Apprentissages en pays tranquille. Treize mois, de Mai 2016 à Juin 2017 en Australie et Nouvelle-Zélande.

Déceptions à New Plymouth

Le mauvais temps continue à New Plymouth et m’empêche d’apercevoir le Mont Taranaki.
11 juillet 2016
New Plymouth, Île du Nord, Nouvelle-Zélande © Claire Blumenfeld
CARNET

Départ de Waitomo pour rejoindre New Plymouth sur la côte Ouest. Les maori s’installèrent dans la région Taranaki où se trouve New Plymouth à partir du 13ème siècle suivi par les britanniques au début du 19ème siècle. Bien sûr cela ne se fera pas sans heurts et de nombreuses guerres éclateront pendant toute la deuxième moitié du 19ème siècle. À quelques kilomètres de New Plymouth apparait, majestueux dans le lointain, le Taranaki. Le mont Taranaki ou Mont Egmont est un volcan solitaire potentiellement dangereux avec un cône presque parfait. Il est surnommé le Mont Fuji de la Nouvelle-Zélande et je peux dire, qu’après avoir vu les deux, la ressemblance est frappante (si ce n’est que le Fuji-san est plus élevé). Une légende maori explique d’une façon très poétique pourquoi le Taranaki est seul dans la région.

“Le dieu Te Maunga o Taranaki (en français « le mont Taranaki ») vivait autrefois dans le centre de l’île du Nord avec les autres dieux TongariroRuapehu et Ngauruhoe qui étaient tous amoureux de la déesse Pihanga. Taranaki décida alors de faire des avances à Pihanga ce qui mécontenta Tongariro qui laissa exploser sa colère, secouant les fondations de la Terre et obscurcissant le ciel. Une fois calmé, Tongariro était devenu plus petit mais s’était rapproché de Pihanga. Dépité et en pleurs, Taranaki décida de quitter la région : il traversa la Rivière Whanganui, se dirigea vers le nord et après avoir rejoint l’océan s’endormit. À son réveil, le Mont Pouakai était né et l’avait emprisonné à son emplacement actuel. D’autres légendes māori racontent que Taranaki rencontrera un jour Pihanga et qu’il est par conséquent imprudent de vivre entre les deux montagnes. Les Māori racontent aussi que lorsque le mont Taranaki est recouvert de brume et de pluie, c’est Taranaki qui pleure d’avoir perdu Pihanga.”

Je débarque par un temps magnifique et presque trop chaud pour la saison. Mon auberge se situe à pied à une bonne quarantaine de minutes du centre. Pas de tout repos, surtout avec mes sacs à dos. Heureusement je tombe sur la propriétaire de l’auberge arrêtée à une station-service sur la route qui offre de me déposer ! Débarrassée de mes affaires, je sors faire le tour de la ville. J’aperçois le Taranaki magnifique en arrière-plan et j’en oublie de prendre des photographies.

Pukekura Park est un très agréable parc avec de joli petits ponts d’influence asiatique. Situé en bout du parc, le tout petit zoo de Brooklands zoo est gratuit et abrite une très belle sélection d’oiseaux colorés ainsi que des animaux de basse-cour et des singes dont une petite famille de Tamarin à crête blanche. Ceux-ci sont tout petits et très mignons mais ont l’air d’avoir grandement froid. Ma partie préférée reste la traversée à l’intérieur de la volière. De superbes perroquets et perruches m’accueillent sous une avalanche de cris sonores dont un Grand Éclectus superbe dans sa robe verte et son bec orangée et qui se prend pour un chat ! Une touche colorée attire mon regard et je pose les yeux sur un superbe Faisan d’Amherst qui se balade tranquillement à quelques centimètres de moi ! La couleur de ses plumes est extraordinaire et les motifs de sa collerette sont fascinants. 

Je retourne ensuite dans le centre de New Plymouth pour aller faire un tour sur la côte mais il commence déjà à faire nuit. L’office de tourisme est fermé et je reste un moment à l’extérieur afin du profiter du wifi gratuit. Une voix m’interpele alors. C’est Pauline ! La française que j’ai rencontré à Rotorua ! Quelle surprise ! Nous échangeons sur nos voyages respectifs et décidons d’aller demain randonner ensemble sur le Mont Taranaki.

Je retrouve Pauline le lendemain de bonne heure sous un temps couvert. Pas de Taranaki à l’horizon, ça commence mal. Une pluie torrentielle s’abat sur nous pendant que nous roulons pour rejoindre le début de notre balade. La météo n’est vraiment pas fiable dans la région…  Départ sous la pluie pour une ascension d’environ deux heures dans le bush afin de rejoindre la Pouakai Hut. De là, il faut une dizaine de minutes pour rejoindre le plateau Pouakai et soit-disant avoir une superbe vue par delà le marais Ahukawakaw, du volcan Taranaki. Vue la météo, j’ai comme qui dirait l’impression que coté photos ça va être un flop.

Au moins l’ascension est jolie. Une superbe forêt à la végétation luxuriante et remplie de mousses d’un vert fabuleux nous entoure. Deux heures plus tard, nous arrivons complètement trempées et dans le brouillard à la Pouakai Hut. Ne perdons pas espoir, ça peut encore se dégager. Déjeuner à l’intérieur et discussion avec un Allemand lui aussi déçu par le temps. Au bout du heure, nous repartons, le froid se faisant trop fort pour pouvoir rester dans la hutte. Il nous faut bouger. Au moins il s’est arrêté de pleuvoir. Mais un brouillard très épais nous entoure. On ne distingue pas à cinq mètres. Pauline et moi montons quand même sur le plateau au dessus de la hutte pour essayer de distinguer quelques chose mais c’est peine perdue. On n’y voit absolument rien. Le marais Ahukawakaw se devine devant nous puisque le sol s’incline pour former apparement une cavité mais du Mont Taranaki, aucune trace ! Celui-ci à disparu. Nous regardons dans la bonne direction mais il est complètement invisible. Pas de Mont Fuji néo-zélandais. La légende me revient en tête : entouré de nuages, le volcan pleure son amour disparu. Grandement déçues et pestant contre la météo, nous redescendons en nous racontant des anecdotes sur nos vies personnelles. De retour en bas, c’est le soleil qui nous accueille. Quel plaisir de sentir la chaleur des rayons. Mais le Mont Taranaki est toujours dans la brume. 

Nous retournons à l’office du tourisme se trouvant à l’intérieur du centre Puke Ariki abritant également une bibliothèque et un musée. Traitement des mails, de l’actualité et des quelques photos de la journée puis nous partons faire le tour du musée. Une exposition temporaire est consacrée à Vingt mille lieues sous les mers, le roman de Jules Verne, que je suis actuellement en train de lire ! La coincidence est assez incroyable. Une reconstitution du Nautilus permet de s’immerger dans l’univers et je prends un grand plaisir à me balader dans les coursives, les descriptions du livre toutes fraiches dans mon esprit. Le premier étage du musée est consacré à l’histoire de la région, très intéressant et très fourni et le deuxième étage à la faune, flore et géologie. Comme d’habitude, ma partie favorite est celle sur les oiseaux. Plus j’en apprends sur eux et plus je les trouve fascinants. Un petit film raconte l’histoire du magnifique oiseau Kokako, en danger critique. Il possède un chant extraordinaire ressemblant à des notes d’orgues et des bajoues de couleur bleues. Décimé par les animaux appelés en Nouvelle-Zélande “pest animals” tel que les rats, possums et hermines, la population de Kokako fut réduite il y a une dizaine d’années à un seul survivant. Appelé Tamanui, celui-ci fut intégré dans un programme de conservation afin de sauver l’espèce de l’extinction. Il existe aujourd’hui une centaine d’oiseaux en liberté répartis dans des sanctuaires protégés des prédateurs.

Nous nous retrouvons Pauline et moi, de nouveau le lendemain pour aller nous balader le long de la Coastal Walkway. Un chemin d’une douzaine de kilomètres longeant le bord de mer. Paritutu Rock, un cône d’une centaine de mètres de haut marque le début du trajet. C’est tout ce qu’il reste d’un des premiers volcans à être apparu dans la région. Il fait un vent de folie et le temps est gris. Deux papis nous préviennent que la montée du cône est dure mais sans dangers. Mon dieu, ils sont fous ces Kiwis. C’est probablement la montée la plus dangereuse que j’ai faite ! Cent mètres d’ascension extrêmement raide avec une deuxième moitié à l’aide de chaines ! Pauline et moi ne sommes pas allées jusqu’en haut. La taille du sentier était ridicule, une pente raide s’ouvrait des deux cotés et le vent risquait de nous faire basculer à tout moment. Une jeune Allemande qui faisait l’ascension en même temps que nous a elle aussi abandonné. Dépassées par la dangerosité de la balade en libre accès et rigolant de l’expérience, Pauline et moi mettons ensuite le cap sur la côte. Rien de bien spécial le long du Coastal Walkway. Je désespère d’apercevoir de nouveau le Taranaki dans le lointain mais le mont est toujours invisible dans la brume et les nuages. Je peste intérieurement de n’avoir pas pris de photos en arrivant alors que le temps était parfait. Le jour suivant je quitte New Plymouth, un goût d’amertume dans le coeur. Seule la présence de Pauline a apporté un peu de joie à la morosité ambiante. Elle a décidé de rester quelques jours de plus dans le village et me dira par la suite que le volcan était resté parfaitement invisible. Son chagrin devait être gros. 

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