Je suis retournée plusieurs fois durant la semaine en Camargue mais mes journées furent assez infructueuses. Les Flamants sont encore éparpillés en petits groupes et se prélassent sur des étangs et marais assez inaccessibles. À moins d’avoir un très bon téléobjectif, je ne risque pas de voir grand chose. Mais je n’ai pas la possibilité immédiate d’en acquérir un alors il faut que je trouve une autre façon de les approcher. Le Parc ornithologique de Pont de Gau situé du coté du village des Saintes-Maries-de-la-Mer est une réserve et centre de soins privée abritant apparemment beaucoup de Flamants. Je décide de m’y rendre.
Effectivement je suis à peine entrée dans la réserve que je tombe nez à nez avec un groupe d’une cinquantaine de Flamants roses en train de cancaner joyeusement. Les petits étangs derrière sont aussi couverts d’échassiers roses en train de vaquer à leurs occupations. Des petits chemins serpentent au milieu des étangs et je peux observer les oiseaux à quelques mètres seulement ! Certains semblent somnoler, leur long bec formant une boucle sur leur poitrail et leur tête posée à l’envers sur leur dos. La tête cachée entre les plumes je ne distingue qu’un drôle de corps posé sur d’immenses pattes fines. Certains ne sont que sur une patte, l’autre repliée ou suspendue dans l’air formant un angle de 90° presque parfait.
D’autres oiseaux farfouillent la vase à la recherche de petits mollusques ou crustacés. Ils plongent leur long bec dans l’eau pendant un bon moment et semblent faire des cercles sur eux-mêmes, faisant de curieux mouvements avec leurs pattes. En les observant je comprends qu’ils tapotent le sol avec leurs pieds palmés en effectuant un rond sur eux-mêmes. Ils ont les articulations du genou inversées par rapport à celles des humains et leur mouvement des pattes me fait penser à du pédalage en arrière. D’autres oiseaux nagent sur l’eau à la manière des cygnes et canards ne plongeant que la tête sous la surface. À certains endroits, l’eau semble moins profonde et les oiseaux ressortent avec la tête couverte d’une boue liquide, ce qui leur donne un drôle d’aspect un peu monstrueux. Mais la boue ne reste pas bien longtemps accrochée à leurs plumes. À peine quelques secondes plus tard, ils sont de nouveau tout rosés, tout propres.
Un grand nombre de Flamants sont occupés à faire leur toilette. Ils se lissent les plumes, s’aspergent d’eau, utilisent leur cou amovible à quasiment 360° pour atteindre les plumes les plus lointaines. Alors qu’ils déplient leurs ailes je distingue de longues plumes rouge rose magnifiques (les couvertures alaires) se terminant par des plumes noires (les rémiges primaires et secondaires). Quelques individus ont les rémiges abimées, cela doit les empêcher de voler correctement. Lorsqu’ils ont les ailes repliées je ne distingue que le bout des couvertures alaires au niveau du croupion. Quelques bourrasques de vent soulèvent parfois leurs plumes arrières et cela me fait penser à la robe de Marilyn Monroe. Les flamants sont de drôles d’oiseaux au corps très large et massif et pourtant ils ont l’air si élégants !
Le bec du l’oiseau est impressionnant. Rose avec le bout noir et courbé en son centre, il semble ne s’ouvrir que très légèrement. En l’observant de plus près à travers le zoom de mon appareil photo j’aperçois ce qui ressemble à de très fins fanons, comme ceux des baleines (de fines lamelles en kératine). C’est ce qui doit lui servir à filtrer l’eau. Je distingue quelques choses bouger à l’intérieur du bec en fonction de leurs mouvements et j’en déduis que l’oiseau doit avoir une assez grosse langue. Leurs pattes aussi sont toutes roses. Elles sont si fines et paraissent si fragiles que je me demande bien comment ils font pour rester des heures immobiles sur une seule patte. Leurs yeux sont jaunes avec une petite pupille noire. Un oeil de chaque coté de la tête. Je me demande comment ils voient le monde. Les oiseaux ont généralement une très bonne vision mais comment font-ils pour voir en profondeur ?
Quelques oiseaux ont un plumage gris et blanc et j’en déduis qu’il s’agit de jeunes encore immatures. Même leurs becs et pattes sont encore gris. Certains, un peu plus grands, ont une légère coloration rosée au bout des plumes. La couleur rose s’acquiert donc avec l’âge. Je n’ai aucune idée de comment distinguer les mâles des femelles. Aucune différence ne me saute aux yeux. J’apprendrais plus tard que seule une légère différence de taille (les femelles étant plus petites) permet de les distinguer.
Tout cela se fait dans un cancanement général assez fort. Le cri des Flamants ressemble à celui des oies. Pour moi, qui suis une humaine à l’ouïe assez peu développée, je ne distingue pas grand chose de différent dans leurs cancanements. Le seul son vraiment différent que j’entends ressemble à ce que chez les humains on pourrait qualifier de « soupir de gorge ». Difficile de mettre des mots sur ce son un peu étrange mais en l’entendant je me suis dit que cela ressemblait un peu à un son humain. En tout cas c’était différent de la clameur générale. Je ne sais pas à quelle occasion ce son est émis. En milieu de journée, la grosse majorité de la colonie rassemblée ici semble somnoler. L’activité ne reprenant vraiment qu’en fin d’après-midi.
Je fais également le tour de la réserve me baladant au milieu des marais, émerveillée par la présence de nombreux hérons cendrés, aigrettes et hérons garde-boeufs. Il y a même quelques cigognes ! Et puis il y a des ragondins. En grand nombre. C’est la première fois que j’en vois d’aussi près. À ne pas confondre avec un castor, le ragondin à une longue queue fine et des incisives orangées. J’aperçois des adultes avec des petits qui nagent dans l’eau. En m’éloignant des étangs où sont rassemblés les Flamants, j’entends d’étranges sons comparables à des babillements et gémissements de bébé. Je me demande bien ce que cela peut être. Sur un petit îlot au milieu de l’eau j’aperçois deux ragondins que je prends d’abord pour des castors (mais non ils ont bien la queue fine) en grande séance de broutage. Je passe un long moment à les observer jusqu’à ce qu’ils finissent par retourner à l’eau. Un gémissement se fait entendre et un des deux ragondins alors en train de nager pousse un son similaire. Je réalise alors que tous ces cris étranges que j’ai entendu en me baladant auparavant sont en fait des cris de ragondins ! La fin de la journée est proche et je m’en retourne chez moi, émerveillée par l’observation des Flamants et de tous ces animaux si intéressants.