CARNET
Tajimi est une ville industrielle située dans la préfecture de Gifu dans le centre du Japon aussi appelé région de Chûbu. Située aux débuts des montagnes du centre du Japon, Tajimi étale ses quartiers extérieurs à travers les collines tandis que le centre-ville se trouve dans une petite vallée où coule la rivière Toki. En grimpant sur les hauteurs on peut apercevoir les volcans Haku et Ontake, deux stratovolcans en activité. La préfecture de Gifu et notamment Tajimi sont renommées pour leur argile et leurs activités liées aux céramiques artisanales et industrielles. De nombreuses usines, boutiques de céramiques ou studios de poteries sont présents dans les différents quartiers de Tajimi.
L’architecture de Tajimi est un mélange entre immeubles en béton, maisons fonctionnelles reproduites à la chaîne et habitations traditionnelles. Certains endroits ressemblent à s’y méprendre à des quartiers résidentielles européens. Le centre-ville est une suite de barres d’immeubles au pied desquelles on trouve parfois une vieille maison de style traditionnelle prise en sandwich. Quelques quartiers possèdent encore d’anciennes maisons mais la majorité de la ville est construite en béton. L’ensemble n’est pas très joli. Mais les grandes rues, la sensation d’espace, l’ambiance paisible, l’environnement vallonné, l’air frais et la présence de quelques jolis bâtiments, le tout baignant dans un espèce de bric à brac plus ou moins organisé, confèrent quand même à Tajimi un certain charme. Il n’y a pas beaucoup d’activités à faire en ville. Si vous cherchez de l’animation en soirée ou le weekend vous n’êtes clairement pas à la bonne place. Mais il fait bon s’y promener, en vadrouillant le long des berges de la rivière Toki ou en allant explorer les quartiers les plus excentrés à flanc de collines.
Radio dans la rue marchande
Dans la partie nord de Tajimi se trouve l’endroit le plus beau de la ville : un petit creux dans les collines où serpente la rivière Toki et abritant le temple Kokeizan Eihoji. Fondé en 1313 par la branche Nanzen-ji de l’école de bouddhisme zen Rinçai, le temple possède plusieurs constructions présentant un mélange de style architectural japonais et chinois. Au cours du 14ème et 15ème siècles le temple possédait une trentaine de bâtiments. Malheureusement, la plupart d’entre eux furent détruits par le feu pendant la période Sengoku (période de conflits au Japon s’étendant du milieu du 15ème siècle à la fin du 16ème). Certains bâtiments ayant survécu à la destruction comme le Kannon-do (abritant une statue de Kannon (déesse de la Miséricorde)) et le Kaizen-do (abritant des calligraphies des prêtres fondateurs) sont considérés comme des trésors nationaux.
Le lieu est absolument magnifique. Et encore on est en hiver. Qu’est-ce que ça doit être en automne avec les érables tout rouges ou au printemps avec les cerisiers en fleurs ! Les différents bâtiments sont superbes et la vue du lac avec le pont Musaibashi de style traditionnel m’emplie de joie. Je prends le temps de traverser le le pont, appréciant chaque pas et m’imaginant des siècles en arrière entourée de samouraïs, prêtres, geishas ou paysans venus prier la déesse de la miséricorde. Il est d’ailleurs dit que la traversée du pont débouchant sur le Kannon-do symbolise le fait d’atteindre l’endroit de l’illumination. Une fois que l’on a traversé le pont, il ne faut pas le retraverser dans l’autre sens.
Tajimi est la plus grande productrice de Minoware, céramiques peintes à la main, très connues au Japon puisque presque tous les foyers en utilisent. La culture de la céramique a prospéré depuis environ 1300 ans dans la préfecture de Gifu. Aux alentours du 7ème siècle des artisans fuyant les guerres précédant la période Azuchi-Momoyama (1568 à 1614) s’installèrent dans la région à l’abri des montagnes. À la fin du 16ème siècle, l’intérêt pour les ustensiles de la cérémonie du thé provoqua la naissance de nouvelles techniques et de nouveaux styles d’impression. Quatre style principaux font leur apparition et continuent aujourd’hui d’être produit. On les reconnait à leurs couleurs : Oribe, de couleur verte, Shino, mélange de rouge et de blanc, Seto-guro, tout de noir et Ki-seto dans les teintes jaunes. Je vous invite à jeter un oeil à cet article pour voir des images des différents styles.
Trois quartiers dans Tajimi sont dédiés à la céramique : le quartier Honmachi Oribe, dans le centre, est principalement dédié à la céramique artistique et aux ustensiles de cuisine (bols, plats, accessoires pour la cérémonie du thé). Le quartier Ichinokura Oribe dans le sud de Tajimi possèdent de nombreuses galeries et ateliers. Et le quartier Takata Onada Oribe au nord de Tajimi derrière une colline, possède d’anciennes usines artisanales dont certaines encore en activité produisant des bouteilles de saké, théières, bols…
Depuis le début du mois de Février je travaille à l’usine TYK de Tajimi au sein du centre de Recherche et Développement. Je change d’équipe toutes les semaines de façon à couvrir les différents métiers et produits réalisés par le centre. Un peu à l’écart de l’usine, le centre se situe sur une petite colline à dix minutes à pied du dortoir où je loge. L’ambiance est tranquille. Concernant le travail, c’est du travail en usine donc c’est répétitif et pas très amusant. Jusqu’à maintenant j’ai passé la plupart de mon temps à faire des moulages, à percer des trous ou à mesurer en détails les produits. Souvent la même tâche et les mêmes gestes en boucle toute la journée. La première semaine j’ai d’ailleurs passé les cinq jours à faire les mêmes moulages sur la même machine en effectuant les mêmes gestes, debout sans vraiment bouger de 8h du matin à 17h du soir. Parfois j’ai l’impression de me transformer en robot. Le cerveau en mode pause, seuls les muscles travaillent. Le plus dur étant que lorsque je m’ennuie, ce qui arrive généralement au bout d’une heure à faire les mêmes gestes, j’ai des tendances à l’endormissement. Alors quand il est 10h du matin et qu’il faut tenir toute la journée…
À part ça, l’usine ressemble à n’importe quelle usine française. Des entrepôts, des engins qui font du bruit en permanence, des gens avec des casques de protection, des laboratoires d’analyse… La spécificité vient du fait que l’usine reste encore très peu automatisée. (C’est pour ça que beaucoup d’ouvriers, moi y compris faisons des tâches répétitives toute la journée. En contrepartie, ça permet de garder les emplois). Et que l’on est quand même au Japon puisque tous les matins on commence par dix minutes d’échauffements et d’exercices physiques à l’extérieur suivis de dix minutes de discours où les employés répètent en coeur les principes de l’usine et où sont évoquées les tâches de la journée.
À part le travail qui n’est pas grandiose (mais je m’en doutais un peu), je suis un peu déçue du manque d’échanges entre moi et les ouvriers du centre. Les gens sont gentils mais très peu finalement viennent ou sont intéressés (ou en donnent l’impression) par venir discuter avec moi. Et comme d’habitude très peu savent parler anglais. Durant le mois de Février, je suis passée dans quatre équipes différentes et seule une équipe fut réellement intéressante. Avec les trois autres je n’ai quasiment pas échangé avec les membres de l’équipe et ils m’ont fait faire les mêmes tâches tous les jours sans vraiment me montrer ou m’expliquer ce qu’ils faisaient. Pareil lors de la pause repas ou au dortoir (où je prends également mes repas matin et soir) où chacun mange de son coté sans discuter.
L’équipe intéressante fut la deuxième semaine du mois de Février. J’ai suivi Mr. Hayashi et Mademoiselle Kaku dans leurs différents travaux, participant à chaque étape tout en discutant. Cette semaine fut de loin la meilleur. Monsieur Hayashi est un type ultra gentil, très souriant, énergique, drôle, intéressant, super intéressé à l’idée d’échanger avec moi, bref un type formidable. Et mademoiselle Kaku, elle aussi très gentille et intéressante, parle bien anglais. Du coup la semaine fut remplie d’échanges, de rires et a passé très vite. Je serais bien restée plus longtemps avec eux. Je continue d’aller les voir de temps en temps pendant mes pauses pour leur faire un coucou. L’expérience de travail à TYK est intéressante mais la monotonie des tâches et le manque de communication ternissent un peu le tableau.