Périple à la découverte de soi-même. Cinq mois de Juillet à Octobre 2019 à travers l’Écosse et l’Islande.

Le charme des Hébrides

Deuxième partie sur l’Hebridean Way à travers les petites îles pleine de charme du centre de l’archipel.
12 juillet 2019
North Uist, Hébrides extérieures, Écosse © Claire B. - Merci de ne pas utiliser sans autorisation

Aujourd’hui le vent est toujours là mais le soleil est revenu. C’est déjà ça. Sur les îles le vent est permanent. Il faut s’en accommoder. Je prends deux minibus pour rejoindre Carinish d’où continue le chemin. Les ruines du Temple de la Trinité (Teampull na Trionaid) se tiennent à coté de la route. C’est tout ce qu’il reste d’un important monastère et lieu d’apprentissage datant du milieu du 12ème siècle. Les terres autour du monastère ont vu la Bataille de Carinish en 1601 teindre le sol en rouge lui valant le surnom de « Feith na Fala » (fossé de sang) lors d’une bataille entre clans. Aujourd’hui seulement quelques touristes et moutons se baladent autour du site.

Le chemin s’enfonce dans la plaine. Au loin je distingue une petite silhouette portant un sac à dos. Quelqu’un d’autre fait l’Hebridean Way. C’est la première fois que je vois un autre randonneur sur le chemin. Le sentier zigzague à travers la plaine rejoignant la côte Est de North Uist. Je rattrape la silhouette qui s’est arrêtée pour la pause repas. Julie mange des noix, du raisins et quelques tranches de jambons. Elle aussi fait l’Hebridean Way et semble contente de rencontrer une autre randonneuse. Je passe une vielle jetée où je m’arrête pour mon déjeuner. La mer est basse et je déjeune assise contre les murs de la jetée, en partie protégée du vent. 

Le chemin continue à travers la plaine puis monte sur Beinn Langais où un vieux cercle de pierres presqu’enfoui sous les fougères et une ancienne chambre funéraire à moitié écroulée m’attendent. Ce sont les témoins d’une colonisation ancienne des îles des Hébrides. Huit kilomètres le long de la route pour rejoindre Lochmaddy, un petit bled en bord de mer mais la pluie apparait soudainement et c’est trempée que je fais du stop en bordure de la route en espérant que quelqu’un me prenne. Une bonne vingtaine de minutes plus tard, une voiture s’arrête enfin et deux vieux locaux me prennent avec eux. Apprenant que je compte bivouaquer cette nuit à coté de Lochmaddy, ils s’engagent à me trouver une chambre dans un des B&B du village. Je n’y tiens pas forcément puisque cela coûte cher mais ils sont déterminés à tout prix. Heureusement pour moi, les B&B du village sont pleins et je m’échappe en remerciant gentiment mes conducteurs. 

Une heure plus tard, alors qu’il pleut encore, je suis toujours à tourner dans le village pour trouver un endroit où camper. Impossible. Pas d’endroit plat et trop de vent. Mince. Que faire. J’abandonne et décide de me rendre au Gatliff Youth Hostel de Berneray à une vingtaine de kilomètres de là. J’étais sensée arriver sur Berneray seulement demain soir mais ce sera pour ce soir. Le dernier bus de la journée m’emmène alors que la pluie décide enfin de s’arrêter. Dans la lumière de la fin de soirée, je distingue la plaine et les collines où passe le chemin reliant Lochmaddy à Berneray. J’ai décidé que demain, je laisserais mon gros sac à Berneray puis prendrais un bus pour revenir à Lochmaddy afin de faire le chemin. Le Gatliff Youth Hostel est le même qu’à Howmore, dans un vieux cottage traditionnel, tout au bout du village de Berneray juste en bordure de la mer. C’est magnifique. J’y rencontre Marie, une cycliste française d’une quarantaine d’années et nous passons la soirée à discuter. Je suis bien contente d’avoir changé mes plans.

La lande de North Uist et à les ruines du Temple de la Trinité.

Ciel gris de nouveau mais des éclaircies sont sensées arriver. Marie s’en va rejoindre le petit terminal du ferry reliant Berneray à Harris et je prends le bus pour retourner à Lochmaddy. Hier, l’esprit occupé à trouver un endroit où camper j’y ai oublié mon baton de randonné au petit magasin du village. J’espère qu’il y sera encore. Une vingtaine de minutes plus tard le bus me dépose et je récupère avec soulagement mon baton qui semble m’attendre bien sagement. Je repars dans l’autre sens pour attaquer la randonnée. Le ciel s’est légèrement dégagé, il semble que la journée va être belle. Tout du moins d’après les standards écossais : donc sans grosse pluie. Je contourne Blathaisbhal, marchant un peu au hasard à travers la plaine, les poteaux indicatifs ayant disparu puis traverse la moor pour rejoindre le sommet de Beinn Mhor. La traversée de la tourbière est longue, le sentier bifurquant en permanence. À vol d’oiseau, il y en a seulement pour deux kilomètres, je pense. Au sol il m’en faut presque cinq ! J’atteins néanmoins le sommet et pour la première fois depuis 2-3 jours contemple les environs avec un peu de hauteur. Avec les quelques rayons de soleil, la vue sur les plages, le Machair, les lacs et l’île de Berneray est splendide. Je déjeune en haut mais le vent fort ne me fait pas trainer. 

De retour dans la plaine, je passe voir les ruines de Dun An Sticer. D’abord utilisé comme une maisonette presque 2500 ans plus tôt, la construction au milieu du lac fut ensuite transformée en fort au 16ème siècle. Hugh MacDonald, qui complota pour faire assassiner son cousin y fut enfermé avant d’être envoyé dans une prison sur l’île de Skye. De retour sur la route, il me reste quelques huit kilomètres pour rejoindre le Youth Hostel et je m’essaye à l’auto-stop. Deux secondes plus tard, la première voiture s’arrête. La chance ! Un monsieur du coin m’embarque au milieu de ses affaires de peinture et me voilà de retour sur Berneray. Je change de bunkhouse ayant réservé quelques jours plus tôt pour le John’s bunkhouse, un autre dortoir situé lui plus près du terminal du ferry. L’habitation est toute récente et superbe mais l’arrivée d’une famille avec un enfant en bas âge rend la soirée moins agréable que celle d’hier soir. Je passe au minuscule magasin-café de l’île pour acheter quelques provisions. La caissière et une cliente discutent. La langue étrange attire mes oreilles. Elles parlent Gaelic. Cela fait plusieurs fois que je l’entends par brides. Principalement parlé dans les Highlands et les Hébrides, le Gaelic est une langue celtique ne ressemblant à aucune autre. Écoutant les dames rouler les « r » et accentuer les « ch », je la trouve particulièrement agréable à écouter.

Le lendemain j’ai décidé de faire une pause du trajet et de profiter du matin pour me balader sur Berneray avant de prendre le ferry pour Harris dans l’après-midi. Je laisse mon gros sac à la bunkhouse et pars à travers le Machair faire le tour de l’île. Je longe la grande plage de la côte Ouest et grimpe en haut de la petite colline de l’île. Au loin parmi les nuages je distingue les montagnes d’Harris. En début d’après-midi, je me rends au terminal du ferry retrouvant Julie, rencontré quelques jours plus tôt. Elle aussi fait la traversée. 

Le ciel se couvre et nous arrivons à Leverburgh sous la pluie. Mes premières impressions de Harris me font penser aux Highlands. Faut dire que les collines ici ressemblent plus à des montagnes. Julie a réservé à la même bunkhouse que moi, Am Bothan Bunkhouse et nous voilà dans la même chambre à sécher nos affaires. Passage rapide au petit supermarché du coin qui à ma grande surprise vend des produits organiques et végan. La soirée est tranquille, discutant avec deux écossais s’étant rendu à St Kilda dans la journée. Depuis Leverburgh il est possible d’aller visiter cette petite île encore plus à l’Ouest de l’Écosse et classée au patrimoine mondial de l’Unesco mais le prix et la traversé difficile en bateau m’en dissuade un peu.

Le Machair de North Uist et Berneray. 

Dun An Sticer.

Cottages sur l’île de Berneray.

Jour de repos à Leverburgh, le temps étant vraiment mauvais aujourd’hui. Il pleut sans interruptions toute la journée. Le paysage est triste et morne. J’en profite pour me reposer, me ravitailler en nourriture et avancer sur mes projets. Ma première partie sur l’Hebridean Way fut toute en contrastes. Mélange de beau et de mauvais temps et de passages splendides à très monotones. J’en suis un peu déçue mais je m’en veux aussi d’avoir imaginé des paysages paradisiaques. Cela reste l’Écosse après tout. Et en Écosse il pleut, la grande majorité du temps. Alors forcément avec la pluie les lieux perdent de leur superbe. 

Cette première partie sur les « petites îles » des Hébrides fut un peu monotone, le chemin passant beaucoup de temps à travers le Machair (beau mais répétitif) et sur les routes (faciles mais dures pour les pieds). Le paysage est très beau mais la difficulté du terrain (assez peu de chemins existants, tourbières et lacs un peu partout, collines peu fréquentées à l’Est) a conduit à la création d’un chemin sur la côte Ouest empruntant beaucoup de chemins de ferme, vieilles routes, zones à travers et sections sur la grande route rendant la randonnée un peu monotone et pas des plus agréable. De nouveau je m’interroge beaucoup sur ce que la randonnée signifie pour moi. Les Hébrides sont principalement parcourues à vélo et après avoir rencontré et discuté avec plusieurs d’entre eux, je me demande un peu si je n’aurais pas dû faire moi aussi le chemin à vélo. Mais même si le voyage semble moins contraignant à vélo, les cyclistes sont eux aussi confrontés à la pluie et au vent. 

Le temps est changeant dans les Hébrides. Peut-être encore plus que sur « the main land » (l’île principale de l’Écosse). Il faut savoir s’en contenter. Je ne peux rien y faire. Alors j’essaie de laisser de coté ma déception pour me concentrer sur un doux sentiment de bien-être qui se cache au fond de mon coeur. Je suis contente d’être là. Ici, au milieu des Hébrides. Sur ces îles au charme si particulier où le temps semble ralentit sentant bon l’odeur de la nature, du calme et des traditions. Ici, le paysage est différent, à la fois morne et merveilleux. Les gens sont accueillants. Et la marche plus qu’une simple randonnée. C’est une traversée à la découverte de moi-même, à la découverte du temps, à la découverte d’instants magiques et éphémères. C’est un joli cadeau et je me dois de l’accueillir et le comprendre avec l’ouverture d’esprit nécessaire. Je marche au jour le jour, perdue dans mes petits soucis et inquiétudes du quotidien. Souvent je ne suis pas capable de réaliser immédiatement l’importance de la situation que je vis. Il me faut quelques jours, quelques semaines, quelques mois pour comprendre et en tirer les leçons. Ici, en marchant dans les Hébrides, j’ai beau laisser mon esprit virevolter à ses occupations habituelles, je sais que l’expérience est bien plus que cela et que les leçons se révèleront à moi en temps venu.  

Éclaircie sur Leverburgh.

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