Dans les flocons de la désillusion. Neuf mois d’Octobre 2018 à Juin 2019 en France suivi d’un très court passage en Italie.

Un automne montagnard

Retour en France et début d’une nouvelle aventure à Chamonix au coeur des Alpes françaises.
30 octobre 2018
Massif du Mont-Blanc, Chamonix, France © Claire Blumenfeld
CARNET

Me voilà de retour en France. Après plus de trois ans à l’étranger, me voilà de retour. J’ai quitté l’Australie fin Septembre et je suis de retour depuis dix jours. Étrange. J’ai du mal à savoir ce que je ressens, entre la joie de revoir mes parents, l’excitation à l’idée de commencer un nouveau travail et un léger arrière-goût d’échec de n’avoir pas su continuer mon séjour en Australie. Mais c’est comme ça. Les derniers mois en Australie ont été difficiles et après 15 mois passés sur cette île-continent, j’ai décidé de revenir en Europe. Pour quelques mois. J’ai trouvé un travail d’Assistante Maître d’Hôtel à Chamonix Mont-Blanc commençant début Octobre et me voilà donc lancée dans une nouvelle aventure. J’ai à peine eu le temps de me reposer que je repars à nouveau !

L’idée de venir travailler durant la saison d’hiver à Chamonix au pied du Mont-Blanc m’enchante au plus haut point. Je repense aux nombreuses discussions que j’ai eu avec Gregorio, un des instructeurs de ski à Mont Buller, qui n’arrêtait pas de me vanter les charmes de la vallée. Lui, il est originaire de Courmayeur, de l’autre coté, coté italien. Il y travaille pendant l’hiver mais vient régulièrement à Chamonix. J’aime les montagnes. J’aime ces géants de rocs et de sommets enneigés. Ces vallées escarpées et ces randonnées en altitude. J’aime la beauté du paysage et cette impression de puissance. La sensation d’être toute petite dans le paysage, perdue en pleine nature. Alors venir vivre à Chamonix, cela me semble être la bonne décision.

L’hôtel Alpina se dresse fièrement dans le centre de Chamonix. Un grand bâtiment au style moderne avec une gigantesque baie vitrée au septième étage. D’un coté, coule l’Arve, qui descend du Mont-Blanc. Et de l’autre le centre pittoresque de Chamonix. Mélange de moderne et de traditionnel. Malgré les grands immeubles de construction récente, Chamonix garde un certain charme. J’y suis déjà venue il y a des années. En voyage scolaire et avec mes parents. Mais je ne m’en souviens plus. La ville a probablement grandement changée. L’hôtel a été récemment refait et l’intérieur est très beau. Des cordes d’alpinisme, des grosses cloches, des vieux skis, des dessins d’alpinistes ou d’écrivains du coin, le tout dans des tons colorés, illuminent les lieux. Le restaurant, au septième étage à la plus belle vue de Chamonix. Le massif du Mont-Blanc s’étale fièrement devant mes yeux éblouis. C’est là que je vais travailler pendant sept mois. 

Ma chambre n’a pas tout à fait la même vue. Un bâtiment se trouve juste en face de ma fenêtre. En tendant les bras je pourrais presque le toucher. C’est l’arrière d’un restaurant japonais. Mais je ne peux pas trop me plaindre, le boulot vient avec le logement et la nourriture et c’est très avantageux pour moi. Trouver un logement à Chamonix est mission impossible et le prix des courses alimentaires est trop élevé. Alors me voilà logée à Beaulieu, un vieil immeuble derrière l’Alpina reconvertit en habitation d’employés. La grande majorité du staff vit ici. Les chambres sont petites mais j’ai la chance d’en avoir une pour moi toute seule. La plupart sont partagées à deux. Un lit, une douche, un lavabo, une table et une armoire. Murs blancs et moquette marron sombre. Ça n’est pas le grand luxe mais c’est bien mieux que beaucoup d’endroits où j’ai vécu au cours de mes trois années de voyage. 

L’atmosphère dans l’équipe est un peu tendue. Beaucoup de personnel vient de partir et beaucoup vient d’arriver. Tout le monde a besoin de s’adapter et l’ambiance s’en ressent. C’est début Octobre, le début de la saison d’hiver. La grande majorité de l’équipe d’été est partie et ceux qui sont restés sont un peu surchargés de travail. Les nouveaux comme moi, prennent leurs repères et avalent la quantité d’informations déversées par les autres. Comme souvent dans le domaine du tourisme, on se retrouve parachuté en plein « combat » sans beaucoup de temps pour maitriser les bases. À la guerre comme à la guerre. J’apprends ce que j’ai besoin de savoir pour faire mon travail d’assistante, essaye de ranger du mieux que possible le bar et l’arrière-salle qui semblent avoir affronté un ouragan et me familiarise avec la gestion des groupes et buffets. 

Les jours défilent semblables et différents. Après trois ans à l’étranger, le retour dans le monde du travail français n’est pas de tout repos. Contrairement au Japon, à la Nouvelle-Zélande et à l’Australie, les gens sont beaucoup moins sympathiques ici. La France n’est d’ailleurs pas réputée pour son accueil dans le monde du tourisme et j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi l’accueil des clients peut-être fait de façon désagréable. J’essaye de contrebalancer tout cela en accueillant les clients avec un grand sourire et bonne humeur. Il y a beaucoup de choses à faire et le rythme ne traîne pas. Plusieurs gros groupes viennent en séminaires dont le groupe ICAR dédié au sauvetage en montagne. 300 personnes plutôt baraqués et bons mangeurs. La nourriture des buffets n’a pas tenu bien longtemps et il a fallu recharger plusieurs fois. 

Le soleil brille dans le ciel sans nuages de la vallée depuis que je suis arrivée début Octobre. Cela fait presque trois semaines que le temps est magnifique et j’ai du mal à y croire. J’ai rarement eu un temps aussi beau pendant plusieurs semaines d’affilée lors de mes voyages. Mais ici, au pied du Mont-Banc, l’automne est radieux. Les arbres ont soif et leurs feuilles jaunissent et rougissent parant la vallée de superbes couleurs automnales. J’ai profité de mes jours de repos pour aller explorer les environs. La vallée de Chamonix entourée d’un coté du massif du Mont-Blanc et de l’autre du massif des Aiguilles Rouges est remplie de sentiers de randonnée. C’est la basse saison et les lieux se sont vidés des touristes. Le meilleur moment pour aller profiter de la nature. En quelques minutes, me voilà sortie de la petite ville et à l’assaut de la pente. Toutes les randonnées du coin commencent par une bonne grosse montée de presque 1000 mètres pour atteindre les premiers alpages. C’est dur mais qu’est-ce que c’est beau !

Des parapentistes dansent dans le ciel bleu, suspendus dans l’air par une frêle voile en arc de cercle. Il y en a plein ici. Ils montent par le téléphérique jusqu’au Plan de l’Aiguille à 2310m ou bien coté Brévent pour se lancer dans les airs et survoler la vallée. 360° de magnificence. Attirée par l’expérience, je décide de tenter un saut accompagnée. Je me retrouve donc au pied du téléphérique de l’Aiguille du Midi avec mon guide chargé d’un énorme sac où se trouve la voile et le matériel. Le téléphérique monte rapidement m’emmenant dans les hauteurs et je surplombe la vallée pour la première fois. Depuis les airs, je me rends compte à quel point la vallée est petite, encaissée entre les deux gros massifs. Elle s’étire vers le nord, parsemée de villages et plaines et je distingue au loin, la frontière entre la France et la Suisse. Nous sortons au Plan de l’AIguille, arrêt à mi-chemin entre Chamonix et l’Aiguille du Midi. L’aiguille, elle, se trouve 1500m plus haut et assume fièrement son statut de l’Aiguille la plus haute de la vallée. Je distingue au loin les petites terrasses et l’observatoire, improbables constructions accrochées au flanc de la montagne. Les câbles du téléphériques semblent monter à 90° le long du pic rocheux. 

Mon guide, un type d’une cinquantaine d’années, m’entraîne vers un endroit dégagé en pente douce où une bonne dizaine de personnes sont en train de mettre en place leur voile. C’est le coin des parapentistes. Je les regarde attendre le bon courant d’air et se jeter dans le vide. Certains s’arrêtent de justesse avant le vide, leur voile ayant perdue le coup de vent. D’un seul coup, je ne me sens plus très motivée à l’idée de tester le parapente. La perspective que la voile ne se gonfle pas au moment de l’envol m’effraie un peu. Mais le guide a déjà tout installé et m’attache au harnais sans ménagement. Il s’attache derrière moi et m’indique qu’il faut courir vers le bord à son signal. Malgré mon esprit affolé je me lance vers le rebord. Et nous voilà dans les airs, en train de faire des cercles pour prendre de la hauteurs. J’ai mon coeur qui cogne violemment dans la poitrine mais le paysage est tellement beau que je me laisse absorber par l’expérience. Nous survolons la vallée et le Glacier des Bossons, monstre de glace au dessus de Chamonix, qui fond chaque année un peu plus. Je sens les courants d’airs qui s’engouffre dans la voile tendue au dessus de moi. Mon guide me tend les les poignées de manoeuvre afin que je puisse tester comment diriger la voile. C’est une très belle expérience et je me sens très heureuse. Et un peu effrayée tout de même.  Les multiples mouvements en cercles me tournent sur l’estomac et c’est avec soulagement que j’accueille le retour au plancher des vaches. 

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