Apprentissages en pays tranquille. Treize mois, de Mai 2016 à Juin 2017 en Australie et Nouvelle-Zélande.

Rotorua, paradis géothermique

Au milieu des fumerolles, visite de la jolie ville de Rotorua et plongée dans l’histoire de la région.
28 juin 2016
Rotorua, Île du Nord, Nouvelle-Zélande © Claire Blumenfeld
CARNET

Après deux jours dans les Coromandel, je reprendre le bus très tôt le matin pour un dernier trajet avec Ritchie qui me ramène à Hamilton afin de rejoindre Rotorua. Située presque au milieu de l’île du Nord, dans une zone se trouvant à la jonction de deux plaques tectoniques formant la zone volcanique de Taupo, Rotorua est construite sur les rives d’un très grand lac se trouvant dans la caldeira d’un ancien volcan dont la dernière éruption remonte à 240000 ans. L’activité géothermique est importante dans la région et on trouve de nombreuses sources d’eau chaude, mares de boues et geysers le tout baignant dans les vapeurs d’eau chaude et l’odeur de souffre. Ça me rappelle des souvenirs du Japon et de ma visite à Unzen (l’odeur de souffre était plus forte là-bas). Forcément tout cela fait de Rotorua une attraction touristique majeure. Les Maoris s’étaient d’ailleurs installés dans la région bien avant l’arrivée des occidentaux, et utilisaient les sources chaudes pour se laver, se soigner ou se chauffer. Les premiers Pakeha (colons européens dont le terme désigne aujourd’hui toute personne non-maori) arrivèrent vers 1850 et s’installèrent en bordure du lac Rotomahana (à quelques kilomètres de l’actuelle Rotorua). Là se trouvait Les Terraces Roses et Blanches sur les flancs du volcan Tarawera. Sources thermales à l’air libre dont l’eau contenait de grandes quantités de bicarbonate de calcium, elles firent rapidement la renommée de la région et furent considérées comme la huitième merveille du monde. Hélas le 10 Juin 1886, le volcan Tarawera entra en éruption engloutissant les Terraces et les villages des environs. Malgré la catastrophe cela n’empêcha pas les colons de continuer à s’installer dans la région et Rotorua, ville thermale fut fondée en 1883. En plus des activités liées aux sources d’eau chaude, parcs, spectacles maoris (l’endroit étant l’un des berceaux de la culture maori), visite d’Hobbiton (lieu de tournage du Seigneur des Anneaux) et pleins de randonnées et d’activités sportives font le bonheur des visiteurs.

J’arrive donc à mon auberge en début d’après-midi. Je pose mon sac et fais la connaissance de Lydie, luxembourgeoise et Pauline, française, toute les deux très sympathiques. Et me lance dans l’exploration de la ville. Je passe voir le parc géothermique Kuirau, situé en plein centre de la ville. Sources d’eau chaude et petits lacs bouillants de tout les cotés dans une odeur de souffre. Je poursuis vers le village maori d’Ohinemutu, aujourd’hui intégré à Rotorua. Je retrouve Lydie en chemin et nous arrivons au centre du quartier quelques minutes avant le coucher du soleil. Quelques maisons de style maori sont encore debout avec une très jolie Wharenui (maison commune) mais c’est surtout la Marae Tamatekapua et l’église anglicane St. Faith qui retiennent mon attention. Avec leur toit rouge et la lumière chaude des rayons du soir, le lieu est magnifique. Tout en discutant de nos voyages respectif, nous poursuivons la balade le long du lac, admirant le coucher de soleil et les cygnes noirs sur l’eau. Nous rentrons à l’auberge dans la nuit noire et je m’endors, particulièrement heureuse de ma première journée à Rotorua.

Je passe les deux jours suivants à explorer plus en détail la ville et ses environs. Le lac de Rotorua est une grande étendue d’eau de 10km de diamètre. Il fut découvert par le chef de tribu Ihenga qui l’a baptisé Rotorua. En maori, “Roto” signifie “lac” et “rua” veut dire “deux”. Il s’agirait donc du deuxième lac découvert par Ihenga. Le lac abrite en son centre l’île Mokoia, un dôme de magma qui est également un sanctuaire pour la faune et la flore de l’île du Nord. C’est un des lieux de reproduction des mouettes scopulines, des mouettes de Buller et des goélands bruns. Du fait de l’activité géothermique, la partie sud-est du lac est appelée Sulphur Bay et possède une eau trouble en raison du soufre. L’eau est pauvre en oxygène et très acide. Les oiseaux apprécient grandement la température de l’eau mais l’acidité leur abime les palmures des pieds et la faible teneur en oxygène de l’eau les force à quitter régulièrement la région pour trouver de la nourriture. Les rives du lac furent également le théâtre de nombreuses guerres maori. L’île Mokoia fut particulièrement convoitée par les tribus de la région et fut la scène de batailles sanglantes. Mais elle est aussi le lieu d’une des histoires d’amour les plus connues de Nouvelle-Zélande. Tutanekai, vivant sur l’île et Hinemoa, jeune femme de haute naissance vivant sur les terres Owhata, étaient tombés amoureux. Mais leur amour était interdit. Hinemoa traversa alors le lac à la nage, guidée par les mélodies que jouait Tutanekai avec sa flûte sculptée dans l’os afin de rejoindre son amant.

Le musée de Rotorua est le plus beau bâtiment de la ville. Il est situé dans la Bath House, ancien établissement thermal qui offrait des traitements thérapeutiques. En 1878, un prêtre catholique, Père Mahoney, paralysé par l’arthrite fut transporté jusqu’à Rotorua pour se baigner dans les sources d’eaux chaudes. Il retrouva alors l’usage de ses jambes et l’on baptisa le lieu “Les Thermes du prêtre”. En 1882 le premier pavillon fut construit. Mais la structure s’effondra deux ans plus tard à cause de problème de maintenance (l’acidité de l’eau rongeant la tuyauterie et le bois). En 1885 un sanatorium ouvrit ses portes, suivit du nouveau pavillon en 1887. La Bath House construite en 1908 est le seul bâtiment qui reste du complexe de l’époque. Bains de boue et traitement à base de différentes sortes d’eaux étaient alors proposés pour traiter les maladies, rhumatismes, problèmes de peau. Hélas, l’acidité de l’eau rendant la maintenance difficile et la baisse de l’engouement pour les eaux médicinales conduisit à la fermeture des Thermes en 1940. S’inspirant d’un style architecturale élisabéthaine avec plein de petites tours et un grand escalier central, le bâtiment est situé au sein du Government Gardens ou Paepaekumanu Motutara, ancien lieu de guerres tribales maori. La tribu Ngâti Whakaue en fit cadeau aux colons en 1882. Le musée renferme deux principales expositions. Une retraçant l’histoire du lieu et des cures thermales avec balade parmi les installations de l’époque et dans les sous-sol où avait lieu les bains de boue. La seconde exposition est elle consacrée à l’histoire de la région. Les différentes tribus maori, l’arrivée des Colons, la destruction des Terraces Roses et Blanches, Rotorua aujourd’hui, tout cela s’enchaine dans une des plus belles exposition que j’ai vu. La scénographie est magnifique et l’utilisation de la typographie et de bandes dessinées rend l’ensemble très ludique. Pour moi qui suis particulièrement sensible au design, c’est du cadeau pour les yeux !

Rainbow Springs est un parc naturel de neuf hectares en bordure de Rotorua. Il abrite de nombreuses espèces de faune et flore indigènes et notamment des Kiwis ! En payant un supplément à l’entrée du parc, il est même possible d’observer des petits kiwis grâce au National Kiwi Trust Conservation Centre situé dans le parc. Bien décidée à voir de mes yeux ces petits trésors, je me rends au parc prête à y mettre le prix. Grosse déception ! Pour pouvoir voir des petits il faut venir en été ! Bon, je paye quand même l’entrée du parc afin d’aller voir les kiwis adultes dans leur enclos. Rainbow Springs dont le nom vient du ruisseau coulant au sein du parc où se prélassent 300 à 400 truites arc-en-ciel sauvages, est à la fois un parc naturel, un zoo et un parc d’attraction avec des activités et spectacles d’oiseaux. Cependant lors de ma visite c’était le calme plat. Il faut dire qu’il pleuvait un peu et qu’il faisait déjà presque nuit. Je me rends à l’enclos des Kiwis, un espace plongé dans l’obscurité en permanence (les kiwis sont des animaux nocturnes) et abritant 3-4 kiwis derrière des vitres en verre sale. J’en aperçois un en train de fourrager dans le sol à l’aide de son long bec et semblant éternuer/renifler toutes les dix secondes. Oulala, il doit être malade ! J’observe les animaux pendant plusieurs minutes mais comme il ne se passe rien de spécial, je ressors un peu déçue. 

En m’attardant sur les explications très intéressantes j’apprends pleins de choses sur les Kiwis. Ceux-ci sont des animaux nocturnes uniques à la Nouvelle-Zélande, incapables de voler et aujourd’hui en voie de disparition. Avant l’arrivée des maoris et des colons, les kiwis n’étaient menacés par aucun prédateur. Mais avec l’arrivée des hommes, vinrent les chats, chiens, rats, fouines, opossums. Qui s’attaquèrent à l’oiseau incapable de voler. Aujourd’hui, seul 5% des oisillons survivent dans la nature. Afin d’essayer de sauver l’espèce, de nombreux programmes de conservation sont mis en place dont le National Kiwi Trust Conservation Centre qui récupèrent les oeufs dans la nature afin de les élever jusqu’à l’âge de six mois où le petit Kiwi est alors relâché dans la nature en étant capable de se défendre face aux prédateurs. Il existe cinq types de Kiwis en Nouvelle-Zélande mais une espèce est complètement éteinte. J’apprends également que la femelle pond l’un de plus gros oeufs au monde par rapport à son poids. L’oeuf est même tellement gros qu’il remplit l’intégralité de son estomac et que trois jours avant de pondre elle arrête de se nourrir, n’ayant plus de place dans son ventre ! J’apprends également la réponse à mon interrogation de toute à l’heure. Non le Kiwi que j’ai vu n’est pas malade ! Comme il possède des narines très sensibles au bout de son bec, il est constamment obligé d’enlever la terre de ses orifices et donc éternue en permanence. C’est d’ailleurs le seul moyen de repérer sa présence, de nuit, dans la nature.

Je continue ma balade dans le parc en passant par la volière des animaux exotiques. Il y a de superbes perroquets et perruches qui m’accueillent dans un concert de cris. Plus je les observe, plus je me rends compte que j’aime observer le comportement des oiseaux, c’est fascinant ! La nuit tombant je file voir les reptiles et le Tuatara. Celui-ci est un reptile à sang froid unique à la Nouvelle-Zélande et plus ancien que les dinosaures ! Ce sont des bêtes au cycle très long : Ils atteignent leur taille adulte de 600mm au bout de 35 ans, ne respirent qu’une fois par heure et peuvent vivre jusqu’à au moins 100 ans ! Hélas c’est l’hiver et ayant froid les adultes se sont enfouis dans le sol. Je n’arrive qu’à distinguer deux juvéniles derrières les vitres sales de la cage. Je me contente avec le Dragon barbu de l’Est. Je poursuis dans l’obscurité à travers la forêt du parc remplit de Kauris (très grands arbres pouvant atteindre 4000 ans), Manukas et Rimus pour aller voir les oiseaux néo-zélandais : coup-d’oeil au Morepork (une chouette) qui porte très bien son nom maori : “ruru” qui signifie “grands yeux”, arrêt devant l’enclos du Weka (oiseau curieux incapable de voler), discussion avec Jenny, le Kea (perroquet alpin en voie de disparition) et je finis par une balade dans l’enclos de Kâkâs. Ceux-ci sont de grands perroquets avec des plumes rouges au niveau de la queue qui se comportent un peu comme des singes. Ils utilisent leur grand bec acérés pour escalader ou se balancer de branches en branches ! Fascinant. Alors que je suis dans l’enclos, un Kâkâ un peu trop curieux s’approche à quelques centimètres de moi ! je ne sais pas s’il me prend pour le gardien ou le type qui lui donne à manger mais il agite son long bec un peu trop près de ma jambe à mon goût. J’essaye de le faire reculer en agitant la brochure devant son bec mais voila qu’il l’attrape avec son bec et se rapproche encore plus de ma jambe ! Je ne sais pas s’il est juste curieux mais la forme de son bec acéré m’inquiète légèrement. Je me précipite vers la porte de sortie, le perroquet sur mes talons. Pfiou ! Être prise en chasse par un perroquet, quelle drôle d’aventure !

Ma dernière visite à Rotorua se porte sur le Parc géothermique Wai-o-Tapu dont le nom maori signifie “eaux sacrées”. Environ 18 km2 de cratères effondrés, piscines de boues bouillantes, lacs aux couleurs grandioses, vapeur, fumées et odeurs de souffre. Une petite demie-heure dans une navette spéciale (seul moyen d’accéder au parc si on a pas de voiture), où je fais la connaissance de Julie, une française en vacances pendant un mois en Aotearoa (la Nouvelle-Zélande en langue maori). La navette nous dépose en premier au geyser Lady Knox, qui se déclenche tous les jours à 10h15 ! Un des employés du parc s’avance près du geyser et nous raconte avec un accent kiwi bien prononcé qu’il y a un siècle, cet endroit était utilisé comme prison. Un des bagnards lavant ses habits fit malencontreusement tomber son savon dans les eaux d’une source thermale. Ce qui eut pour effet de déclencher un jet d’une hauteur de 20m. L’astuce est aujourd’hui utilisée pour déclencher Lady Knox mais attention, le savon utilisé de nos jours est conçu de façon à ne pas dégrader la nature. L’employé verse le savon, des bulles commencent à se former et le jet s’élève enfin, bien moins puissant que ce que je l’avais imaginer. Sympathique mais trop attraction pour touristes à mon goût…

La navette nous récupère et nous dépose cinq minutes plus loin devant l’entrée du parc. Plusieurs sentiers vagabondent à travers le parc en passant par toutes les “attractions”. Julie et moi faisons le chemin le plus long, en nous émerveillant à la vue des couleurs et des structures. Certains lacs (notamment le Devil’s Bath) sont d’une couleur verte pomme indiquant la présence d’arsenic ! L’attraction principale est la Champagne Pool, grand bassin de 65m de diamètre, dont le nom vient des bulles de gaz remontant à sa surface. Le centre du lac est à 75°C et ses bords tout oranges témoignent de dépôts d’antimoine. Hélas, le soleil se cache derrière les nuages ce qui minimise un peu la beauté des lieux. Mais la balade n’en demeure pas moins agréable. 

Pas de parc à thème maori, spectacles  ou rencontre maori pour moi durant ce séjour à Rotorua. Les prix sont beaucoup trop chers, c’est très touristique et je trouve cela un peu étrange de transformer la culture ancestrale maori en spectacle pour touristes. Cependant Lydie et Pauline y ont assisté et elles m’ont dit qu’elles avaient beaucoup aimé. Les danses guerrières, costume traditionnels et Haka sont très bien. Et le repas cuisiné au Hângi (cuisson de aliments dans un four construit dans le sol où la nourriture mijote pendant des heures à l’aide de pierres chaudes et de vapeur) vaut son pesant d’or. L’idéal pour moi serait de voir ça dans la réalité mais comme la plupart des Maoris vivent aujourd’hui de la même façon que les Néo-Zélandais, cela à peu de chance d’arriver. 

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