Mon séjour sur un chantier participatif à Telgruc-sur-mer sur la presqu’île de Crozon en Bretagne m’a donnée l’occasion de découvrir la construction paille. Animée par une démarche écologique et frugale, Célia, la propriétaire de la maison, travaille depuis deux ans sur édification d’une construction majoritairement en paille en utilisant différentes techniques. Elle a décidé de ne recourir qu’à très peu d’outils industriels et à faire appel à des volontaires pour monter la maison. Pour moi qui cherchais à découvrir l’éco-construction, travailler pendant deux semaines sur le chantier de Célia fut l’occasion de découvrir ce que construire en matériaux naturels veut dire et toucher du doigt les propriétés de la paille.
La construction de la maison
La maison à la forme d’un rectangle, avec de grandes ouvertures au sud et à l’ouest afin de capter la chaleur du soleil. L’intérieur consiste en un rez-de-chaussée avec une grande salle de formation, un coin cuisine, une salle de bain, une chambre et une toilette sèche. À l’étage une grande salle sous la charpente fera office de bibliothèque et de résidence d’artistes.
La construction a commencé il y a deux ans par les fondations en béton, ce qui n’est pas écologique mais est actuellement la seule possibilité de fondations à des prix abordables. Celles-ci n’ont pas été faites en chantier participatif. Elles vont être recouvertes à l’extérieur par des plaques de liège. La deuxième étape a consisté à monter les murs porteurs en technique paille porteuse. Les murs sont protégés en bas par une lisse basse (caissons en bois) remplie d’isolants en liège et en haut par une lisse haute. Au sein des murs porteurs ont été inséré les fenêtres et portes entourées de caissons en bois. Sur les murs porteurs du rez-de-chaussée est venu se fixer le solivage (poutres) sur lequel a été installé le plancher de l’étage en panneaux OSB et la charpente en bois Douglas. Tout le bois de la maison est en douglas qui est un arbre naturellement classé 3 (qui ne requiert pas de traitement chimique pour la résistance à l’humidité et aux petites bêtes). Aux quatre bouts de la maison est fixé une pièce de bois, une solive d’about, servant à maintenir le solivage. Pour monter la charpente, Célia a fait appel à un professionnel qui a aidé les volontaires lors du chantier l’année dernière. Pignons et faitage ont d’abord été mis en place sur lesquels sont venues se positionner quarante fermes (pièces en bois). Un film pare-pluie a été positionnée sur les fermes pour protéger des intempéries. À cela est venu s’ajouter des plaques de steico (plaques isolantes pare-pluie et coupe-vent en fibre de bois) de 4cm, des chevrons et le liteaunage (pièce de bois à l’horizontale) sur lequel ont été accrochées les ardoises.
La charpente du toit coté intérieur a été remplies de bottes de paille venues s’insérer entre les fermes et assurant l’isolation. Les cotés est et ouest ont été recouvert de bardage en bois à l’extérieur afin de les protéger des vents dominants. Et les différentes salles intérieures ont été délimitées par des murs montés en terre-paille banchée. Coté architecture, la maison de Célia reprend deux éléments traditionnels des maisons bretonnes : les ardoises noires pour le toit et l’encadrement des portes et fenêtres peintes en bleu.
L’effet isolant de la paille est remarquable. La première semaine de chantier la température extérieure était très chaude alors que l’intérieur de la maison était tempérée. Par contre la deuxième semaine, les températures avaient grandement refroidies et il a plu presque tous les jours. Et pourtant l’intérieur de la maison était d’une température agréable.
Autre spécificité remarquable, sa très bonne isolation phonique. En effet à l’intérieur de la maison les bruits extérieurs étaient grandement atténués, ce qui était particulièrement remarquable à l’étage, où des bottes de paille entreposées coupaient les sons des alentours. Une personne située à l’étage n’entendait pas ce que disait une personne située au rez-de-chaussée. La paille couplée avec l’application des enduits de terre à l’intérieur rend l’acoustique des pièces très agréable.
Le coté ouest de la maison avec les grandes baies vitrées. Détail d’une fenêtre de l’étage entourée de bardage. Et les ardoises du toit.
Le matériau paille
Célia a fait le choix de la paille pour concevoir sa maison car c’est un matériau local, écologique, biodégradable, poussant vite, peu cher, isolant, insonorisant, résistant au feu, qui ne se dégrade pas et qui n’émet aucun composé toxique. C’est aussi un matériau qui une fois compacté est aussi solide que du béton. Et puis c’est un matériau co-produit, ce qui veut dire qu’il est produit en même temps qu’une culture. En l’occurence le blé et ne nécessite donc pas d’aménager de nouvelles terres juste pour son exploitation.
Travailler avec la paille, c’est accepter de travailler en fonction de la disponibilité de la matière. La paille doit être bien sèche pour monter les murs, les enduits doivent se faire avant l’hiver, l’application des différentes couches doit être espacée dans le temps pour laisser le temps aux matériaux de respirer, sécher et se solidifier. Travailler avec la paille et autres matériaux naturels c’est donc travailler avec le cycle des saisons et accepter de retourner à un rythme de construction plus simple, plus lent.
Dans sa maison, Célia a utilisée quatre techniques de construction en paille.
La technique la plus connue actuellement, l’ossature bois à remplissage paille, a été utilisée au niveau des pignons. Dans cette technique, une ossature de bois sert de squelette à la maison et des bottes de paille rectangulaires d’une profondeur de 36 à 46 cm sont encastrées entre les poteaux de l’ossature. C’est l’ossature bois qui “porte” la maison et les bottes de paille servent principalement à l’isolation.
La deuxième technique, la technique originelle de la construction paille, appelée paille porteuse a été utilisée par Célia pour les murs porteurs de la maison. Dans cette technique, des ballots de paille de forme rectangulaire sont empilés sur une lisse basse (isolée de remontées d’humidité). Les bottes sont encastrées les unes dans les autres à la façon d’un tétris à l’aide de broches en bois. Le haut du mur en bottes est ensuite fermé par une lisse haute et l’on vient compresser les bottes à l’aide de sangles, ce qui assure une parfaite rigidité et solidité. L’épaisseur total du mur après application des enduits est de 50cm de large et son coefficient de résistivité thermique de 7. Plus la résistance thermique R est grande, plus le matériau est isolant. Sept étant le plus haut score, le couple terre-paille offre donc une isolation quasiment parfaite.
La troisième technique, assez peu connue, les murs en terre-paille banchés, a été utilisée pour les cloisons intérieures de la maison. Dans cette technique, une ossature en bois est fixée verticalement tous les 60cm, sur laquelle vient se fixer une banche. Une banche dans la construction industrielle est un panneau de coffrage vertical qui sert à la réalisation des murs. Elle constitue le moule provisoire dans lequel on coule généralement le béton. Dans le cas de la paille, la banche est fixée horizontalement sur l’ossature, des deux cotés du mur et l’on vient remplir le coffrage avec de la paille en la tassant bien. Une fois le coffrage rempli, la banche est retirée et fixée plus haut pour continuer de monter le mur. Avec cette technique les murs font environ 20cm. Chez Célia, les cloisons en terre-paille banchées ne sont pas porteuses.
Et la quatrième technique mise en place par Célia a été d’utiliser des bottes de pailles pour isoler directement le toit. Ce qui se fait rarement, les gens préfèrant la fibre de bois ou la laine de verre, pourtant moins performantes que la paille. En fonction de l’épaisseur des bottes de paille encastrées entre les fermes, le coefficient de résistivité thermique varie entre 6 et 7.
Lors de mon séjour fin Septembre 2020, les murs en paille porteuse, les cloisons intérieures en terre-paille banchées et la charpente en isolation paille avaient déjà été montés. Les murs porteurs n’étaient plus visibles, déjà recouverts d’enduits. Mais les cloisons et le toit laissaient encore apparaître la paille. Le chantier auquel j’ai participé s’est concentré sur l’application des enduits de chaux et de terre sur les murs en paille. Je n’ai donc pas participé concrètement à la mise en place d’un mur en paille mais les explications de Célia et l’observation de la maison m’ont permis de comprendre comment cela a été mis en place. Cette première approche de la l’éco-construction a confirmé mon intérêt pour le sujet et je compte bien continuer à découvrir cette voie sur d’autres chantiers participatifs.
En haut, l’étage de la maison avec l’isolation en paille encore visible. En bas Célia et des volontaires en train de préparer de la paille pour combler quelques creux entre les bottes des cloisons intérieures.
Plus de détails sur la construction en paille
Il est possible que des erreurs se soient glissées dans la description des étapes de la construction et des techniques de construction en paille. Ces notions sont toutes neuves pour moi. Si vous en remarquez, n’hésitez pas en m’en informer.
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