Errances dans l’outback. Quatorze mois en Australie de Juillet 2017 à Septembre 2018.

La tête dans les nuages à Mont Buller

Travailler dans une station de ski de l’état du Victoria et prendre une décision pour la suite.
20 août 2018
Mont Buller, Victoria, Australie © Claire Blumenfeld
CARNET

Après la Tasmanie, je rejoins le continent pour mettre le cap sur Mont Buller, une des stations de ski les plus connues d’Australie. Oui il existe quelques montagnes assez hautes en Australie pour recevoir de la neige. Les locaux les appellent d’ailleurs les « Alpes Australiennes ». Mt Buller est située à deux heures de route environ de Melbourne.

Je récupère un équipement de ski et dépose quelques affaires chez une amie à Melbourne avant de rejoindre Mont Buller. Cela fait longtemps que je voulais faire une saison dans la neige et j’ai postulée il y a quelques mois pour un poste dans la restauration au sein des différentes stations de ski de la région. Mont Buller fut la station me proposant le poste le plus intéressant et j’ai donc accepté.

J’arrive en fin d’après-midi après avoir laissé ma voiture au parking des employés au bas de la montagne.  Abom, la compagnie qui m’emploie possède un grand restaurant-hôtel dans le centre de la station. J’apprends rapidement que mon logement et mon lieu de travail ne seront pas à Abom mais au sein de Spurs, un fast-food dortoir situé sur les pistes, un peu plus haut. Je ne vais faire que quelques shifts à Abom. Je suis partagée entre la déception de ne pas être dans le village et la curiosité de me retrouver à vivre sur les pistes entourée par la neige. Situé à une dizaine de minutes à pied du centre et accessible uniquement à pied ou skis, Spurs est un petit restaurant avec deux étages dédiés à héberger le personnel du restaurant, les moniteurs de ski et snowboard et les perchistes (les employés des remontées mécaniques). Une centaine de personnes vont vivre ici pendant la saison. Après avoir fait traverser l’étendue neigeuse à toutes mes affaires, je m’installe dans une minuscule chambre abritant quatre lits (deux lits superposés). Deux personnes sont déjà là : Mélanie et Stephanie. Steph est chinoise, du même âge que moi et d’un caractère tranquille. Nous sympathisons immédiatement.

Les deux premières semaines sur la montagne sont un petit bonheur. Le travail est simple. Encaisser les clients, nettoyer les tables et la salle, aider en cuisine, déneiger l’accès extérieur, ranger les livraisons, servir au bar, etc, rien de bien compliqué. Nous sommes une équipe de quatre en salle et trois en cuisine. Les positions changent régulièrement afin que tous le monde puisse faire un peu de tout. Le temps est magnifique, les pistes accessibles en dix secondes, je skie tous les jours, les couchers et levers de soleil extraordinaires et les séances de photo réussies. La montagne n’est pas très haute, 1805 mètres, mais suffisante pour dépasser les nuages couvrant souvent les vallées aux alentours, ce qui rend la vue assez exceptionnelle. La montagne n’est pas grande et j’en fait rapidement le tour mais la variété des nuages et couchers de soleil rendent le lieu magnifique et je passe beaucoup de temps à photographier le paysage. 

Mais cela ne dure pas et je passe ensuite un mois entier dans le mauvais temps permanent. Neige, pluie, nuages, vent, ciel gris. Le beau temps à déserté Mont Buller. À cela s’ajoute un boulot et une équipe devenant de moins en moins intéressant et un hébergement se transformant en porcherie. Je sature rapidement. Je discute souvent avec les moniteurs vivant à Spurs la plupart du même âge que moi et dont la plupart viennent des quatre coins du monde : Italiens, Argentins, Américains, Autrichiens, Polonais, Suisses, etc. Eux aussi sont profondément déçus des conditions de travail et d’hébergement offerts. La dépression qui stagne comme une épée de Damoclès au dessus de ma tête depuis des années fait son grand retour. Je la sens qui grandit dans mon cerveau, dans mon corps, me remplissant d’une amertume qui me consume.

Brutalement après un mois et demi de travail à Mont Buller je n’en peux plus. J’étouffe. Et pour la première fois j’envisage de quitter l’Australie, de rentrer en France. Moi qui pensait soit retourner en Tasmanie après la saison d’hiver pour continuer de découvrir l’île que j’ai beaucoup aimé ou bien postuler pour un poste sur un resort au sein de la Grande Barrière de Corail, je me prends un mur en plein visage. Je n’en peux plus. Cela fait un an et deux mois que je voyage en Australie et presque trois ans que j’ai quitté la France. Et peut importe le lieu où j’ai travaillé cela c’est toujours fini en déception. Faut-il continuer au risque de revivre encore et encore la même situation, les mêmes condition de travail et d’hébergement très moyens ou bien faut-il rentrer ? Je discute beaucoup avec les imoniteurs de ski des Alpes Européennes. Et notamment du Mont-Blanc et de Chamonix. De la haute-montagne. De la vraie montagne. Et des paysages à couper le souffle. Je suis allée une fois à Chamonix quand j’étais petite mais je ne m’en souviens plus. L’idée de rentrer en France pour travailler à Chamonix pendant le saison d’hiver s’insère dans mon esprit. 

Il est vrai que peu de choses me manque de la France. Seul le bon pain, l’architecture et les montagnes (hautes) me manquent. L’Australie est magnifique à bien des égards mais son environnement à grande majorité plat et sans montagnes ne m’attire qu’à moitié. C’est d’ailleurs pour cela que la Tasmanie beaucoup plus vallonnée m’a énormément plu. Par curiosité je postule alors pour un poste d’assistante maître d’hôtel commençant en Octobre au sein d’un superbe établissement quatre étoiles. L’hôtel Alpina au centre de Chamonix. Avec un restaurant panoramique au septième étage possédant une vue exceptionnelle sur la chaîne du Mont-Blanc. Je n’y crois pas trop mais la réponse ne se fait pas tarder suivie d’un entretien skype. Une semaine plus tard, je suis engagée ! Le salaire est moins intéressant qu’en Australie mais la position me permettra d’apprendre plus de choses et de devenir pourquoi pas maitre d’hôtel.

J’ai du mal à y croire. Est-ce une bonne chose ? Faut il que je rentre ou que je persévère ? Est-ce que je désire vraiment faire carrière dans la restauration ? Je passe plusieurs jours à réfléchir sans parvenir à me décider. Je viens à peine de commencer ma deuxième année de visa en Australie. Il me reste encore neuf mois ! Et puis j’ai l’impression que rentrer en France cela équivaut à rendre les armes. Comme un échec. Moi qui voulait voyager autour du monde pendant encore cinq ans avant de rentrer… Et il y a tellement d’endroits à aller découvrir en Australie… Mais les conditions de travail et d’hébergement se dégradant encore, quelques problèmes relationnels pointant leurs nez et la joie que j’éprouve à rentrer en France pour me rendre à Chamonix me font prendre une décision. Quelques semaines de plus à Mont Buller, un mois en road trip autour de l’Australie et retour en France fin Septembre.

Je ne sais pas si c’est le bon choix. Peut-être est-ce une erreur. Peut-être suis-je encore en train de m’illusionner. Toujours est-il que le soulagement que je ressens une fois la décision prise est lui réel. Et comme pour faire écho à mon état esprit le beau temps retourne à Mont Buller pour mes derniers jours de travail.

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