Située en bordure de la mer Méditerranée, la Camargue, grande zone humide formée par le delta du Rhône, accueille un grand nombre d’espèces végétales et animales. Un des oiseaux le plus représenté est un grand échassier aux plumes rosées. Le Flamant Rose. La présence de l’échassier en Camargue remonte jusqu’à l’époque romaine. D’après les témoignages de Pline l’Ancien, la langue de l’oiseau était à l’époque un met particulièrement recherché. Aujourd’hui, c’est son apparence très esthétique qui attire les visiteurs. Les Flamants Roses, de leur nom scientifique PhoenicopterusRoseus, font partis d’une famille de grands échassiers proche de celle des Grèbes. Ils aiment les lagunes et marais et se regroupent en grandes colonies pouvant dépasser la dizaine de milliers d’oiseaux lors de la nidification. Il existe plusieurs sous-espèces mais seule l’espèce “Flamant Rose” est majoritairement présente en Camargue.
Sa couleur rose, sa grande taille et la forme si particulière de son bec font du Flamant Rose un échassier à part. Grâce à forme recourbée de son bec et la présence de fines lamelles en kératine entre ses mandibules, il peut filtrer la vase et l’eau afin de n’ingérer que les petites proies qui l’intéressent. Son cancanement ressemble à celui des canards et des oies. Les Flamants Roses se nourrissent de crustacés, de mollusques, de vers, de larves aquatiques et de graines de plantes aquatiques. La présence de rizières en Camargue entraine aussi la consommation de graines de riz par les oiseaux pendant la période des semis. En les regardant se nourrir sur les étangs, il m’est arrivé de voir la tête des oiseaux réapparaître à l’air libre couverte d’un mélange d’eau et de boue leur donnant l’air d’étranges monstres.
Les grandes pattes fines du Flamant Rose, dont l’articulation du genou est inversée par rapport à celle des humains, lui permettent de s’alimenter en eaux profondes. Elles se finissent par des pieds palmés afin qu’il puisse se déplacer facilement dans l’eau et ne pas s’enfoncer dans la vase. Comme pour beaucoup d’échassiers, le Flamant Rose a l’habitude de se tenir sur une seule patte, que ce soit pendant qu’il se nourrisse ou qu’il se repose, cette position ne lui demandant aucune dépense d’énergie. Du fait de la petite taille de leurs proies, les Flamants Roses consacrent l’essentiel de leur temps à se nourrir. La tête immergée, ils piétinent le sol en pliant rapidement leurs longues pattes tout en tournant leur corps autour du bec. Le mouvement peut sembler comique pour l’observateur extérieur mais il leur permet de creuser le sol (sable, boue) afin d’y déterrer les petits invertébrés qui y vivent.
Il est difficile de distinguer les mâles des femelles chez les Flamants Roses. Contrairement à beaucoup d’espèces d’oiseaux, Mesdames possèdent exactement le même plumage et effectuent les rituels ensemble lors des parades nuptiales. Seule la taille permet éventuellement de les distinguer, les femelles étant un petit peu plus petites que les mâles.
L’extraordinaire composition du squelette du cou du Flamant Rose, composé de dix-sept cervicales allongées, lui permet de positionner sa tête dans toutes les directions. Lorsqu’il se repose, l’oiseau utilise la flexibilité de son cou pour poser sa tête sur l’arrière de son corps, le bec camouflé dans les plumes. Il faut trois ans, âge de la maturité sexuelle, pour que l’oiseau obtienne sa couleur rosée. Les juvéniles sont blanc et gris. La coloration des pattes, bec et plumes provient de la synthétisation de pigments caroténoïdes présents dans leur alimentation notamment chez un minuscule crustacé appelé Artemia salina abondant dans les eaux saumâtres. C’est cette coloration pourpre qui a donné son nom à l’oiseau. Le nom scientifique de la famille des Flamants rassemblant toutes les sous-espèces, Pheonicopteridae, signifie “ailes pourpres”, s’inspirant de la légende du Phoenix, au plumage rouge et or. Sa traduction française semble faire référence au plumage “flamboyant” de l’oiseau.
Colonies de Flamants roses.
La couleur des Flamants Roses varie en fonction des périodes. Presque blancs en été, il deviennent très roses tirant vers le rouge en hiver lors de la parade nuptiale. Pendant cette période, ils utilisent une huile imperméable à base carotenoïdes sécrétée par leur glande uropygiale, pour protéger leurs plumes du froid, se “maquiller” et attirer un partenaire.
La parade nuptiale en Camargue démarre fin Novembre et regroupe mâles et femelles par groupes d’une vingtaine d’individus, effectuant de façon quasi synchronisée un enchainement de postures rituelles. La première partie de la danse semble se concentrer, d’après ce que j’ai pu observer, sur un déplacement en cercle du groupe. Chaque individu enchainant de rapides mouvements de la tête, de la droite vers la gauche, le cou dressé à la vertical, s’allongeant vers le ciel. Le groupe part ensuite dans une marche rapide et rythmée. La seconde partie, plus courte que la précédente, met en avant la beauté du plumage, les mâles poussant des sons graves déploient leurs ailes à la verticale pendant un court instant, avant de s’incliner en avant et déployer une nouvelle fois leurs ailes, cette fois-ci à l’horizontal. Les femelles font des sortes de courbettes accompagnées de gloussements sourds. La conclusion de la séquence semble être atteinte lorsque la clameur générale diminue. Le rituel recommence ensuite du début. Une fois le couple formé, les deux individus s’éloignent du groupe effectuant la parade et ne se quittent plus. D’un naturel plutôt tranquille, il m’est cependant arrivé d’observer des oiseaux se donner des coups de becs, se pousser le poitrail et même montrer des attitudes de domination sur leurs semblables. Probablement des rivalités entre males dues à la recherche de partenaires.
La reproduction se fait au Printemps. Les mâles grimpent d’une façon un peu maladroite sur les femelles afin de les féconder. Suite à cela, les oiseaux s’établissent sur de petits îlots au calme où ils construisent leurs nids, sorte de tourelles de boue hautes d’une quarantaine de centimètres. Un seul oeuf y sera pondu et couvé par les deux parents en parfaite coordination pendant 29 jours. Il faudra ensuite une dizaine de jours au petit poussin pour être capable de marcher et rejoindre les crèches où se regroupent les petits. La reproduction est une période critique pour les oiseaux, très sensibles à tout dérangement et aux conditions climatiques. Les Flamants Roses pouvant vivrent jusqu’à plus de trente ans, ceux-ci préfèrent d’ailleurs s’abstenir de se reproduire si les conditions ne sont pas optimales. Le succès de la reproduction de l’espèce en Camargue a beaucoup variée en fonction des époques. La présence d’îlots est indispensable pour la nidification. Jusqu’au milieu du 20ème siècle, les variations du cours du Rhône dans la plaine deltaïque permettaient la création de petits îlots de façon naturelle, via un processus de sédimentation et d’érosion. Mais la création de digues visant à protéger la Camargue et permettre l’agriculture entraine par la suite la disparition des îlots. Dans les années 60, la population des Flamants Roses décroit énormément avant de reprendre dans les années 70 grâce à la création et la gestion d’îlots artificiels dans l’étang du Fangassier. Il existe aujourd’hui une dizaine de sites de reproduction réguliers répertoriés en Méditerranée incluant l’étang du Fangassier.
L’échassier rose est un oiseau normalement migrateur. Il suit les pluies à n’importe quel moment de l’année afin de profiter de l’apparition d’eau dans les étangs lui servant de sites d’alimentation et de reproduction. Il peut se déplacer de la Méditerranée à l’Afrique, en passant par le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est. Mais il arrive que certaines populations, comme celles vivant en Camargue, décident de rester toute l’année au même endroit. Avec leurs grandes ailes dont l’envergure peut atteindre 1,8 mètre, ils peuvent atteindre une vitesse de vol de 70 km/h lors de vents portants. En Camargue, il est commun de voir de petits groupes d’oiseaux volant dans le ciel pour se déplacer d’étangs en étangs. Le bagage des Flamants Roses en Camargue a commencé en 1947. Chaque année depuis, environ 1000 poussins sont capturés, mesurés et bagués avant d’être relâchés. La mise en place de bagues en plastique gravées d’un code alphanumérique permet d’accumuler des connaissances sur l’oiseau et de suivre les populations vivant en Camargue.
Espèce protégée au niveau national et international, le Flamant Rose est souvent menacé par les projets de développement urbain, industriel, agricoles et par les changement climatiques. En Camargue, la présence de Flamants Roses pose notamment problème lors de la mise en eau des rizières au Printemps. Les oiseaux ayant pris l’habitude d’aller se nourrir de graines de riz ce qui entraine de gros conflits avec les riziculteurs. Par ailleurs, une trop forte gestion des îlots artificiels pour la nidification risque de détruire la capacité innée de dispersion des oiseaux. En présence du même site de nidification en bon état chaque année, les oiseaux ne partent plus à la recherche d’autres lieux favorables. Cet instinct d’adaptation est particulièrement important à entretenir chez les oiseaux afin qu’ils puissent faire face aux conséquences du réchauffement climatique. La gestion de la protection de la Réserve naturelle de Camargue et des Flamants Roses qui y vivent pose tout un tas de question sur la cohabitation entre nature, espèces animales, tourisme, industrie et agriculture. Et pas seulement en Camargue mais sur tout le pourtour du bassin Méditerranéen. Heureusement pour lui, le Flamant Rose a de beaux atouts esthétiques afin d’entretenir la mobilisation en sa faveur. Espèce sauvage étudiée, attraction touristique, emblème camarguais et sujet photographique, l’oiseau attire une multitude d’acteurs. Moi-aussi je me suis laissée séduire par ses charmes. Et puis au delà de l’attraction qu’il attire, la présence du Flamant Rose en Camargue permet la conservation des zones humides naturelles du delta et son biotope particulier.
Durant les parades nuptiales, les oiseaux ont un plumage particulièrement coloré variant du rosé au rouge.