Dans les flocons de la désillusion. Neuf mois d’Octobre 2018 à Juin 2019 en France suivi d’un très court passage en Italie.

Aventures dans la vallée

Randonnées à la journée pour continuer de découvrir les paysages magnifiques de la vallée avant l’hiver.
30 novembre 2018
Vallée de Chamonix, France © Claire Blumenfeld
CARNET

Les températures ont baissé depuis plusieurs jours et malgré le temps automnal encore beau il ne m’est plus possible de repartir en randonnée avec bivouac. Alors je me contente de faire des randonnées à la journée pour continuer d’explorer la vallée avant que celle-ci ne se couvre de blanc. Fascinée par la forme si impressionnante du massif de l’Aiguille Verte lors de ma randonnée au Lac Blanc je monte me balader sur ses flancs afin d’aller observer de près le Glacier d’Argentière. Le chemin monte le long d’une piste bien raide. Une grosse ravine creuse le paysage à ma gauche rappelant que le glacier descendait autrefois jusque dans la vallée. À 2067 mètres j’atteins le Chalet militaire de Lognan, les pieds dans la neige. Le petit chemin est couvert d’une fine épaisseur blanche et certains endroits sont tout verglacé. Il me faut marcher avec précaution. 150 mètres plus haut se trouve un mur de blocs blancs hérissés et entrecoupés semblant sortir de nulle part. Un monstre arrêté en pleine course. Je m’approche du glacier, fortement impressionnée. À part moi, il n’y a personne. Il y a quelque chose dans cette immense masse blanche (comme chez tous les glaciers) qui m’impose le respect et l’humilité. Le glacier craque et gronde et quelques blocs de glace se détachent des parois. La bête est vivante et je suis fascinée. 

Je redescend jusqu’à la Croix de Lognan où la station de ski qui a pris feu pendant l’été est en plein travaux. Ceux-ci ne seront pas finis pour l’ouverture de la saison d’hiver cette année. Cela bourdonne d’activités de partout et je patauge dans la gadoue pour éviter les engins e chantier. Un grand télésiège file le long de la montagne jusqu’à l’Aiguille des Grands Montets, à 3200 mètres d’altitude. La vue sur le pic des Drus et de l’Aiguille Verte doit être impressionnant. Mais les sièges ont été démonté et il semble que le cable soit en réparation. Vue l’ampleur des travaux, il va probablement falloir attendre plusieurs années avant d’espérer accéder de nouveau à l’Aiguille. 

Je longe le plateau alternant entre forêt et alpage, traversant les différentes pistes de ski encore vierges de neige du domaine. Les Chalets de la Pendant sont déjà à l’ombre dans la lumière du soleil qui descend. La clairière où ils se trouve à l’air si accueillante avec ses sapins tous jaune et ses crottes de moutons sèches dans l’herbe encore verte. J’y aurais bien passé la nuit. Je redescendant tranquillement le long du sentier du Grand Balcon Nord observant le soleil disparaitre derrière les montagnes. La minuscule gare des Tines apparait dans les dernières lueurs du jour et je rentre en train à Chamonix. 

Fin Novembre, la neige commence à tomber et mes possibilités de randonnées se réduisent fortement. Je monte voir le Glacier des Bossons, mais le chemin menant jusqu’à l’Aiguillette de la Tour et son point de vue sont couverts de neige et bien trop verglacés. J’essaye également de monter jusqu’à L’Aiguillette des Houches à 2285 mètres mais arrivée aux Chalets de Chailloux à 1900 mètres, j’ai de la neige jusqu’au genoux et il me faut faire demi-tour. L’ascension jusqu’au barrage d’Émosson marquant la frontière avec la Suisse est lui aussi hors d’atteinte. À 200 mètres du haut, je ne peux plus continuer. Le chemin a complètement disparu sous la couche de neige de presque 50 centimètres et m’aventurer sans repères est une entreprise bien trop dangereuse.

Du coté de Servoz, c’est la même chose. Je monte dans la vallée pour voir le Lac Vert à 1300 mètres où le gel à recouvert le lac d’une fine couche translucide puis continue à flanc dans la forêt longeant la chaine des Fiz. Les quelques bâtiments des Chalets du Souay sont complètements emprisonnés par la neige mais je m’aventure quand même dans la gorge de La Chorde espérant atteindre le lac de Pormenaz juste au dessus à 1900 mètres. Mais le sentier est invisible et me voila en train de marcher à l’aveugle le long d’une minuscule trace en surplomb d’un ravin où coule une rivière remplie de cailloux. Un seul faux pas et s’en est fini de moi. Mais je me refuse à faire demi-tour épouvantée à l’idée de devoir refaire le même trajet. Mieux vaut essayer d’atteindre le plateau où cours le GR du Tour du Mont-Blanc, grand sentier, qui j’espère sera visible même sous la neige. Je me traine pendant des heures, de la neige presqu’à la taille par endroits, l’esprit de plus en plus inquiet à la vue des nuages noirs qui se rapprochent dans le ciel. 

J’atteins enfin le plateau, cherche en vain le lac et affolée à l’idée de me perdre dans le mauvais temps qui arrive et la nuit qui se rapproche, décide de descendre dans le ravin (accessible sans trop de problèmes à cet endroit) afin de traverser la rivière. Pour remonter à travers de l’autre coté afin de récupérer le GR que je distingue en face. La traversée de la rivière est facile mais la montée à travers dans la pente raide, la neige et les grandes herbes mouillées et glissantes n’est pas une partie de plaisir. Il me faut presque une heure, à quatre pattes, progressant lentement pour remonter les 100 mètres qui me sépare du chemin. Quel soulagement quand je l’atteins enfin et m’affale presque sur les pieds d’un randonneur un peu surpris de voir une jeune femme sortir de nulle part. J’ai le pantalon et les mains dans un état déplorable mais au moins je suis sauve. Je redescends d’un bon pas le flanc de la montagne puis la forêt pour arriver à la nuit noire à la gare de Servoz, les jambes tremblant de fatigue et la leçon apprise. Randonner dans la neige, sans équipement, c’est bien trop dangereux.

Du coté des Houches, j’ai de la chance. Je me suis achetée des crampons et la montée pour atteindre le plateau où se situe les pistes de ski se fait relativement sans encombres malgré la neige. Les pistes ne sont pas encore ouvertes et je profite de l’endroit presque encore vide de monde. Le Mont Lachat à 2100 mètres me fait de l’oeil mais je ne m’y aventure pas. Je continue sur la crête le long des pistes et atteins l’Hôtel du Prarion à 1850 mètres juste à coté du téléphérique du même nom. Je déjeune au soleil sur le parvis de l’hôtel-restaurant fermé profitant du soleil et du Mont-Blanc juste en face. Je distingue l’Aiguille du Goûter, le Dôme du Goûter et tout en haut le Mont-Blanc. Un miroitement signale la présence d’un refuge. Il y en a trois le long de l’arrête. C’est un des passages les plus empruntés pour l’ascension du Mont-Blanc en été. Il fait tellement beau et le temps semble si calme, que je me sens envahie d’un sentiment de plénitude absolu. Je reste des heures à observer le paysage essayant de graver dans mon esprit chaque détail de l’environnement et la beauté des montagnes. Là, perdue dans l’immensité, en pleine communion avec la nature, j’aurais voulu ne jamais repartir. Rester là pour toujours dans cette simplicité si magnifique.  

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