Il fait chaud dans les petites vallées qui entourent le massif du Vercors. Mes parents marchent devant moi. Nous sommes en itinérance à pied depuis une dizaine de jours. Nous sommes partis de Gap, avons traversé le superbe plateau du Dévoluy, contourné le tête de l’Obiou, arpenté la vallée du Trièvres et longeons désormais les falaises du Vercors pour arriver à Villard de Lans dans quelques jours. Il fait chaud et orageux. J’ai la tête en point d’interrogation, le cerveau qui réfléchit, l’esprit en surchauffe. Je me demande de quoi l’avenir va être fait. L’université de Bristol est aux abonnés absents. Nous sommes fin Juillet et toujours aucune réponse. Cela fait presque deux mois de retard. Face à la progression du coronavirus, que l’arrivée de l’été n’a pas ralenti, le monde vit au jour le jour. Et les universités aussi.
Le doute qui était apparu début Juin envahit tout mon esprit ces jours-ci. L’avenir que je mettais imaginé, un an de formation en documentaire animalier à Bristol avec des intervenants de la BBC, ne va jamais se produire. Tout ce pourquoi j’ai travaillé ces six derniers mois, est en train de partir en fumée. Suis-je en train de m’y résoudre, d’en faire le deuil ? Quel était le but de tout cela ? N’y a t’il pas de dessein, et sommes-nous seulement ballotés au hasard des évènements ? Ou bien tout cela avait-il pour objectif de m’amener à m’engager sur un autre avenir ? Car depuis Mars et mon plongeon dans les idées liées à l’écologie, la transition et à d’autres modes de vie, j’ai passé mes jours à me documenter sur tout cela et me suis sentie devenir extrêmement intéressée par tout ce qui touche à la permaculture, l’éco-construction, les plantes médicinales, la résilience, l’autonomie, les low tech… Je me suis même inscrite à une formation de six mois en ligne sur le design de bâtiments écologiques. J’ai également souhaité m’inscrite à une formation en herboristerie mais la promotion était déjà pleine. J’hésite. Un pas en avant, deux pas en arrière. Je me demande si mon avenir ne serais pas de ce coté là. Vers un retour à la terre, à la nature, aux compétences essentielles : minimalisme, autonomie, alimentation saine, construction naturelle, santé et bien-être par les plantes.
Suis-je en train de me précipiter ? De faire fausse route comme ont l’air de penser mes parents. Revenir à la terre, abandonner le confort, vivre en dehors du système, c’est retourner au Moyen-Âge ! Non merci. Les discussions finissent en affrontements permanents et je m’épuise. Pourtant j’ai l’impression que c’est la bonne voie. Quelque chose dans mes tripes me le fait sentir. Et puis partir dans cette orientation, c’est revenir à l’apprentissage, redécouvrir le monde avec des yeux d’enfant. Plein d’ouverture et de curiosité. Apprendre des compétences essentielles. Expérimenter d’autres mode de vie. Comprendre si je suis capable de vivre différemment. Alors je me lance. Il est trop tard pour postuler auprès des écoles, les formations sont déjà pleines ou ont été repoussées. À la place volontariats, wwoofings, chantiers participatifs, courtes formations seront mes lieux d’école pendant un an. Et mon vélo sera ma monture, mon moyen de locomotion entre chaque lieu. Je contacte les hôtes, organise le trajet des premiers mois et me prépare.
Mi-Août, Bristol refait surface et un petit email m’apprend que je ne suis pas retenue pour la formation cette année. Les conditions sanitaires mises en place par l’université ont rendu la sélection difficile. Bon. Je m’en doutais. Depuis plusieurs semaines, l’Angleterre a mise en place une isolation de quinze jours pour toute personne entrant dans le pays. Je ne saurais jamais si le coronavirus a orienté la sélection (seul les résidents vont-ils être acceptés cette année ?) ou si mes compétences se sont révélées insuffisantes. Quelle déception ! Mais quelque chose se renforce dans mon esprit après avoir enfin obtenu la réponse tant attendue. L’idée que j’ai pris la bonne décision. Que mon avenir se trouve à porté de main vers un retour à la nature, à l’action et à la simplicité.
Dans quelques jours, fin Août, je me lance pour un an de périple à vélo à travers la France à la découverte de modes de vie basés sur l’écologie et le bien-être. Un an d’apprentissage au contact de gens dans ce domaine afin de découvrir, comprendre, apprendre et m’orienter ensuite professionnellement. J’ai eu 31 ans en Juin. C’est le début d’une nouvelle décade. Dix ans qui commencent devant moi. Et je compte bien les transformer en un futur plein de découverte, d’innovation et de réussite.
Les massifs du Dévoluy et du Vercors dans les Alpes du Sud. Deux très beaux massifs que nous avons traversés et longés pendant deux semaines.
Une aigrette de pissenlit, une libellule et un Barbitiste fischeri juvénile mâle sur un Aster de Micheli.