CARNET
Deux semaines après avoir fait le Milford Track, j’ai de nouveau droit à quatre jours de repos avec mon travail au Lakeview Holiday Park de Te Anau. Du samedi 12 au mardi 15 Novembre. Le temps prévoit d’être beau et je décide de faire le Routeburn Track, la troisième Great Walks de la région du Fiordland. Étant désormais en saison estivale (depuis le 25 Octobre), il faut réserver sa place en chalets ou campings le long du chemin. Ayant reçu ma toute nouvelle tente (Hubba NX Solo de MSR) une semaine auparavant, j’opte pour les campings. La place coûte 18$ contre 54$ en refuge ! Le long du sentier se trouve deux campings : un de neuf places au niveau du Lac Mackenzie et un de quinze places au niveau du refuge Routeburn Flats. Je me connecte donc au site du DOC (Department of Conservation) pour vérifier les disponibilités. Il reste des places disponibles pour le Routeburn Flats mais rien pour le Lac Mackenzie. La prochaine place disponible se situe fin Janvier ! Le camping Routeburn Flats se situant vers la fin de la randonnée, cela m’oblige à faire quasiment l’intégralité de la randonnée en une journée ! L’autre possibilité est de miser sur la chance et espérer un désistement au camping du Lac Mackenzie. En discutant avec Lenka, une des dames travaillant avec moi au Lakeview Holiday Park et dont le compagnon est un des gardiens du refuge Lac Mackenzie, j’apprends que les dernières semaines beaucoup d’emplacements camping réservés sont restés libres. Apparemment beaucoup de monde ne vient pas et cela m’arrange grandement. Je décide donc de miser sur la chance.
Samedi, réveil de bonne heure pour embarquer dans une navette Tracknet à sept heures. Contrairement à ce qui était annoncé, il fait nuageux et pleut un peu. Le Routeburn Track est une randonnée d’une trentaine de kilomètres à travers sommets et vallées commençant à The Divide pour finir au Routeburn Shelter qui peut également se faire dans le sens inverse. The Divide est un arrêt le long de la Milford Road qui mène au fjord du même nom que je commence à connaître assez bien. À The Divide, tout un groupe de cyclistes se prépare pour une course. Le sentier monte dans la forêt en longeant la vallée. Le temps est assez étrange mélangeant rayons de soleil et pluie légère. Après une petite heure de montée, j’arrive à un embranchement : un sentier propose d’aller voir Key Summit à une trentaine de minutes de montée d’ici. Ce que je décide de faire. Il fait chaud dans la montée et la vue sur les vallées en contrebas est superbe. Mais une gigantesque masse de nuages gris semble se profiler au dessus des montagnes du Routeburn Track.
Arrivée au sommet (919m d’altitude), je suis accueillie par des rafales de vent et de pluie. Le sentier fait une boucle sur un petit plateau pour apprécier de petits lacs et marais, la vue des sommets environnants, ainsi que le lac Miriam de l’autre coté de la vallée (un joli lac dans le fond d’une vallée glaciaire). Un superbe arc en ciel enjambe la vallée. C’est un des plus grands que j’ai vu de ma vie. Le spectacle me fait un temps oublier le froid qui me transperce de tous les cotés. Je redescends de Key Summit et reprends le sentier principal. Quinze minutes plus tard, me voila arrivée au chalet Howden en bordure du lac du même nom. De là il est possible de commencer le sentier de randonnée Greenstone/Caples qui fait une boucle dans les vallées du même nom ou de continuer sur le Routeburn Track. Un vent froid me rafraichie et je continue la montée. Il est 11h du matin, j’ai tout le temps devant moi. La montée est tranquille, principalement à flanc, alternant passages dans la forêt d’hêtres néo-zélandais (que je commence à connaitre parfaitement après trois randonnée dans le même type de végétation), et passages à l’air libre avec une vue superbe sur les montagnes. Il fait meilleur mais une fine pluie tombe continuellement. Je croise beaucoup de monde qui vont presque tous dans le sens opposé du mien.
J’arrive à Earland Falls, une cascade de 174m que je trouve sacrément impressionnante. Presque plus que la Sutherland Falls sur le Milford Track. L’eau fait un bruit assourdissant en se déversant dans la rivière en contrebas. Vers une heure de l’après-midi, The Orchard, une petite zone dégagée couverte d’une prairie au grandes herbes jaunes, se présente pour une pause repas. J’atteins le refuge vers 3h de l’après-midi. Je passe la lodge (un truc gigantesque, super-cosy avec restaurant) réservée aux randonneurs avec guide et arrive au refuge en bordure du lac Mackenzie, un grand lac dans le fond d’un plateau avec des eaux aux superbes reflets bleutés.
N’ayant pas de réservation pour le camping, il faut que je trouve le gardien du refuge pour discuter avec lui. Hélas il n’est pas dans les parages pour le moment. Je vais voir le camping, à une dizaine de minutes du refuge. Neuf emplacements bien délimités sont disponibles en bordure du lac dans un coin tranquille. Un couple est en train de monter leur tente sur un des emplacements. Pas grand monde pour l’instant. Je croise les doigts très forts. J’en profite pour aller voir un Split Rock à quinze minutes de là. Un énorme rocher fendu en deux dont la faille est impressionnante. De retour au chalet vers 4h, toujours pas de gardien en vue. Je discute avec une dame irlandaise qui me dit qu’un des emplacements est disponible ! Un père et son fils, sensés dormir en tente, ont finalement décidé de dormir dans le chalet ! La dame m’indique aussi que le gardien est probablement parti travailler quelque part dans la montagne (maintenir le sentier où s’occuper de renouveler les pièges pour capturer les animaux nuisibles) et qu’il est de retour vers 5h généralement. Du coup j’en profite pour me dorer la pilule sur la véranda du chalet en attendant le retour du gardien. Il fait beau (bien que la très fine pluie soit toujours présente) et l’ambiance est très tranquille. Seulement interrompue par les cris de quelques randonneurs courageux qui ont décidé d’aller piquer un plongeon dans la lac et se sont rendu compte trop tard que l’eau était glacée.
À 5h pile, le gardien apparait couvert de poussière et je lui laisse un peu de temps pour se nettoyer avant d’aller lui poser mes questions. Je lui explique mon cas en lui précisant que je suis bien disposé à payer le “penalty rate” (qui correspond à deux fois le prix du camping, donc 36$ à la place de 18$ pour les personnes n’ayant pas réservé à l’avance). Il me répond que je peux prendre l’emplacement disponible, il viendra collecter l’argent plus tard. La chance me sourit. Je retourne au camping le coeur léger et installe ma nouvelle tente sous un crachin un peu plus chargé que précédemment. Il pleut pendant une bonne heure mais le soleil est toujours là. Un peu plus tard, le gardien passe me rendre visite et ne me fait finalement payer que 18$. Comme j’ai une réservation pour demain soir et que le camping ici, ce soir, n’est pas plein (il reste trois emplacements libres), il est indulgent avec moi. Je dîne tranquillement en appréciant la vue sur le lac et les superbes montagnes environnantes et je vais me coucher. Pas tellement d’étoiles dans le ciel ce soir. La lune, presque pleine diffuse une lumière puissante et quelques nuages apparaissent dans le ciel.
Je me réveille après une nuit plutôt agréable et pars vers 10h, sous un joli soleil. Le lac Mackenzie m’offre de superbes reflets et la lumière est incroyable. La première partie du sentier monte de façon plutôt raide en faisant des lacets à travers une superbe forêt d’hêtres couverte de mousse. Il fait sacrément chaud d’un seul coup. Après une demie heure sous le couvert des arbres j’atteins la limite de la forêt et continue à travers les alpages couverts d’herbes jaunes. La vue sur la vallée et le lac Mackenzie est magnifique. En prenant de la hauteur, on se rend compte des différences de couleur du lac. Les bordures sont d’un vert turquoise, tandis que le centre et d’un bleu profond. Le lac doit être très profond. C’est absolument magnifique. Je passe un long moment à contempler ce dégradé de couleurs dont l’intensité change avec le passage des nuages.
Le sentier continue à flanc en longeant les montagnes avec une vue superbe sur la vallée Hollyford en contrebas. C’est le genre de randonnée que je préfère. En hauteur dans les alpages ou sur les crêtes, la vue est toujours fantastique. L’esprit léger et un peu euphorique, je parcours tranquillement les deux heures à flanc qui me sépare de Harris Saddle. Je croise de nouveau pas mal de randonneurs dont des groupes avec guide mais l’ambiance est tranquille. Le temps est magnifique avec un petite brise qui forcit par moments. À une trentaine de minutes du col, je dépasse un pancarte indiquant vers la gauche : « Deadmans Track ». Le sentier porte bien son nom puisqu’il n’est quasiment pas marqué et descend à pique à travers les herbes. Le sentier permet de redescendre dans la vallée Hollyford. Il n’est pas marqué sur la carte du DOC. Probablement trop difficile pour les randonneurs basiques et réservé aux habitués.
Au col se trouve un refuge d’urgence ou la plupart des randonneurs s’arrêtent pour manger. Je décide de pousser dix minutes plus loin pour aller déjeuner sur les rives du lac Harris. Très bonne idée puisque c’est un panorama splendide qui m’attend. Le lac est somptueux, lui aussi avec des bordures vert-turquoise. Je descends un peu le long des rives du lac pour trouver un emplacement à l’abri du vent et profiter d’un superbe emplacement. Après le repas je suis les contours du lac puis descends dans la Vallée Routeburn où je rencontre le gardien du chalet Routeburn Falls travaillant sur le sentier. Il est en train de finir d’enlever de la neige présente sur le chemin. Je le dépasse et continue ma descente. Cinq minutes plus tard, le gardien me rattrape et lui aussi allant au chalet nous continuons la descente ensemble. Il s’est rendu plusieurs fois en France et nous discutons des lieux qu’il a visité. J’arrive enfin au refuge Routeburn Falls où une vue splendide m’attend. Le refuge est construit sur pilotis à l’aplomb de la vallée en contrebas. La rivière Route Burn coule dans la vallée avec de reflets splendides.
Je continue ma randonnée pendant encore une heure, descendant à travers la forêt d’hêtres pour atteindre le bas de la vallée où se trouve l’emplacement pour camper. Contrairement à hier, pas d’emplacements délimités mais une jolie zone dans une prairie en bordure de la rivière. La vue sur la vallée et les montagnes est impressionnante. Calme absolu et à part une tente déjà montée mais avec personne à l’intérieur, je suis la seule présente sur les lieux. J’installe ma tente un peu à l’écart histoire d’être tranquille. Deux autres tentes s’installeront une heure après moi. J’aspire à voir le coucher de soleil et les étoiles mais quelques nuages recouvrent doucement le ciel perturbant mes espérances.
Le lendemain je me réveille vers 6h sous un ciel nuageux et pluvieux. Je parcours rapidement les derniers kilomètres du sentier. Forêt d’hêtres et eaux vertes-bleues de la rivière Route Burn qui coule dans une gorge quelques mètres en dessous du sentier font office de paysage. La brume enveloppent les montagnes et l’atmosphère dégage un mélange de mystère et de tristesse. Je mets une heure et demi pour arriver au Routeburn Shelter, la fin de la randonnée. Quelques rayons perçent le voile des nuages. J’attends pendant une demie-heure la navette qui doit m’amener à Queenstown. Celle-ci arrive vers 9h50 et décharge une quinzaine de randonneurs prêts à commencer la marche. Contrairement à moi, ils risquent d’avoir mauvais temps. La navette est couverte de référence aux trilogies Le Seigneur des AnneauxetLe Hobbitavec un slogan “There and Back Again” et une plaque d’immatriculation en hommage aux Ouargues (énormes loups féroces servant de monture aux Orques).
Je suis la seule dans la navette. Le trajet jusqu’à Glenorchy est stupéfiant. La vallée où coule les rivières Dart et Rees est entourée de montagnes fabuleuses et me fait énormément penser à Isengard, la demeure du mage Saroumane dans Le Seigneur des Anneaux. Et effectivement ! C’est là qu’ont été tourné les scènes du film ! Je reviendrais définitivement passer du temps à Glenorchy afin de pouvoir apprécier plus en détails les environs. Le village situé au début du lac Wakatipu est lui aussi entouré d’un paysage phénoménal. La seconde partie du trajet pour rejoindre Queenstown suis les berges du lac Wakatipu extrêmement impressionnant de part sa longueur. Un temps chaud et humide m’attend à Queenstown. Je dois attendre 4h30 de l’après-midi pour récupérer mon prochain bus doit me ramener à Te Anau. J’en profite pour faire quelques achats que je devais faire depuis longtemps (acheter un casque pour mon vélo notamment). Queenstown n’a pas changé depuis la dernière fois que je suis venue (il y a deux mois). Toujours remplie de touristes et de jeunes branchés.
La file trop longue pour le Fergburger (le fameux meilleur burger du pays apparemment) me décourage et je me rabats sur des empanadas. Alors que je les déguste tranquillement sur un banc, un pinson curieux se pose à quelques mètres de moi, puis sur ma chaussure, puis sur mon genou, puis sur mon sac, puis de nouveau sur mon genou ! Il est intéressé par mes empanadas. Il volète tout autour de moi et se pose plusieurs fois sur mon genou ! C’est extraordinaire. Je peux apprécier les superbes reflets roux de son plumage. En remerciement, je lui donne quelques miettes de mon repas qu’il avale goulument. Je passe le reste de l’après-midi à la bibliothèque, une pluie torrentielle s’abattant sur la ville. Je récupère le bus qui me dépose à Te Anau vers 7h30 du soir, un peu fatiguée par cette journée passée à ne pas faire grand chose mais bien contente de ma randonnée. Bien qu’un peu courte, le Routeburn Track est la plus belle des Great Walks du Fiordland.