Vers un avenir éthique et durable. En cours depuis le 27 Août 2020 – France

Une oasis en Normandie

Deux semaines de wwoofing au coeur de la Normandie pour découvrir les prémices de la permaculture et le retour à la terre.
10 septembre 2020

En bordure d’une minuscule route, en pleine campagne du département de l’Eure en Normandie, une petite ferme, toute de bleu et blanc vêtue étale ses jardins florissants dans la lumière crue d’une journée sans nuages. Un homme y vit depuis deux ans. Un ancien trader reconvertit dans la permaculture et cherchant à mettre en place un lieu de résilience et de formation pour faire face aux changements à venir. Louis travaille, sur sa ferme où pousse allègrement la menthe, à l’expérimentation de nombreuses techniques.  

C’est dans cette ferme que j’ai décidé de commencer mon voyage d’apprentissage de techniques liées à la permaculture, à l’éco-construction, aux low-tech et à l’herboristerie. C’est dans cette vieille bâtisse à l’architecture traditionnelle normande que je vais poser la première pierre d’un cheminement vers un mode de vie plus écologique et respectueux. L’intérieur de la bâtisse principale de la ferme a été entièrement refaite. Une grande bibliothèque avec de nombreux trésors semble m’attendre sagement. À l’extérieur, potagers et massifs se déploient autour d’une grange toute de rouge vêtue. Une peinture au pétrole m’informe Louis, faite par les précédents propriétaires et qui commence doucement à s’abimer. Foin et paille y sont stockés ainsi qu’un grand nombre d’outils et d’objets récupérés à droite et à gauche. Louis veut aménager la grange pour la transformer en grande salle de formation ou de cours de yoga. Avec à l’étage une possible salle de spectacle. Pour l’instant les potagers ont la priorité sur les travaux d’aménagement. À coté une grande mare bordée de roseaux est le terrain de chasse d’un groupe d’hirondelles qui nichent sous les poutres de la grange. Elle filent au dessus de l’eau à toute vitesse virevoltant avec agilité au son d’un gazouillis joyeux. Derrière la grange se trouve l’espace camping et un four à pain tout juste fini. Il est encore rempli de sable qui a servi de support à l’empilement des briques. Une grande prairie avec un petit lac s’étale dans le fond. Un magnifique noyer vit au milieu des herbes, gardien vénérable des lieux et témoin du passage du temps. Au delà s’étale un petit verger des pommiers et la suite de la prairie qui vit tranquillement sans intervention humaine. De l’autre coté de la maison, se trouve une petite forêt ainsi que l’enclos des poules, chèvres et moutons nains. Ils sont friands de visites et de gourmandises. Pommes ou quetsches tombées des arbres leur fera grand plaisir. À coté se trouve un autre verger mélangeant pruniers, pommiers, poiriers et cerisiers. Et partout, des massifs de fleurs, des arbustes, des plantes aromatiques ou médicinales et des plants de tomates qui semblent sortir de terre aux endroits les plus incongrus. L’ensemble de la propriété est entouré d’une belle haie naturelle de ronces et d’aubépines où des mûres se parent d’une jolie couleur sombre.

Nous sommes quatre wwoofers, quatre volontaires venu aider Louis en ce début Septembre. Le gros de son travail s’articule autour de l’entretien des potagers et vergers qui lui fournissent en plein saison presque 70% de ses fruits et légumes. L’autre partie de son travail consiste à aménager l’espace pour en faire un lieu de formation aux techniques de résilience (permaculture, autonomie énergétique, traitement des déchets, low-tech…). Sur les toits d’un petit établis se trouve quatre panneaux solaires et trois toilettes sèches ont été construites par de précédents volontaires à différents endroits du terrain. L’installation et l’utilisation de toilettes est très facile à mettre en place : un support en bois où vient se fixer une lunette de toilette en dessous de laquelle se trouve un seau pour recueillir urine et excréments. Après chaque utilisation, au lieu de tirer la chasse d’eau, il suffit de jeter une poignée de sciure ou de copeaux de bois dans le seau afin de constituer un mélange apte à être composter. Quand le sceau est plein, il suffit de le vider dans le compost. L’utilisation de toilettes sèches permet une grande économie d’eau, une meilleure dégradation des selles (qui se dégradent mal dans l’eau et nécessitent donc un traitement long en station d’épuration), pas d’odeur et la constitution d’une ressource naturelle permettant de venir enrichir la terre des potagers. Louis récupère également l’eau de pluie dans de grandes cuves en plastiques servant à l’arrosage des cultures. Un petit espace de phytoépuration a été mis en place à coté de la grange où les eaux grises de la douche aménagée dans la grange sont traitées par un passage à travers graviers et billes de céramiques puis par des joncs, roseaux et menthes sauvages, plantes capables de nettoyer les eaux grises issues de la cuisine ou de la douche.

La bâtisse principale ainsi que la ferme. Travail dans un de potager avec repiquage de salades et poireaux et remise en place du paillage afin de protéger la terre. De nombreux plants de Bourrache aux très jolies fleurs bleues parsèment le terrain de Louis. La Bourrache est une plante mellifère (produisant beaucoup de pollen et attirant donc les abeilles) et ses fleurs sont comestibles. Le magnifique noyer au centre de la prairie.

Au centre, le petit espace de phytoépuration et à droite l’extérieur d’une des toilettes sèches. La teinte rouge de la porte a été faite avec une peinture à la farine. C’est une peinture traditionnelle qui s’obtient en mélangeant farine, eau, pigments, savon, huile de lin et sulfate de fer et protège efficacement le bois.

Nous égrenons le noms des plantes qui s’étalent sous nos yeux. Courgette, tomate, salade, mâche, feuille de chêne, rose trémière, achillée millefeuille, thym, basilic, sauge, kiwi, poireau, betterave, radis noir, coquelicot, millepertuis, menthe, souci… Un mélange de plantes qui s’entremêle pour former des espaces de biodiversité où se mélangent plants à consommer, plants sauvages et plants pour le sol et la nature. Dans les deux gros potagers, des planches recouvertes de paille accueillent les cultures et les plantes mellifères. De jolis potimarrons, des courgettes jaunes, des tomates cerises noires, des salades aux feuilles colorées, des pâtissons, des poireaux et des pommes de terre aux formes biscornues font le gros de la récolte en ce début Septembre. Au hasard des journées, nous récoltons, repiquons et passons beaucoup de temps dans les vergers à ramasser pommes, quetsches et mûres afin de les transformer en confitures, compotes et gelées. 

Le surplus de pommes, pommes de terre ou bocaux servira à faire du troc ou à offrir. Les notions d’échange, de troc, de partage et de recyclage sont importantes à Louis qui cherche à construire un réseau de connaissances autour de sa ferme. Jean, le paysan de la ferme d’à coté vient régulièrement donner un coup de main ou échanger des récoltes. À Orbec, à une quinzaine de kilomètres de la ferme, une champignonnière propose à petits prix, la terre de ses cultures qu’elle change toute les semaines. Une terre enrichie en hummus de champignons que Louis dépose sur les nouvelles planches d’un de ses potagers qu’il désire agrandir. C’est une bonne couche pour enrichir à terre avant la mise en place des cultures. 

Les jours défilent au rythme des tâches à effectuer dans les potagers, des transformations et des petits travaux divers. Le lieu est d’un calme profond. Peu de bruits viennent troubler la quiétude de la vie qui se déroule ici tranquillement au rythme des saisons. C’est une vie simple, apaisante mais aux journées bien remplies et qui vibre de réflexions et de projets en devenir. Les discussions sur la société, la démocratie, le changement climatique animent les repas et je passe mes soirées à feuilleter les livres de Louis sur la maraichage, le biomimétisme, les arbres et la permaculture. Il y a tant à apprendre, à découvrir et je sens mon esprit qui s’emballe un peu, perdu entre la somme de savoirs à apprendre et la joie de tout découvrir. 

Des monticules blancs énormes parsèment le sol du verger derrière la grange. Les champignons ont poussé presqu’en un jour à la faveur d’une bonne pluie qui a fait du bien au sol asséché par les vagues de chaleur. De grosses vesses-de-loups d’un blanc crémeux qui se détachent en une pression de la main. En les coupant en de fines lamelles l’intérieur se dévoile avec une texture délicate qui s’effrite facilement. On dirait du fromage. Je les découpe en petits dès et les mélange à des herbes aromatiques en les faisant sauter dans l’huile d’olive. La texture est légèrement caoutchouteuse mais le goût bien particulier des champignons enchante mes papilles. En savourant le plat à la faveur de la nuit qui tombe, j’apprécie le sentiment de paix qui m’enveloppe. La joie de la vie se cache dans les moments les plus simples. Pourquoi vouloir aller chercher ailleurs ?

Récolte de pommes de terre, une des biquettes, rosée sur une toile d’araignée, préparation des repas et découpe de vesse-de-loup.

Note :
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