1.

Le début d'un cycle

Traces compagnonnes

Mois de Février.
Transition de l’hiver vers le printemps.
Énergie de purification et d’éveil, reliée à l’Est.
Célébration d’Imbolc le 6 février. 

Sourires dans la nuit

> Premiers jours – Claire

Il n’y a personne encore sur le parking du point de rendez-vous. J’attends dans la nuit que les premiers phares d’un visage connu se profilent. Le vent me lèche la peau de son froid mordant. Je pense à ce moment si particulier, cet instant en train de basculer. A la fin d’un cycle vers le début d’un autre. A ces mois passés à attendre ce moment précis. Ce début de compagnonnage aux Alvéoles qui commence par trois jours de vie en forêt. Se ré-enforester pour ouvrir un nouveau cycle.

Une voiture arrive. Esmée et François. Ça se bouscule à l’intérieur de moi. Le temps se cristallise. Ça y est ! Antoine, François et Guillaume apparaissent quelques minutes plus tard. Je sens l’effervescence qui monte dans l’air. Sourires sur tous les visages. Nous cheminons vers l’orée de la forêt où Lydie nous rejoins. Les étoiles brillent dans le ciel, il fait une nuit magnifique. Thomas vient nous chercher pour nous emmener dans son espace qui nous accueille pour ces trois jours. Un refuge en forêt qui se prénomme Mikinac. Au coin du feu, dans une cabane illuminée se trouve Stephen. Il est déjà là depuis plusieurs heures. Il est arrivé à vélo en suivant l’appel du lieu. Nous nous répartissons dans des cocons chauffés au feu de bois. Des petites cabanes nichées dans la forêt. Rondes, tipiesques, perchées en hauteur. La nuit s’écoule au rythme du crépitement du feu. Le lendemain Aurélie et Alvina apparaissent avec le chant des oiseaux et la tribu est au complet.

À Mikinac le temps n’existe pas. Il est comme suspendu. Chaque instant est un présent qui coule en spirales perpétuelles. Comme le vortex qui alimente le bassin devant la petite bâtisse ronde qui constitue notre espace d’ouverture, de rencontre, de connaissance. Nous faisons cercles, pour s’écouter, s’apprivoiser, se raconter. Nous marchons à travers la forêt pour observer, écouter les mélodies chantées par le peuple oiseaux, stocker des tas de bûches pour le feu, regarder les arbres penchés qui constituent l’horizon. J’apprend les courbes de chaque visage qui m’entourent. J’écoute les tonalités des voix qui me parlent. J’entre en résonance avec les mots émis.

Chacun·e de nous arrive avec ses bagages, ses offrandes. Esmée parle du musée de Salagon à Mane et des plantes qu’il abrite. Alvina décrit les autruches en Argentine et la taille de leur oeufs. François offre des massages régénérants. Stephen raconte son projet de sentier nourricier. Aurélie prodige une session yoga tout en douceur. Lydie parle de ses Vilaines Graines. Antoine nous connecte à la roue de médecine et la sagesse des peuples premiers. François évoque les arômes de ses bières artisanales. Guillaume raconte son expérience potagère. J’offre un bain sonore pour immerger le groupe dans les vibrations de nos voix.

Chaque moment ici est ramené à l’essentiel. Faire la cuisine ensemble pour se réchauffer de douces saveurs. Discuter joyeusement de tout et de rien. Alimenter le foyer pour avoir chaud dans le froid de la nuit. Danser librement au rythme de nos corps. Regarder la nuit qui tombe et le jour qui se lève. Célébrer l’anniversaire d’Esmée. Ecouter le vent qui souffle dans les arbres. Allumer un feu sacré pour honorer le cycle des saisons. Ressentir un quelque chose en devenir. Et célébrer le début d’un cycle.

> Tentaculoutre (et Thomas)

Cheminement compagnon

> Claire

Depuis le début du mois de février, je suis en immersion aux Alvéoles dans la Drôme au sein du programme des Compagnon·nes du Vivant. Pendant 9 mois. Le temps d’une gestation humaine. Neuf mois d’attention et d’intention pour accoucher de quelque chose d’autre. 

Les Alvéoles, c’est un espace multiple. Un bourdonnement de projets. Entre pépinière, bureau d’étude, centre de formation, auberge. Porté par des énergies lumineuses qui attirent, emportent et dynamisent. Permaculture, jardin-foret, hydrologie régénérative, mise en lien, partage sont les fils d’ariane. Niché dans la vallée de la Sye dans les contreforts du Vercors, le lieu pousse tranquillement au rythme des saisons. Au rythme du temps d’une plante qui s’élève vers le ciel. 

Mettre les mains dans la terre, s’ancrer dans mon corps, offrir soin. S’immerger au sein de cet éco-système multiple, fertile, qui bourdonne. Cheminer ensemble avec une petite tribu en devenir à travers un processus d’apprentissage, de déconstruction, de régénération. Cheminer ensemble dans une posture d’accompagnement. Ne pas « prendre » soin mais « offrir » soin. Offrir ma présence, mes gestes, mon corps à un lieu, un sytème, des individu·es qui m’offrent autant que ce que je leur donne.

Il faut prendre ses marques. Arpenter le lieu. Découvrir les trésors. Faire cercle et se dévoiler. Observer les gestes aguerris. S’assoir et s’organiser. Toucher les matières. Danser librement. Être en apprentissage. Se sentir submergée. Se perdre dans les détails. Comprendre au delà des mots. J’écoute, je regarde, j’observe et surtout j’essaye de ressentir. Lâcher-prise et décaler le regard. Les idées pulsent, les missions s’enchaînent, les rythmes oscillent. Rires, regards qui pétillent, chants des oiseaux, caresse du soleil. Chaque jour est une pépite, chaque jour est un univers à lui seul.

C’est la fin de l’hiver, il fait encore frissonnant les matins. Par moment l’éolienne grince sous les rafales de vent. On parle ilots de biodiversité, greffe sauvage, mirobolans, design du poulailler, densification des couvres-sols, session yoga, échelle de la permanence, différence entre mare et bassin, salades sauvages, utiliser les roues de charrues pour le portail, rapport sensible au monde, electroculture et comment faire pousser des champignons. Tout ça. Dans un sens ou dans l’autre. La tisane chauffe dans la serre. Des voix discutent. Il va falloir s’organiser pour le potager. Au coin du feu, le son d’un chant s’élève. On célèbre les retrouvailles. Les anniversaires. Les saisons. On célèbre chaque jour la joie d’être en vie et de faire partie de cette aventure.

> Claire

Devenir Poulpe

> Tentaculoutre

Premier article de cette saison de compagnonnage à relater.  Comme un nouvel objectif, celui du récit. Neuf mois de compagnonnage. Une gestation.

Nous en sommes à 8 semaines quand j’amorce ce récit. Le temps de s’organiser.
Quels organes à développé un foetus humain au bout de 8 semaines ?

Ici nous organisons même un méta-organisme. Nous sommes 8 compagnon.nes à tenter sincèrement de faire groupe et donc corps. Huit tentacules d’un corps mou, métamorphe, polymorphe. Huit membres avec chacun.e un cerveau autonome et sa propre mobilité.

Raccordés par un appétit commun, un appétit vital. Une bouche en commun, un cerveau central.
La compagnie du Poulpe.

Je vais retranscrire ici, sur ces pages, une sorte d’échographie de cette gestation. Avec sûrement des fantaisies analytiques ou syntaxiques, voire du sérieux ! Je la retranscrirai sans appui médical depuis le ressenti intérieur d’un des tentacules en développement. Je m’autoriserai sûrement à exprimer la voix d’une de mes ventouses qui s’exprime, vagabonde.

> Claire

Pour une greffe générale joyeuse et enjouée !
L’intervégétale sauvera le genre humain

> Tentaculoutre

Camarade François, voici nos revendications : transmets-nous l’essence de ton savoir,

Indiques-nous le sens de la sève,

Accordes-nous de pousser à ton côté les pieds dans la terre,

Sois bois de cœur pour tenir le vent de nos erreurs,

Sois vif et fragile comme le phloème,

Nous suivrons ton cours mineur,

comme les rives que le flot aime,

Nous serons majeurs, lisières, étiages,

Nous serons flaques, Nous ferons flac. Flic flac floc,

Nous exigeons de devenir écorces,

De déborder, de saborder les vaisseaux nécrosés de nos pires rateries,

De s’aborder par le flanc d’un ship budding ces anglaises compliquées,

De brandir nos écussons sur les couronnes fendues que le dur amène,

Tant que nos revendications apicales ne seront pas satisfaites nous pillerons tes heures à sec,

À toute heure Aztèque, À tousser 4 heures, À coup d’sécateurs,

Nous n’aurons comme but que ton plein gré foire,

Alors partons en ballade,

Oui partons comme un peuple pas spécialement humain,

Nous sommes dans le monde hors du monde,

Oui nous sommes monstrueux,

Et nous avons dans l’intention d’être encore pires,

Nous sommes pires qu’hier et demain nous serons pires qu’aujourd’hui,

Oui pires, c’est-à-dire meilleurs,

C’est à dire plus bruts gorgés de sève,

Nos yeux ne pourrissent jamais,

Nous n’attraperons jamais la salmonellose.

Camarade François tu entames ton 39e tour du soleil, merci de nous accorder ta compagnie pour ce bout de chemin,
dans ce système sommaire et humble, à travers cette galaxie-ci.

Greffon cherche porte-greffe pour inventer un nouvel avenir.

> Claire

Ah ! La ventouse 3 qui découvre ses cellules rétiniennes tente de s’exprimer :
Voix ventousiennes

> Tentaculoutre

« Dans mon nid d’yeux, N’y mettre que plumes d’anarchies,
Amours d’autrui, Et tous les e de Perec »
 
Ah ! La ventouse 3 qui découvre ses cellules rétiniennes tente de s’exprimer :
« Dans mon nid d’yeux, N’y mettre que plumes d’anarchies,
Amours d’autrui, Et tous les e de Perec »
 
Ce qui invite la ventouse 8 à se projeter elle aussi sur ces neuf mois :
« Y rêver recible, Irréversible
Dans le sable d’un hiver rêvé,
Raser ses cils, Sans se soucier, Frêle exil,
Des satiétés de nouveaux-nés. »
 
La ventouse 28 est l’anthropologue, elle tarde à s’affûter.
J’en ai une un peu acariâtre qui ronchonne aussi…
 

Ce qui invite la ventouse 8 à se projeter elle aussi sur ces neuf mois :

« Y rêver recible, Irréversible
Dans le sable d’un hiver rêvé,
Raser ses cils, Sans se soucier, Frêle exil,
Des satiétés de nouveaux-nés. »
 
La ventouse 28 est l’anthropologue, elle tarde à s’affûter.
J’en ai une un peu acariâtre qui ronchonne aussi…
Le rêve d’une personne, son projet de Vie, vient de sa façon d’être au monde.
Planter la vie

> Claire

Aujourd’hui j’ai planté un arbre. Un arbre à pois. Ou Caragana arborescens. Je l’ai sorti de la jauge, éco-système sableux, où il avait passé l’hiver, pour lui enrober les racines de pralin. Mélange de terre, eau et bouse de vache. Un pansement protecteur pour éviter que ses racines ne se dessèchent à l’air libre. J’ai fait un trou au louchet dans un des cercles de la forêt-jardin conservatoire. Le cercle des cornouillers mâles. Orienté sud et exposé au vent. Au mistral qui vient du nord et au Sirocco qui vient du sud. Pas d’inquiétude pour mon Caragana. Il résiste à la sécheresse et au vent. Je l’ai planté coté sud-est, dans le talus pour densifier le cercle et renforcer l’effet brise-vent. En creusant mon trou, j’ai rencontré tout un tas de vers de terre. Grands, petits, roses clairs, roses foncés. J’ai rencontré le peuple-araignées et le peuple-scarabées. Le sol est rempli d’habitants.

J’en ai même planté plusieurs, des arbres. Des caraganas, des amandiers, des pruniers, des teucriums, des coronilles, des arbres à faisans, des cassissiers, des mûres. Dans différents cercles du jardin-forêt, entre les baissières de la pépinière, sur la butte devant le parking. À chaque fois que j’ai planté un arbre, une plante, j’ai déposé une intention. De faire pousser la vie. De régénérer le sol. De faire tomber la pluie. Le peuple des plantes est le gardien de ma vie. Il me permet de respirer, de me nourrir, de m’abriter, de me vêtir, de ressentir, d’être en joie. Alors j’offre de mon temps pour faire pousser des plantes. Pour pendre soin de moi en prenant soin des autres peuples-habitants-vivants de la Terre.

> Tentaculoutre et Claire

Création des contenus
Les Traces Compagnonnes est un projet de carnet de bord à double regard réalisé par Claire Blumenfeld et Tentaculoutre.
Dans le cadre du programme Les Compagnon·nes du Vivant
Sur le site des Alvéoles, 26400 Cobonne 
 
Copyright © 2025
Tous droits réservés
Merci de ne pas utiliser les contenus sans autorisations

Février 2025

Immersion et début du compagnonnage aux Alvéoles. 

Mars 2025

Entre l’Hiver et le Printemps. Entre questionnements et ressentis.

Avril 2025

Être en recherche d’un rapport corporel sensible au Vivant et faire du vide pour retrouver du sens.
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