La fin de l’année se rapproche et avec elle les températures de l’hiver. Il a énormément plu ces dernières semaines causant de grosses crues à répétition en Provence. Le Rhône est monté de plusieurs mètres et les remparts qui entourent Beaucaire (la petite ville où vivent mes parents en bordure du Rhône) ont été fermé plusieurs fois afin d’éviter que l’eau ne rentre dans la ville. Mes parents ont l’habitude, cela arrive presque tous les ans. Mais chaque année, les crues se font de plus en plus fortes. Un effet lié au changement climatique. En Camargue, les crues n’ont pas eu trop d’impact et heureusement les marais n’ont pas été inondés.
Je suis retournée plusieurs fois me balader en Camargue, autour du Phare de la Gacholle, dans les anciens marais-salants de Fos-Sur-Mer, dans les marais en bordure de Port-Saint-Louis-du-Rhône et autour de l’étang du Vaccarès pour m’imprégner de l’atmosphère tranquille de cette saison, observer la nature et réaliser des photos et vidéos. Dans les marais juste en bordure de la mer à coté de Port-Saint-Louis, il y a de nombreux flamants roses. Ils sont en train de prendre une coloration de plus en plus rosée. J’aime bien cet endroit, il y a une longue langue de plage et de dunes qui s’enfonce dans la mer formant une petite baie protégée avec de nombreux petits îlots. Il reste encore quelques vieilles baraques de pêcheurs dans un style traditionnel (recouvertes de chaux blanche) et des tas de mouettes rieuses, goélands railleurs, sternes caugek, cygnes et petits oiseaux y ont élu domicile en plus des flamants. Pourtant de l’autre coté de la baie se trouve une grande zone portuaire et industrielle qui a forcément des répercussions environnementales. Mais cela n’a pas l’air de gêner les oiseaux. Cela illustre bien la Camargue je trouve, entre réserve naturelle et lieu de vie humaine.
Quelques jours avant Noël je retourne au Parc ornithologique de Pont de Gau. Le temps est moins beau que la fois dernière et les oiseaux semblent bien calmes. Les groupes effectuant les parades sont toujours là mais je n’ai pas l’impression qu’il y en ai plus. En m’approchant un peu trop brusquement du bord de l’eau, je fais fuir de quelques mètres un groupe de flamants. Je m’en veux instantanément et cela fait remonter à ma mémoire l’incident déclenché l’année dernière lors de le réalisation d’un documentaire par Nicolas Vanier sur les flamants roses de la Petite Camargue. En survolant de beaucoup trop près avec un ULM une zone sensible abritant une colonie en plein travail de nidification, l’équipe de tournage avait effrayé les oiseaux et provoqué l’abandon d’un grand nombre de nids. Il est très important de garder une bonne distance face aux animaux afin de limiter au maximum notre impact sur leur comportement. Je me dis que si je continue d’observer les flamants notamment durant leur période de nidification, il va falloir le faire avec le plus grand respect et en acceptant qu’il ne soit peut-être pas possible pour moi de m’approcher de près. Le respect de la protection de l’oiseau est plus important que la recherche de réalisations écrites, photographiques et vidéos spectaculaires. L’observation et la compréhension des espèces animales et végétales est essentiel mais il faut que cela soit fait avec une attitude respectueuse en évitant d’avoir des impacts négatifs.
L’après-midi est tranquille au parc et j’observe un groupe de hérons cendrés en train de faire leurs nids. Plusieurs oiseaux me survolent avec une brindille dans le bec. Un des hérons se pose sur un petit îlot où une dizaine de nids sont déjà construits dans les tamaris. L’oiseau plonge la tête dans les buissons et récupère une brindille d’une bonne cinquantaine de centimètres qu’il va déposer sur un nid juste au dessus, l’intégrant à la structure. Le nid est très gros, semblable à ceux des cigognes. En feuilletant plus tard un livre sur la faune du littoral j’apprends que ce sont les mâles qui se chargent de la récolte des matériaux et les femelles qui les disposent. L’oiseau que j’ai vu à fait un peu des deux, était-il mâle ou femelle ?
En fin d’après-midi, la colonie de flamants se réveillent et les cancanents reprennent allègrement. J’observe les oiseaux qui volent. Quelques uns passent d’étangs en étangs survolant les buissons. Ils font souvent le même trajet, s’envolant à grands coups d’ailes vers le ciel, s’élevant de quelques dizaines de mètres avant de faire de grands tournants pour s’orienter dans la direction voulue. Une fois en vol, cou et pattes tendus, leurs ailes rouges battent à un rythme rapide provoquant presque l’illusion d’en avoir quatre. L’arrivée sur l’eau est quelque peu maladroite, le flamant planant en fonction des courants d’airs effectuant plusieurs survols en cercle avant d’atterrir les pattes tendus vers le sol. Il semble presque marcher sur l’eau en touchant terre. Certains semblent se réceptionner un peu maladroitement ou se prennent les pieds dans quelque chose puisqu’ils passent plusieurs secondes une fois à terre à battre des ailes pour rétablir leur équilibre. Je trouve que c’est à la fois très beau et un peu cocasse.
Cette fois-ci je reste plus longtemps que les fois précédentes, observant le soleil qui disparait derrière l’horizon et la nuit qui tombe. Une fois le soleil couché, les flamants s’élancent en grands groupes dans le ciel, survolant les marais en de superbes vols rouges et noirs. Ils semblent quitter les étangs où ils se nourrissent pour se déplacer vers d’autres étangs où ils vont passer la nuit. Ces grands vols ne se déclenchent qu’en soirée. Un des oiseaux s’est élancé et le reste a suivi, j’ai eu l’impression. Dans la journée, je n’ai observé que des vols individuels. J’observe les oiseaux qui s’éloigne, leurs cancanements s’estompant dans le lointain.