à ses genoux et Kingston à ses pieds. L’oscillation du niveau du lac (environ vingt centimètres) serait due au coeur de Matau qui bat encore, enfouit au fond du lac.

Walter Peak High Country Farm apparait enfin et je descends de ma monture, les jambes un peu tremblotantes. J’ai une heure à attendre avant de prendre le bateau à vapeur TSS Earnslaw qui traverse le lac et me déposera à Queenstown de l’autre coté. La ferme est superbe avec de jolis bâtiments aux toits couverts de tuiles rouges. Le bateau apparait et fait sonner ses cheminées de deux coups pour signaler son arrivée. Lancé en 1912, le bateau connu sous le nom de La Dame du Lac, fournissait un lien essentiel entre les communautés agricoles isolées le long du lac. Long de quarante-huit mètres, ce fut le plus grand bateau ayant navigué sur le lac et capable de transporter passagers, bétail, courrier et approvisionnements. L’intérieur est très sympathique et un pianiste joue des chansons d’époque. À peine le temps de reposer mes jambes que me voila déjà arrivée à Queenstown. La journée n’est pas finie. J’ai encore une douzaine de kilomètres à faire pour rejoindre 12 Miles Delta, un campsite du DOC (zone où il est autorisé de camper à frais réduits). Le retour au goudron est un vrai plaisir mais la route ne fait que monter et descendre et m’achève complètement. Je mets pied à terre et me résouds à pousser mon vélo. Après des litres de sueur dépensés, le campsite apparait enfin. Le lieu représente Ithilien dans Les Deux Tours, deuxième film du Seigneur des Anneaux. C’est notamment là que Frodon, Sam et Gollum s’arrêtant pour se reposer voient apparaitre des Oliphants. La vue sur le lac est magnifique.

Le lendemain je me réveille sous une tente mouillée. Il a plu pendant la nuit. Seulement trente-six kilomètres me séparent de Glenorchy, ma destination, mais vu la difficulté de la route, je risque d’y passer un bon moment. Je démarre sous un temps magnifique, bientôt remplacé par des nuages. Tout une partie de la montagne a brulé récemment. Cela sent encore l’odeur des cendres. Après deux heures difficiles et ayant à peine fait un tiers du chemin, la pluie fait son arrivée. Mais pas une petite pluie. Non. Un vrai déluge s’abat sur moi alors que je me situe sur une corniche au plus haut point de la route. Les rafales de vent et de pluie sont si fortes qu’elles manquent de m’envoyer valser par delà la barrière de protection. Trois heures de vélo sous la pluie battante. Cela pas drôle. Je pédale en mode automatique, n’espèrant ne voir qu’une chose : l’apparition de Glenorchy à chaque tournant. Après des heures de souffrance, le village se dévoile enfin et j’en pleure presque de soulagement. Je suis complètement trempée de la tête aux pieds. Décidément en manque de chance, le seul backpacker du bled est plein. Je me rabats sur le minuscule camping et c’est toujours sous la pluie que je monte ma tente. Tout est trempé, c’est l’enfer. Heureusement une bonne douche chaude et l’arrêt de la pluie en début de soirée me remontent un peu le moral. Demain risque d’être brumeux mais les jours suivants sont supposés être magnifiques. Je suis enfin à Glenorchy. J’ai réussi la première partie de mon parcours en vélo !

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