Lors de mes deux semaines de chantier participatif sur la presqu’île de Crozon sur la maison en paille de Célia, nous avons travaillé principalement sur l’application d’enduits chaux-sable sur les murs extérieurs et d’enduits à la terre sur les murs intérieurs. L’application des enduits nécessite d’être faite à la fin de l’été, avant que les pluies n’arrivent et endommagent les murs.
Enduit à la chaux
L’enduit extérieur sur une maison construite en paille, se fait principalement en utilisant le mélange chaux-sable. L’enduit permet de protéger les murs extérieurs des intempéries et du vent, ce qui peut potentiellement creuser la couche d’enduit et abimer les bottes de paille.
Célia ayant monté ses murs en paille l’année dernière, elle avait appliqué sur les murs extérieurs une couche de badigeon, enduit léger à la chaux, pour protéger ses murs de l’hiver. Nous avons commencé par protéger les portes et fenêtres à l’aide de grandes bâches puis mis en place les échafaudages autour de la maison afin de pouvoir travailler sur toute la hauteur des murs. La première partie du chantier a donc été d’enlever à l’aide de brosses, la couche de badigeon posée précédemment afin de retrouver la couche de barbotine et le tramage en dessous. La couche de barbotine est un mélange eau et argile que l’on vient vient étaler grossièrement sur les bottes de paille afin de fixer une couche d’enduit de terre servant à fixer le tramage. (détail sur la couche d’enduit de terre en dessous). Le tramage étant une trame en fibre de verre servant à fixer l’enduit à la chaux et à éviter qu’il ne se craquelle en séchant.
Travailler avec la chaux nécessite quelques précautions. La chaux est une poudre minérale obtenue par calcination du calcaire qui était autrefois fabriquée dans des fours à chaux. Il en reste d’ailleurs un, à une vingtaine de kilomètres de Telgruc-sur-mer, là où se situe le chantier, qui fut utilisé jusqu’en 1872. On y entassait un mélange de pierres calcaires et de bois ou charbon avant d’y mettre le feu. Grâce à ses parois épaisses, la température était très élevée, ce qui permettait de calciner le calcaire et d’obtenir une fine poudre blanche appelée chaux. Aujourd’hui la transformation du calcaire en chaux se fait en usines industrielles. La chaux est une poudre fine qui peut irriter les muqueuses du nez si elle est inhalée en trop grande quantité. Mélangée avec l’eau en fortes quantités, la chaux peut générer de la chaleur et de petites explosions et bruler la peau en cas de contact.
Le mélange d’enduit chaux-sable se prépare en mélangeant une dose de chaux pour trois doses de sable avec la quantité d’eau nécessaire pour former une pâte homogène pas trop liquide. Le mélange se fait au malaxeur et il faut toujours verser la chaux dans l’eau et non l’inverse afin d’éviter les explosions. Une fois le mélange prêt, il est versé dans un sablon. Le sablon ou projecteur à enduit, est un outil permettant de projeter l’enduit directement sur le mur plutôt que de le faire à la main. Le sablon est relié à un compresseur par un tube qui envoie de l’air à haute pression dans le tube lorsque l’on appuie sur une poignée. Le compresseur fonctionne à l’essence et fait beaucoup de bruit mais l’application à la main a été écartée par Célia car elle a jugé que cela nécessitait beaucoup de pratique et serait donc trop difficile et trop long à faire par des non-professionnels. Le risque était également d’avoir des murs aux enduits mal réalisés. Le plaisir étant une part importante des chantiers participatifs, Célia a choisi de privilégier pour cette technique la practicabilité.
Une fois l’enduit projeté sur le mur, il faut l’étaler de façon homogène à l’aide de taloches, ce qui peut se révéler compliqué car l’enduit à la chaux à tendance à sécher très rapidement. Il faut alors arroser légèrement l’enduit avec de l’eau afin que l’on puisse continuer à l’étaler. Il faut également veiller à faire un mur le plus plat possible et à bien recouvrir tous les espaces notamment les zones en bordure des caissons des portes et fenêtres. Les angles nécessitent également beaucoup d’attention puisque ce sont les zones les plus fragiles. Travailler à l’application de l’enduit a été pour moi une activité très agréable avec notamment la création des angles arrondis qui donnent un aspect organique au bâtiment.
Une fois l’enduit mis en place, une couche de badigeon (eau et chaux) à la texture liquide est appliquée afin de fermer les murs et recouvrir tous les derniers petits trous et aspérités du mur. Le badigeon étant très liquide, il n’est pas évident de faire une apparence très homogène mais l’aspect fait-main fait partie de l’identité de la maison et rappelle l’apparence des maisons anciennes. La couche de badigeon doit être renouvelée tous les ans afin de garder une belle couleur blanche et bien protéger le mur.
Nettoyage des murs à la brosse et préparation du mélange au malaxeur par Amandine. En bas au milieu, Youssef utilisant le sablon pour projeter la couche d’enduit sur le mur puis moi, Sophie et Simon en train d’étaler l’enduit à l’aide de taloches.
Les murs recouverts d’enduit à la chaux avec une légère couleur crème. En bas à gauche, Amandine en train d’appliquer la couche de badigeon pour finaliser le mur. Le badigeon à une couleur beaucoup plus blanche que l’enduit.
Enduit à la terre
À l’intérieur, les murs sont eux recouverts d’un enduit à la terre. La terre confère une très bonne isolation et permet au mur de respirer et donc de réguler l’humidité de l’air. Le couple terre-paille permet d’avoir des murs avec une forte masse permettant l’accumulation de chaleur dans la journée via la lumière du soleil.
Les murs porteurs de la maison avaient déjà été recouvert d’enduit l’année dernière et leur apparence finalisée était très belle avec une jolie couleur naturelle orangée. Coins et bouts des murs avaient été fait en arrondis comme pour l’extérieur ce qui permet d’avoir une maison avec des lignes très douces et donc très agréables. Il ne restait plus que les cloisons à finaliser.
L’enduit à la terre se prépare, en mélangeant à la bétonnière ou au malaxeur, et d’après les calculs de Célia, avec 5 seaux de terre, 7 seaux de sable grossièrement tamisé, environ 3 seaux d’eau (cela dépend des conditions climatiques lors de la préparation du mélange) et 2 seaux de brins de paille. Le mélange doit avoir la consistance d’une sorte de boue un peu compacte.
Même technique que pour l’extérieur, une couche de barbotine est appliquée sur la paille, suivie d’une première couche d’enduit à la terre appliquée de façon grossière. Cette couche est appliquée à la main et une fois appliquée sur le mur on vient y faire des trous avec les doigts. Cela va permettre à la deuxième couche de venir se fixer sur la première.
La deuxième couche s’applique directement sur la première ou au maximum le lendemain. Cette couche doit être bien lisse et sans aspérités et est appliquée à l’aide de taloches. Une fois la seconde couche mise en place il faut laisser six mois pour laisser le temps au mur de sécher avant d’appliquer l’enduit définitif qui vient finaliser l’aspect du mur.
Travailler avec la terre fut une expérience très agréable. J’ai beaucoup apprécié passer des heures à appliquer l’enduit terre sur les murs avec une volonté d’obtenir une surface et des arrondis les plus beaux possibles. Il y a quelque chose de fascinant et de reposant à manipuler la matière brute et à voir le mur se former doucement. L’esprit est concentré sur le geste et les doigts sentent les moindres variations et ondulations.
À la fin de mes deux semaines de séjour chez Célia, nous avions recouvert l’intégralité des murs extérieurs à la chaux et finalisé les cloisons intérieures et murs de l’étage à la terre. La prochaine étape du chantier consistait à finaliser l’isolation du toit et mettre en place les plaques de liège sur les fondations extérieurs. J’espère pouvoir revenir prochainement afin de continuer à travailler sur le chantier de Célia qui m’a permis de me plonger directement dans les techniques de l’éco-construction.
En haut à droite, les murs intérieurs déjà recouvert de la dernière couche d’enduit à la terre. En bas à gauche, moi en train d’appliquer la première couche d’enduit à la terre sur les botte de paille de l’étage. Au milieu, Amandine en train d’appliquer à la taloche, la seconde couche d’enduit dans la salle de bain. En bas à droite, un mur finalisé avec un superbe arrondi.
Note :
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