Je pose la dernière pierre sur le haut du petit muret en pierres sèches que nous sommes en train de construire. C’est la fin février et je viens de commencer mon année de formation en éco-construction au sein du centre du Gabion à Mane, dans les Alpes-de Haute-Provence.
Le Gabion est une association créée en 1993 par Richard Lacortiglia. Sa vocation est de promouvoir l’écologie dans le secteur du bâtiment en enseignant l’éco-construction, les savoir-faire traditionnels, la conservation du patrimoine et de travailler sur la recherche et l’expérimentation. L’association se déploie sur trois sites : Embrun dans les Hautes-Alpes où se situe le siège social et où se tiennent les formations OPEC (éco-construction), OPRP (rénovation du patrimoine) et Maçon terre crue ainsi que les chantiers d’insertion, Mane dans les Alpes-de Haute-Provence où se tiennent les formations OPEC (éco-construction) et Meyragues dans les Bouches-du-Rhône où se tiennent les formations OPRP (rénovation du patrimoine). Le Gabion fait parti de le Fédération Ecoconstruire, une fédération qui recense tous les organismes de formation professionnelle à l’éco-construction à travers la France. C’est grâce à ce site que j’ai découvert, il y a quelque mois, qu’un grand nombre de centres proposaient des formations professionnalisantes liées à l’écologie et au bâtiment.
Le Gabion m’a tout de suite intéressé, de part son approche, sa renommée (Jules avec qui j’ai travaillé sur le chantier de rénovation d’une vieille ruine, connaît très bien le centre) et son emplacement dans la région PACA et surtout le département es Hautes-Alpes. Ayant décidé de me reconvertir professionnellement dans l’éco-construction et une formation commençant fin février 2021 au centre de Mane en OPEC (ouvrier professionnel en éco-construction) je n’ai pas hésité.
Me voilà donc en train d’apprendre pendant neuf mois, les principales techniques et caractéristiques de construction / rénovation du bâtiment avec une approche basée sur le respect de l’environnement, des matériaux et des savoirs. Les premières semaines se partagent entre découverte de la pierre sèche, formation au secourisme, certification de montage d’échafaudages et maçonnerie. Nous sommes treize stagiaires, de tout âges avec des profils différents. Mais tous en reconversion. La pandémie du covid (toujours là depuis mars 2020), les problèmes de société et de chômage, l’inquiétude écologique et la quête de sens semblent pousser de plus en plus de monde à la reconversion vers des métiers plus en lien avec la terre et le concret.
- En train de mélanger du mortier au malaxeur.
- Copeaux de liège.
- Chape de compression en train d’être tirée dans la salle de cours.
- Utilisation de « sabots » pour lisser la surface de la chape.
Nous expérimentons différentes techniques, écoutons des cours sur le développement durable, réfléchissons sur l’avenir des filières de matériaux bio-sourcés et pratiquons la construction bois. Je connais déjà par brides pas mal de choses ayant beaucoup lu et expérimenté sur les chantiers participatifs ces derniers mois. Tout est très intéressant mais avec neuf mois de formation, ce qui est très court, nous n’avons hélas pas le temps d’approfondir la pratique, la maitrise du geste ou les détails très techniques. Bien que j’en sois consciente depuis le début, cela peut-être très frustrant par moment. La formation sert à nous enseigner, sans rentrer dans les détails, un large panel de techniques et d’approches. L’expérience et la maitrise viendront après, en dehors de la formation.
Travailler avec la matière est très formateur. Les matériaux naturels que nous utilisons sont vivants. Ils évoluent. Les résultats ne sont pas forcément ceux attendus. Il faut apprendre à l’accepter, à le respecter. Travailler avec des matériaux naturels, c’est se décentrer. C’est accepter que le matériau n’est pas un simple objet à mon service. C’est un arbre coupé que j’utilise avec respect. C’est une pierre qui oriente la construction de mon mur en fonction de sa forme. Ré-apprendre à voir au delà de l’objet pour re-considérer le matériau et retrouver le respect pour l’arbre, la pierre, le végétal que j’utilise.
L’enseignement n’est pas cent pour cent écologique. La formation reste une formation professionnelle et les approches trop radicales ne sont pas abordées. Les grands thèmes enseignés : construction bois, maçonnerie pierre, construction terre, isolation paille et matériaux bio-sourcés, enduits et peintures terre, chaux, plâtre, chanvre sont abordés avec la vision d’un professionnel respectant les réglementations françaises plutôt que celui d’un expérimentateur. Comment construire écologiquement et performant ? Prendre en compte la fin de vie du bâtiment et la réutilisation des matériaux ? Être artisan et faire appel à des grands ténors de l’industrie ? Respecter les réglementations françaises si peu ambitieuses et promouvoir la maison passive ? Couvrir sa maison de films frein-vapeur ou pare-pluie en polyéthylène pour avoir une étanchéité parfaite et prôner l’utilisation de matériaux naturels ? Les discours sont parfois contradictoires et je regrette un peu le manque d’approche assumée radicalement écologique.
Mais ces questions sont peut-être ce qui fait de mon année au Gabion un enrichissement permanent. Avoir la possibilité de découvrir plusieurs points de vue, se forger une opinion, discuter avec des artisans et professionnels, découvrir les difficultés auxquelles fait face l’éco-construction face au modèle conventionel, accepter ou non de faire des compromis et comprendre ce qui en découle, découvrir des savoir-faire, être déçue de la réalité du monde, construire ses convictions éthiques et continuer de s’orienter vers un avenir qui me convienne.
- Le centre de formation du Gabion à Mane.
- En train de préparer des sections de bois.
- Assemblage à mi-bois.
- Exercice de création d’un pan de mur à colombage.
- Construction de maquettes de travail pour l’ossature bois – isolation paille.