Entre traditions et modernité. Voyage au Japon de Novembre 2015 à Avril 2016.

Vivre autrement chez Goka farm

Volontariat au sein d’une famille japonaise habitant en quasi-autonomie pas très loin du Mont Fuji.
10 mai 2016
Goka farm, Honshu, Japon © Claire Blumenfeld
CARNET

Le petit train s’enfonce dans les vallées de plus en plus isolées et j’ai l’impression de m’enfoncer au coeur du Japon. J’aperçois enfin le Mont Fuji au loin, immense géant magnifique qui domine de sa puissance le pays. Le train me dépose et je rencontre un couple de français, Pauline et Mickael, eux aussi en chemin pour rejoindre Goka Farm. Je vais passer les dix prochains jours à faire un wwoofing dans une famille japonaise habitant dans une vallée montagnarde reculée pas très loin du Mont Fuji. Ils ont décidé de vivre en autonomie en essayant de dépendre le moins possible du gouvernement et en respect avec la nature. Une heure d’électricité par jour, pas d’internet, cuisson au feu de bois, bain traditionnel, permaculture, récolte de plantes naturelles dans les forêts aux alentours, régime en grande partie végétarien, réutilisation et inventivité… Une vie assez éloignée de la mienne que je suis assez excitée de rencontrer.

La maison est une baraque traditionnelle remplie d’un bric à brac incroyable. Tatamis, portes coulissantes en papier, cuisson à l’extérieur. La famille Goka nous accueille : deux jeunes adultes d’une trentaine d’années et trois jeunes filles. Ils sont tous très sympathiques. Les deux adultes parlent relativement bien anglais et les fillettes sont des pépites d’énergie. Surtout la plus jeune, un petit bout de chou qui fait fondre mon coeur instantanément. Je suis éblouie par la vue sur la vallée. Qu’est ce que c’est vert ! Petites maisons isolées et terrasses cultivées à la main. Et c’est tout. La nature verdoyante et le silence tout autour. J’ai l’impression d’avoir été projetée dans le passé. Enfin un Japon un peu plus traditionnel. Le calme et la sérénité m’envahissent instantanément.

Une jeune femme est déjà là en woofing qui s’en va quelques jours après notre arrivée, et un jeune américain débarque peu après. Je discute beaucoup avec Pauline et Mickael, contente de pouvoir échanger en français et de me sentir un peu moins seule après des mois de voyage en solitaire. Eux aussi viennent chercher une expérience de vie différente, quelque chose de réel, en lien à la terre. 

Les jours passent au rythme du soleil. Brouillard le matin sur les montagnes. Je passe de longs moments à regarder la nature autour de moi et j’ai l’impression de l’entendre vivre. Il y a quelque chose de mystique ici. Mon travail se répartit entre aider à la récolte des champs, récolter des fougères et pousses de bambous dans la forêt (c’est la saison) et aider à la préparation des repas. C’est physique tout en étant reposant en même temps. Avec les autres wwoofers nous apprenons à préparer les repas rustiques mais bons : onigiris (boulettes de riz), pousses de bambous et salades, production de nouilles et de sauce soja, cuisson du pain au feu de bois, surveillance des umeboshis, prunes salées macérées dans le sel pendant presque deux mois.

Notre temps libres se partage entre apprentissage de techniques traditionnelles : métier à tisser, création de bijoux avec feu et chalumeau, visites des voisins, aide au marché dans la ville voisine et exploration des alentours. Les quelques habitants de la vallée vivent tous plus ou moins en autonomie et sont presque tous des artisans. Je fais de longues balades dans la nature appréciant la solitude et la tranquillité. Lors d’une excursion je tombe sur un grand hotel abandonné. Je pénètre furtivement les lieux, une drôle d’impression me collant à la peau. L’intégralité des affaires sont encore présentes : bols, verres, affaires de cuisine, livres, jouets, draps, figurines, savon, chaussures… Seule la poussière et un certain désordre témoigne de l’abandon des lieux. Des souvenirs du Voyage de Chihiro ou des images d’une catastrophes nucléaires me viennent à l’esprit. De retour à Goka Farm j’apprends que le patron de l’hôtel accablé par les dettes a disparu environ cinq ans auparavant d’un jour à l’autre laissant l’hotel derrière lui. Le temps n’a pas d’emprise ici.

Mon séjour dans cet ilot de tranquillité touche à sa fin et après dix jours en compagnie de la famille Goka, je m’en retourne à la civilisation. Le choc est assez rude et j’ai un peu de mal à retrouver les annonces permanentes des bus et trains. Bien qu’assez court j’ai l’impression que mon séjour à Goka Farm m’a ouvert les yeux sur quelque chose d’important. Je ne sais pas encore exactement quoi mais j’ai la sensation qu’un nouveau chemin s’est révélé à moi. Une belle expérience pour conclure la fin de mon voyage au Japon et tempérer certains désagréments (trop de tourisme et difficulté des échanges) qui avaient obscurcit ma vision du pays récemment. 

Copyright content.