Mois de Septembre.
Temps de réflexion, gratitude et abondance. Célébration de Mabon, Equinoxe d’Automne, le 21 septembre.
Mois de Septembre.
Temps de réflexion, gratitude et abondance. Célébration de Mabon, Equinoxe d’Automne, le 21 septembre.
> Claire
> Claire
« Les plantes évoluent sur un temps très long. Nous humain·es ne voyons pas au delà de notre propre temporalité. Mais nos quatre vingt petites années d’espérance de vie, ce n’est rien à l’échelle du temps de l’arbre. La forêt, les milieux, se pensent à des échelles de temps complètement différentes. Ils se pensent en cycles, ils se pensent ensemble, ils se pensent en strate, en superposition de temporalités, en cheminement dans l’espace, en systèmes complexes qui s’auto-entretiennent. Les plantes que l’on appellent « invasives » ne sont invasives que depuis la petitesse de notre perception humaine. Elles sont là parce que temporellement et spatialement elles viennent s’insérer dans des dynamiques en cours. Ne serait-ce pas plutôt nous qui envahissons leur milieu ? Réfléchir sur la notion de plantes dites invasives et sur ce que cela dit de nous, humain·es et sur notre langage révèle la façon dont nous percevons notre monde, de façon anthropocentrée et sur une temporalité très courte. Les plantes ont des millions d’années d’existence de plus que nous. Est-on vraiment si sûr que c’est nous qui allons les sauver face au dérèglement climatique ? Habiter ensemble sur un même sol c’est laisser faire les dynamiques évolutives du milieu. C’est s’insérer, observer et accompagner ce qui est déjà là ». Véronique reprend doucement sa marche accompagnant le groupe où je me trouve à travers la sylva du Vallon. La botaniste agronome à la retraite, pose un regard à la fois naturaliste, sensible, historique et prospectif sur le peuple-plantes autour de nous et nous raconte les dynamiques évolutives du milieu.
Comment vivre ensemble à plusieurs peuples humain·es et plus qu’humain·nes sur un même sol ? C’est la thématique du festival Jusqu’au Vallon organisé par Cultures Vivaces à Forcalquier du 11 au 13 Septembre 2025. À travers conférences, visites, ateliers, photographies, cuisine et concert, le Festival essaye d’ouvrir les imaginaires sur les façons de faire société avec le reste du Vivant. Sur comment Réhabiter le territoire.
Une semaine plus tard, à peine quelques jours après la reprise du compagnonnage, me voici en Belgique dans le cadre du Festival des Jardins-Forêts belges. Avec Alvina, compagnonne et François, pépiniériste aux Alvéoles, on passe quatre jours à visiter une dizaine de jardins-forêts autour de Bruxelles et Namur et à rencontrer le réseau d’acteur·rices belges. La temporalité de pousse en Belgique diffère grandement de celle des Alvéoles. Le peuple végétal pousse vite aidé par le climat et la présence de la pluie. À la Ferme de Lansrode, une association mené par Eric Van Campenhout expérimente collectif, culture, soin du Vivant et alimentation. Au milieu des huit hectares de forêts, étangs, potager, prairies, on oublie complètement la présence de Bruxelles à quelques pas. Les vergers croulent sous les pommes, les vignes grimpent dans les arbres, les oiseaux chantent tout autour. Mais l’eau qui arrive dans les étangs, l’eau qui chemine en amont de la Ferme, qui traverse paysages agricoles et urbains, est remplie de polluants et pesticides. Dans la magnifique grange rénovée, Marc-André Selosse nous parle du sol. De la vie du sol. Que la Vie vient du sol. Que tout nous relie au sol. « Nous sommes faits de sol. Vivre pour un·e humain·e, c’est faire comme faire un saut hors du sol ».
Aux Jardins d’Ici, une forêt-jardin est en devenir. L’association Semisto accompagne un projet de forêt nourricière pédagogique et expérimentale. Le terrain, ancienne pâture devenue espace de maraichage durant dix ans n’est pas très riche en sol. Le choix a été fait de commencer par planter 1400 arbres auxiliaires, arbres qui poussent vite, fixateurs d’azote qui seront régulièrement élagués, afin de produire de la biomasse, régénérer le sol et permettre l’installation d’espèces fruitières. Sur la route bruyante qui borde le terrain, un défilé de tracteurs-bennes acheminent des montagnes de pommes de terre. L’après-midi, au centre de Namur, nous trouvons une minuscule ruelle qui nous emmène au coeur d’Iggdrasil, un foisonnement de végétal sur 2000m2 abritant yourte, serre low tech et micro-pépinière. Le lieu déborde d’une énergie de vie, de confort et de douceur. François Delforge nous parle de son approche, de ses astuces débrouillardise, des tensions avec un voisin, de son mode de vie cherchant à s’extraire du capitalisme, de la circulation des énergies dans son jardin. Il nous fait gouter ses confitures de cornouilles, ses teintures-mères et parle de la volonté de fédérer un réseau franco-belge d’entraide et de liens sur les forêts-jardins.
> Claire
À la pépinière du Bois de Rode Bos, Pierre Barbieux nous parle de ses expérimentations sur des lignes de vergers associant espèces fruitières et plantes auxiliaires. Il nous parle de son travail sur la sélection variétale, de ses kakis, kiwais, néfliers, figuiers, asiminiers adaptés à la rusticité du climat. Des actions syntropiques mises en place mais qui demandent énormément de travail et de présence. J’observe l’aménagement de la pépinière, prenant notes et photos pour des pistes d’améliorations pour la pépinière des Alvéoles. L’après-midi nous accompagnons Hervé Coves de nouveau à travers la pépinière du Bois de Rode Bos, pour une visite sensible du lieu. L’ingénieur agronome partage d’une voix douce ses enseignements. « La mort est un cadeau que la vie fait à la vie », « La pluie se cultive à travers les associations de plantes », « Il est important de penser à la la façon dont la vie circule pour arriver chez moi », « Les oiseaux sont nos alliés, ils sèment la vie », « Le rôle de l’humain·e est de proposer des espaces de nature vivante pour que la vie puisse réapprendre toute seule à fonctionner ». En fin d’après-midi de cette même journée, nous rejoignons Terre & Conscience, un joli lieu école qui propose des formations en permaculture, agroécologie et lien au Vivant. Muriel Emsens nous parle avec passion de son jardin nourricier de 4000m2. Une magnifique serre à la structure arrondie en fer forgé faite d’une multitude de petits carreaux en verre trône au fond du jardin en bordure d’un bassin rempli d’eau. Témoignage de l’ancienne activité de serriste très présente dans la région autrefois. En soirée nous écoutons Hervé, de nouveau, nous parler de son chemin de vie et de l’émerveillement face à la puissance du Vivant.
Au Potager du Gailleroux, un magnifique mandala s’étale en bordure d’immeubles et pavillons à pelouse rase. le contraste est saisissant. Mickael Teerlinck est intarissable sur la multitude de plantes qu’abrite son oasis de biodiversité. Je photographie les détails, les textures, les insectes, les petites serres en torchis. J’observe François en train d’observer les plantes. Mon oeil est attiré par les formes et couleurs. Son oeil est attiré par les espèces et variétés. Je me pose la question d’une approche créative au Vivant qui ne soit pas accès sur une approche « paysage », « objet » ou seulement esthétique, mais qui questionne notre liens aux êtres vivants, notre attention, réouvre notre imaginaire. Notre dernière visite de ces quatre jours de Festival se fait chez La Maitresse du Vert, un jardin foisonnant au coeur d’un petit village flamand, où Ann Suetens cultive presque en libre évolution, une multitude de plantes comestibles (potagères, sauvages, fruitières) qui lui fournissent environ 50% de son alimentation. Malgré le fait que les voisins regardent ce « fouillis » d’un oeil sceptique ou que ses enfants n’aident pas à cultiver le jardin, Ann garde sa motivation et continue de promouvoir la Permaculture tout autour d’elle.
Sur la redescente de la Belgique, je laisse l’équipe rejoindre les Alvéoles, pour enchainer directement avec le Festival Oasis. Quatre jours à discuter écolieux, vivre-ensemble, engagement politique, repenser notre rapport au travail et médecine-castor ! Au milieu de ce foisonnement de réflexions très enrichissantes mais centrées sur l’humain·e, la présentation de Mathieu Le Doré, Coordinateur au MAPCa, Mouvement d’Alliance avec le peuple Castor, nous parle du vivre-ensemble au delà de l’humain·e. Du vivre-ensemble avec le Vivant. De faire alliance avec les castors, avec les rivières, avec l’eau et les forêts, pour régénérer les milieux, les sols, repenser notre rapport à l’habiter et inventer d’autres façons de faire société vivante.
Je ressors de ce mois de Septembre, nourrie, enrichie de liens, de réflexions, fatiguée, énergisée. J’ai plein de sensations qui me traversent, des ressentis, sur lesquels je n’arrive pas encore à mettre des idées claires. Sur la joie que j’ai à m’impliquer au sein des Alvéoles sur de multiples projets (coordination du compagnonnage, structuration de l’Association, implication dans le Réseau Conseiller·ères en Design de Permaculture, montage du programme Erasmus+2026, réflexion sur le modèle économique de la pépinière, propositions de formations et constructions) et sur la charge mentale et physique que cela implique. Sur la tristesse que je ressens face aux difficultés de mettre en place un monde permacole, un nouvel imaginaire dans un monde de plus en plus malade, sur la violence des contrastes que cela fait ressortir. Sur l’envie de monter un projet créatif, poétique, réflectif, multi-support sur comment le Vivant vis avec son milieu et comment moi humaine j’habite ce milieu, comment je pourrais co-habiter la forêt. Sur mon approche professionnelle du Design en Permaculture et l’envie naissante de designer des collectifs paysans, d’aider des collectifs vivriers régénératifs à se mettre en place. Associer paysannerie, vivre-ensemble, régénération des milieux, grande échelle. J’ai l’impression d’être en évolution permanente, en adaptation à chaque seconde, tout en étant de plus en plus sûre du cheminement global de mes réflexions. En ayant confiance en l’inconnu vers où tout cela me mène.
> Claire
> Claire
> Claire
> Tentaculoutre
Nous étions avec l’ami Guigui, passé le crépuscule, attablés dehors dans l’attente d’une fin de cuisson de gâteau au four.
Nous discutions graines d’avenir, collecte de semences, parsemé d’anecdotes sur la magie de cette graine.
Quand a rugi un dragon.
Un bruit lourd, sourd et qui délabrait la nuit de sa caresse de fin d’été.
Puis on l’a vu surgir.
Énorme. Avec 8 yeux lumineux placés au-dessus du front, il hoquetait à vive allure en remontant la route.
Vêtu d’une armure d’écailles métalliques, il a filé devant nous qui étions pétrifiés et soudain muets.
Il est passé sans nous considérer, en traînant derrière lui une queue gigantesque hérissée de 2 rangées de 12 socs.
Nous avons recouvré la parole pour nous étonner de cette apparition incroyable au milieu de la nuit.
Puis dans le lointain nous avons vu briller ses yeux à flanc de coteau tissant des va-et-vient dans un rugissement d’enfer.
> Tentaculoutre
> Tentaculoutre
En cette fin septembre j’ai observé les frelons profiter plus que moi des raisins que j’ai plantés.
Plus que moi, plus vite et de manière plus sélective, plus précise même.
Ils sont nombreux. Très nombreux. Leurs demeures ne doivent pas être loin. J’observe qu’ils sont de plusieurs espèces, je n’ai pas demandé leurs nationalités mais ils ont soit des chaussettes jaunes et un corsage noir, soit un costume noir et rouge ceinturé de bandes jaunes, sans chaussettes. Aux dires des médias racistes et des apilleurs de miel teigneux, c’est leur nationalité qui crée le danger.
Après un vol de reconnaissance, ils s’approchent et se posent sur une grappe, si possible libre de concurrence.
Ils tamponnent grain par grain leurs antennes sur les peaux intactes et roussies de soleil.
À un moment, décidés, ils cisaillent la peau d’un grain de leurs mandibules.
Au même rapport d’échelle c’est comme si j’entaillais une outre fruitière d’un mètre cube pour m’y abreuver.
À partir de là c’est la grande beuverie.
C’est les ferias de Bayonne et la Bierfesten de Munich en simultané.
Ils s’ennivrent du jus des raisins. De MES raisins serait tenté d’affirmer mon homo territorialis intérieur et prédateur.
Ils s’empoignent, se chamaillent, s’abreuvent et repartent en titubant.
Parfois s’effondrent direct au sol.
On dirait un pub Irlandais un soir de tournoi…. des deux nations.
> Tentaculoutre
“Nous manquons de nouvelles manières de raconter le monde. Pour changer la narration du monde, il faut changer notre regard.”
> Olga Tokarczuk
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