Entre traditions et modernité. Voyage au Japon de Novembre 2015 à Avril 2016.

Temps gris à Okinawa

Je débarque sur l’archipel des Ryukyu dont fait partie Okinawa sous un temps de plus en plus mauvais.
18 janvier 2016
Naha, Okinawa, Ryukyu, Japon © Claire Blumenfeld
CARNET

Mardi 12 Janvier, embarquement vers 10h pour Okinawa. Le vol d’une heure trente se passe tranquillement au dessus d’une mer de nuages particulièrement compacte et impressionnante. Le temps doit être gris en dessous. Aux alentours de l’aéroport de Naha, ville principale de l’île d’Okinawa, alors que nous descendons en dessous des nuages, je vois apparaître une mer d’un bleu turquoise et de petits récifs coralliens. Comme je l’avais prédit, le temps est tout gris.

Chapelets d’îles semi-tropicales, les îles Ryûkyû évoquent plus Hawaii, le Brésil ou les pays asiatiques du sud-est que le reste du Japon. L’archipel Ryûkyû dont fait partie Okinawa, fut pendant des siècles indépendant du Japon. Pendant très longtemps, les îles furent dirigées par des chefs locaux appelés Aji, jusqu’en 1429, où Sho Hashi unifia les îles et fonda la dynastie Ryûkyû. Il développa les échanges avec la Chine, conduisant à l’essor des arts, des littérature et de la céramique dans l’archipel. Envahi en 1609 par le clan Shimazu de Satsuma (Kagoshima), le royaume Ryûkyû devint pour le Japon une base de commerce avec l’extérieur. En 1879, le royaume fut intégré au Japon et devint la préfecture d’Okinawa. La culture et la langue Ryûkyû furent quasiment éradiquées par le gouvernement Meiji. À la fin de la seconde guerre mondiale, l’armée japonaise décida d’utiliser les îles d’Okinawa comme bouclier contre les Alliés. Des milliers de civils périrent dans les batailles et le paysage fut altéré à jamais. Suite à la guerre, Okinawa resta sous contrôle américain jusqu’en 1972. Aujourd’hui, de nombreuses bases militaires américaines en activité sont toujours situées sur l’archipel.

Après m’être installée dans mon auberge, rustique de chez rustique (ma chambre est constituée d’un lit et c’est tout), je pars en quête de nourriture et fait une ballade dans Naha. Capitale de l’île et de la préfecture d’Okinawa, Naha possède une ambiance tropicale et différente du Japon qui se fait tout de suite ressentir : un je ne sais quoi d’atmosphère tranquille, relaxée, de maisons évoquant plus des baraques de pêcheurs ou de plongeurs que de véritables habitations, des nouvelles croyances et des gens plus bronzés et plus massifs que sur le continent japonais. Par contre, Naha, comme une majorité de villes et villages japonais ayant en plus beaucoup souffert de la guerre, n’est vraiment pas très jolie coté architecture. Le seul bâtiment qui tire son épingle du lot est le magnifique Château de Shuri (Shurijo castle). Construit au 14ème siècle du temps où Naha s’appelait Shuri, le château médiéval fut le centre administratif et la résidence des rois de la dynastie Ryûkyû jusqu’au 19ème siècle. L’édifice fut détruit quatre fois par le feu ! La dernière fois ayant eut lieu lors de la seconde guerre mondiale. Le château a été entièrement reconstruit. Il est du coup assez étrange de se balader dans un édifice presque neuf alors qu’il est sensé dater du 14ème siècle.

Absolument magnifique, l’ensemble est composé d’une multitudes de structures dont de nombreuses portes (pour accéder à la cour du château), le Seiden (le palais impérial), l’ensemble Nanden – Bandokoro (lieux de réception), le Hokuden (structure administratif du gouvernement), le Ouchibara (appartements privés)… On sent l’influence chinoise dans son architecture. L’intégralité des bâtiments sont visitables et abritent des expositions temporaires. C’est avec un bonheur non dissimulé mais quand même un peu gâché par le flot de touristes plus préoccupés par trouver l’intégralité des tampons répartis dans le château que par apprécier les oeuvres, que je me ballade dans les différentes structures. Objets, peintures, vaisselles et céramiques tous plus beaux les uns que les autres ayant décoré les appartements du roi, portraits des différents souverains, un ensemble d’instruments de musiques traditionnels (Shamisen, Biha, Gong…), des kimonos, les appartements du roi et de la reine, la salle du trône grandiose… le tout dominé par la couleur rouge. Je passe un long moment à essayer de m’imaginer la vie à l’époque.

En ressortant, je me ballade un petit peu dans le parc au pied du château,  rempli d’oies et dans les rues de Naha. Je tombe sur des Shîsâ quasiment partout là où se pose mon regard !  Sculptures traditionnelles d’Okinawa, mi-lion mi-chien, les Shîsâ dérivent des lions gardiens importés de Chine au 14ème et sont considérés comme des gardiens protecteurs capables de repousser les forces maléfiques.

“Ils sont souvent posés par paires. Dans certaines paires celui de gauche a la gueule close et celui de droite, la gueule ouverte. Toujours à droite, le mâle garde la bouche ouverte afin d’éloigner les mauvais esprits. La femelle, quant à elle, garde la bouche fermée afin que le bonheur ne se sauve pas.” – Wikipédia

Le lendemain c’est temps gris voir même pluvieux. Tout ce mauvais temps commence à me taper sur les nerfs. Depuis mi-Décembre, j’ai dû avoir peut être 3-4 jours de beau soleil. Surtout que ça rends Naha tristounette et encore moins belle. Moi qui suis venue à Okinawa pour avoir du beau temps, de jolies plages de sables blancs et une eau turquoise, c’est pas trop ça pour le moment. Un peu déprimée, je fais un tour dans le centre-ville, les allées couvertes et le quartiers dédié aux céramiques typiques d’Okinawa. Pas grand monde et des sculptures de shîsâ un peu partout. Le monorail aérien quadrille la ville de sa structure presque trop futuriste pour l’environnement. Afin d’échapper au mauvais temps je me rends au Musée préfectoral d’Okinawa. Il abrite également le Musée d’Art d’Okinawa dédié à l’art contemporain. L’extérieur du musée à l’apparence d’un espèce de bunker tout gris et très moche. Je visite la partie “Musée” consacrée à l’histoire, la seconde guerre mondiale, l’archéologie, la faune, les arts et la culture d’Okinawa. L’exposition permanente est gigantesque et extrêmement intéressante. L’intégralité des informations étant disponibles en anglais, c’est avec un grand plaisir que je reste bien quatre heures à me documenter et à me balader parmi les costumes, les objets, les poteries, les reconstructions à taille réelle de l’environnement et de la vie à l’époque, les chants traditionnelles ou les photos de la vie durant la guerre.

Le lendemain, Jeudi 14 Janvier, le temps est encore plus moche que la veille. Déprimée et énervée, je me recouche à l’abri sous ma couette. Quand je me réveille il est aux alentours de 11h mais le temps est toujours pareil. J’avoue que je commence à en avoir un peu marre. Une forte envie de rentrer en France me saisit. Je me décide quand même à aller voir le Musée et Parc Mémorial de la Paix d’Okinawa situé tout au sud de l’île dans la petite ville d’Itoman. Je me dis que en dehors de la ville, l’environnement devrait être plus sympa avec une nature tropicale et de jolies plages. Mais tout à l’air de se liguer contre moi puisque le trajet en bus d’une heure pour rejoindre le musée ne se fait principalement que le long de petites villes aux bâtiments en béton vraiment pas beaux. Le parc est lui aussi une déception puisque pas vraiment de palmiers ou de plages de sables blancs à proximité non plus. Un cimetière avec des monuments par préfectures dédié au nombre de morts pendant la seconde guerre mondiale s’étire au bord d’une petite falaise. Il fait bien tristounet. Comme mon moral. La pluie se met à tomber de nouveau et je réfugie dans le musée. Dédié à la seconde guerre mondiale, au rôle d’Okinawa et à ses conséquences sur la population, le musée est heureusement très intéressant et particulièrement émouvant. Toutes les légendes sont elles aussi disponibles en anglais. Je reste l’après-midi puis rentre à Naha à la tombée du jour.

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