Errances dans l’outback. Quatorze mois en Australie de Juillet 2017 à Septembre 2018.

Arkaroola, vivre dans le désert australien

Travailler dans une réserve-resort au Nord des Flinders Ranges.
22 août 2017
Arkaroola Wilderness Sanctuary, Australie Méridionnale © Claire Blumenfeld
CARNET

Le soleil tape fort. Pas un nuage à l’horizon. Depuis le sommet d’une des crêtes environnantes j’observe Arkaroola. Les quelques constructions qui constituent le village semblent bien fragiles au milieu de l’environnement désertique. Le rouge de la terre, la couleur dominante, me fascine. Je me perds dans la contemplation du paysage. Le lieu est magnifique. Depuis le début du mois de Juillet 2017, je travaille en Australie Méridionale à Arkaroola Wilderness Sanctuary. C’est une réserve naturelle privée qui abrite notamment un petit village et camping perdus au nord des Flinders Ranges, une des plus longues chaine de montagnes de l’Australie. La première localité à proximité est située à trois heures de route. Et il faut sept heures pour atteindre la « grande » ville des environs, Port Augusta. Presque aucun signe de civilisation sur des kilomètres. Juste la nature semi-désertique, les collines ondulées vêtues de rouge et une sensation de calme absolu. 

Située à 600km au nord d’Adelaide, la région aride et sèche enregistre le passage du temps et de l’histoire. De nombreux géologistes viennent dans le coin décrypter l’histoire des roches tapissant le sol. Parfois c’est le fossil d’un animal datant de millions d’années qui se révèle. Sous mes pieds se trouve des cailloux millénaires. Certains des arbres que je croise ont vu passer les siècles sans changements notables. Lorsque je regarde des photos d’il y a cinquante ans, je ne distingue pas vraiment de différences. À part une végétation aujourd’hui plus dense due aux efforts des propriétaires à protéger l’environnement. Arkaroola fut pendant un temps, autrefois, utilisé comme « Station » (propriété utilisée pour la production du bétail) et la grande majorité des plantes et arbres natifs avaient disparu. Aujourd’hui la production est grandement limitée et l’environnement de la réserve a repris son apparence naturelle. 

Vivre à Arkaroola c’est vivre à la fois dans le passé, le présent et le futur. Cela ne fait que deux mois que je réside dans cet Outback resort mais j’ai l’impression que le temps c’est arrêté. J’ai débarqué par un beau jour de début Juillet après neuf longues (très longues) heures de voiture. Amy et Stephen, deux membres du staff de passage à Adélaide étaient venus me récupérer, moi et mes sacs à dos. La voiture était un vieux 4×4 tressautant au moindre cailloux. Sur le bitume cela allait mais une fois que nous nous sommes engagés sur la piste abimée traversant les Flinders Ranges et le désert, ce ne fut qu’une longue agonie. J’ai accueilli l’arrivée à Arkaroola, dans la lumière du soir qui tombait avec un gros soulagement. D’un seul coup, là au milieu du désert, se trouvait un bout de civilisation. Les bâtiments paraissaient vieillots et rudimentaires mais le chant des cigales et l’atmosphère tranquille qui se dégageait de l’endroit m’a tout de suite plu.

Le resort est construit au milieu du désert au bout d’une vallée entourée de petites collines. Ici, le sol est rouge, poussiéreux et caillouteux. Les Eucalyptus composent la majorité de la végétation. Le staff loge dans un petit baraquement rudimentaire posé à l’entrée du village. Un Restaurant-accueil-magasin-station service, un hangar, une piscine et cinq bâtiments abritant les hébergements pour les clients composent le village. Un peu à l’écart se trouve plusieurs espaces pour caravans et camping. Et perchés sur les collines autour, se situent trois observatoires pour regarder les étoiles lorsque le ciel est clair. Tout autour c’est la nature sauvage qui s’étale. Le grand calme, sans aucun bruit de civilisation. Semi-désertique, le paysage d’Arkaroola ne manque pas de charme. En Juillet, Août c’est l’hiver en Australie et les lieux profitent des occasionnelles chutes de pluie et des températures plus agréables pour reprendre un peu de couleurs. Les arbres sont tout verts et de nombreuses fleurs déposent de jolies touches de violet, jaune et rouge dans le paysage. En été, la température monte jusqu’à 50°C et la pluie se fait très rare. 

Entre nos heures de travail, Amy et moi profitons d’un peu de temps libre pour concocter des « energy balls ». De petites barres énergétiques de forme ronde et pleines de bonnes choses. À l’extérieur de la staff room, le village vit tranquillement au milieu des collines. La température commence déjà par moments à monter atteignant les 30°C. Autour de Greenwood Lodge, les arbres Quandong exposent leurs jolis fruits rouges à la chaleur du soleil. Une fois mûr, le fruit peut être mangé tel quel ou, plus traditionnel, transformé en confiture. J’ai eu l’occasion d’en gouter et c’est plutôt bon. Bien que tout petit, le fruit du Quandong est très nutritif et contient deux fois la quantité de Vitamine C d’une orange.

Dans la chaleur de la fin d’après-midi, les cigales entonnent leur concert de crissements. Perchée au niveau de l’Observatoire Dodwell, un peu en hauteur à l’arrière du village, j’observe la vie du village se dérouler autour de moi. Mark revient de son tour guidé de l’après-midi, le Ridgetop tour, une balade en 4×4 à travers les terres sauvages d’Arkaroola (très prisée par les touristes). Quelques wallabies sautent dans les buissons devant moi en quête de nourriture. Des touristes juste arrivés s’installent tranquillement dans leur accommodations respectives. Une odeur de barbecue flotte depuis le caravan park. La piscine attire les oiseaux et les jeunes en quête de rafraichissement. Et le staff prépare le restaurant pour la soirée qui arrive. Les souvenirs de l’observation du ciel hier soir, me reviennent en mémoire. En compagnie de Doug, le propriétaire du resort et de quelques clients, nous sommes allés regarder les étoiles. La pollution lumineuse étant minime à Arkaroola, les étoiles apparaissent très bien dans le ciel dans nuages. De ce coté-ci de la planète, le ciel n’a rien à voir avec celui que je contemple régulièrement en France. En Australie, les positions des étoiles sont inversées et la voie lactée paraît plus brillante. 

La vie au village est la plupart du temps très tranquille et paisible. Entre mon travail à la réception, derrière le bar, aux service du restaurant, dans la cuisine et au ménage des chambres je ne m’ennuie pas. Les journées sont bien remplies et rarement ennuyeuses. J’échange joyeusement avec les clients, généralement des Australiens, plus rarement des Européens et des Asiatiques, toujours un peu surpris de me trouver là. Et puis je développe ma capacité à préparer boissons, bières, chocolats, cafés, à prendre les commandes et servir les clients, à préparer des sandwichs et à faire la plonge, tout en aidant à l’accueil, au ménage et à la préparation des chambres. Je m’habitue également à l’accent australien et aux expressions assez drôles, comme par exemple, demander du jus (« can I have some juice »), pour parler de l’essence. La première fois que j’ai entendu cette expression, j’ai naturellement cru que le client voulait du jus d’orange ! Généralement les clients arrivent en famille ou petits groupes et sont tous sympathiques. L’arrivée d’un grand groupe de touristes en voyage organisé ou un rallye en moto est toujours un petit évènement. Un de ces jours mémorables fut le débarquement d’une centaine de motards sur des postie bike (moto de facteur). Le groupe accomplissait un trajet de quatre jours en moto afin de collecter de l’argent pour construire des hôpitaux dans la région. Ce fut une soirée très animée, les motards échangeant joyeusement entre eux ou avec le staff. 

Pendant mes jours de repos, je me balade dans les environs, explorant la région, seule ou avec Maggie, une jeune américaine vivant en Australie et arrivée en même temps que moi à Arkaroola. Nous passons aussi pas mal de temps avec un groupe de jeunes apprentis-géologues venus pour un mois dans la réserve pour faire de la cartographie et étudier les sols. 

Le milieu du début de soirée éclaire les environs d’une couleur chaude. J’ai du mal à détacher mes yeux de mon observation. Les lieux sont tellement beaux et l’atmopshère est si paisible ! Lorsque j’ai décidé de venir travaillé ici, trois mois auparavant, je ne m’attendais pas à autant de beauté. Arkaroola fait probablement partie des plus beaux coins de l’Australie et je suis bien contente de l’avoir trouvé !

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