Dans les flocons de la désillusion. Neuf mois d’Octobre 2018 à Juin 2019 en France suivi d’un très court passage en Italie.

Un souffle printanier

Fin de séjour à Chamonix. Le printemps est de retour, je retrouve de l’énergie et j’en profite pour faire quelques balades.
30 avril 2019

Les cerisiers ont éclos dans la vallée. Le Printemps est de retour. La neige est doucement en train de fondre et une atmosphère tranquille enveloppe les jours qui passent. J’ai changé mes horaires de travail. Je suis passée du matin désormais. Je commence à cinq heures pour finir vers deux heures. Je fais le service du petit-déjeuner la grande majorité de la semaine. Louis, le maître d’hôtel s’occupe des autres services et je le remplace lors de ses jours de congés. C’est beaucoup mieux pour moi. Après les mois de Janvier, Février et Mars difficiles et ma dépression, je ne pouvais pas continuer de la même façon. Heureusement la responsable restauration et le Maître d’hôtel ont accepté ma demande de changer mes horaires. Me voilà donc en train reprendre un rythme de vie plus régulier et de profiter de mes après-midi.

Malgré les mêmes problèmes et le rythme soutenu du petit-déjeuner, je reprends doucement des forces. La perspective de finir mon contrat à l’Alpina dans un mois et mon regain de créativité me font du bien au moral. Et puis le beau temps est de retour. La vallée est doucement en train de reprendre des couleurs et des tâches rosées illuminent le paysage. Les cerisiers et pruniers ont senti le redoux et le retour des jours heureux.

J’en ai profité pour aller skier pour la dernière fois de la saison. Il ne reste plus beaucoup de neige. Je suis allée au Tour / La Balme, le domaine skiable au dessus de Vallorcine, juste à la frontière Suisse. La vue sur la vallée de Chamonix était magnifique. En haut du col, l’herbe jaunie par l’hiver est en train de réapparaître. C’est là que passe le fameux Tour du Mont-Blanc, une randonnée de dix jours autour du massif traversant la France, la Suisse et l’Italie. J’ai bien envie de la faire. Mais pour l’instant il y a encore trop de neige. Et les névés peuvent subsister tout l’été. Il va falloir attendre Juillet, voir plus tard. L’idéal est de faire le trek en Septembre, Octobre. La neige a complètement disparu, le temps est généralement beau, les températures pas trop chaudes et la grande majorité des touristes sont partis. L’idée de faire la traversée cet été se plante dans mon esprit et je commence doucement à mettre en place l’après-Chamonix.

Au domaine des Houches, au début de la vallée complètement à l’opposé de Vallorcine, une grande partie des pistes sont fermées. La neige a fondu. Il fait un temps magnifique et je profite du beau temps pour apprécier la vue sur le Mont-Blanc. Il luit là-haut, 3500 mètres au dessus de moi. Mont arrondi recouvert de neige éternelle et sommet le plus haut de l’Europe. Le soleil miroite sur les tôles métalliques du refuge du Gouter. Minuscule construction accrochée à l’arrête sur le chemin du sommet. Serais-je un jour capable de faire l’ascension ?

La Mer de Glace est couverte de poussière grise. Elle n’est pas très jolie. Mais ce n’est pas grave. Se retrouver en présence de ce monstrueux glacier qui descend de La Vallée Blanche est impressionnant. J’entend le glacier qui craque d’un grondement léger témoignant de l’évolution permanente de la nature. Une grotte a été creusé dans la glace et un petit téléphérique aux bennes rouges suivi d’un long escalier y mène. Je descends le long des parois creusées par le passage du glacier. À intervals réguliers, une plaque témoignage de la hauteur du glacier en fonction des années. Plus le temps passe, plus la Mer de Glace rétrécit. En 1823, le glacier descendait fièrement jusque dans la vallée. Aujourd’hui, la langue atteint à peine la gare du Montenvers à 1900m. Avec le réchauffement climatique, la Mer de Glace perd trente mètres de longueur par an depuis 2003. Et ce n’est pas la seule a être impacté. Les glaciers des Bossons et de Taconnaz sont eux aussi touchés. Cette année ne fut pas une bonne année pour la neige et j’ai entendu de nombreux personnes parler des changements climatiques et des impacts sur la vallée. Dans un futur très proche, la vallée de Chamonix, son écosystème et ses activités touristiques liés à la présence de la neige vont probablement être confrontés à des changements majeurs.

En haut à gauche, La Vallée Blanche. E n bas, la grotte et le téléphérique de la Mer de Glace.

La vue sur la vallée du haut de l’Aiguille du Midi est impressionnante. C’est la deuxième fois que j’y monte. La première il faisait un temps parfait. Aujoud’hui, la vallée est recouverte d’une mer de nuages. C’est splendide. Une sorte de matelas cotonneux qui semble si doux, si attirant. Quelques skieurs traversent l’étendue blanche immense de la Vallée Blanche qui s’étend derrière moi. La vallée glaciaire à 3400 mètres d’altitude est un des lieux le plus réputé pour le ski hors piste de haute montagne. Une multitude de randonnées à ski partent de l’Aiguille. Il est notamment possible de descendre jusqu’à la Mer de Glace et rejoindre la gare du Montenvers. 

Je me perds dans la contemplation du paysage. Il ne me reste que quelques jours dans la vallée. Mon contrat touche à sa fin. Je repense à mes sept mois passés ici. Je repense aux problèmes, aux difficultés mais aussi à ce que cela m’a appris et aux découvertes. Bien des choses m’ont déçu en travaillant au Vista mais je pense que l’expérience fut néanmoins formatrice. C’est dans la difficulté que l’on apprend. Et puis cela m’a permis d’ouvrir les yeux sur plusieurs de mes comportements qu’il me faut absolument changer. Devenir une personne plus tranquille, plus détachée, moins perfectionniste et sachant faire la part des choses. Et puis il faut apprendre à toujours voir le bon coté des choses. À voir la lumière dans l’obscurité. À savoir prendre parti d’une situation pour apprendre, progresser et développer ses compétences. 

Je ne suis pas sûre de continuer dans le domaine de la restauration. Beaucoup de choses ne me plaisent pas trop (horaires en coupure, équipes de saisonniers jeunes et peu expérimentés, grosses limitations de budget, etc). Mais comme je n’ai toujours pas d’idée précise concernant mon avenir, je ne ferme pas la porte à un éventuel retour. L’avantage de la restauration, c’est sa facilité à trouver un travail dans le monde entier. Parfait pour continuer de voyager tout en gagnant de l’argent. Mais il me faut quand même me rendre à l’évidence, mes multitudes expériences en restauration que cela soit au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Australie ou en France ne furent pas une partie de plaisir. C’est un travail épuisant, demandeur et répétitif et je ne pense pas être taillée pour cela. 

Pour l’instant j’ai décidé de repartir en voyage. Avec tout d’abord un voyage de six semaines de Juin à mi-Juillet à travers les Alpes dans quatre pays : Italie, Autriche, Suisse, France. Pour faire la traversée du Mont-Blanc, des Dolomites et de quelques uns des sommets Suisse. Je l’envisage comme une renaissance, une remise en forme physique et mentale et un retour à la création. Suivi d’un voyage de trois mois, d’Août à Octobre, en Islande, à vélo et à pied où l’idée moteur sera de se confronter mentalement et physiquement aux éléments. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve mais je sais qu’il va me falloir très bientôt choisir une voie professionnelle à suivre de façon plus régulière. Alors pour clarifier mon esprit après ces sept mois difficiles et me lancer dans la suite, je grave dans mon esprit la beauté du paysage parsemé de neige et de touches printanières qui m’entoure et je redescends dans la vallée. 

À gauche, la station de ski des Couches. À droite, la vallée de Chamonix depuis l’Aiguille du Midi.

En bas à gauche, le Glacier des Bossons et le train du Montenvers.

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