5.

Ressentir le monde

Traces compagnonnes

Mois de Juin.
Apogée de la lumière et de l’énergie solaire.
Solstice d’été, le jour le plus long de l’année.
Célébration de Litha le 17 Juin.

Mois de Juin. Apogée de la lumière et de l’énergie solaire. Solstice d’été, le jour le plus long de l’année. Célébration de Litha le 17 Juin.

> Claire

Liens sauvages

> Claire

L’immensité du paysage me coupe le souffle. Depuis le sommet où je me trouve, le monde s’étend. Les montagnes tapissent l’horizon. Pulsations de vie rocailleuses évoluant sur un temps différent du mien. Un temps beaucoup plus long. Et moi, si petite au centre de cela. Où que je pose mon regard, il n’y a que la beauté brute, la beauté parfaite. Pas de superficialité, seulement la perfection de l’écosystème naturel. Antoine est ancré à coté de moi. Le reste des marcheur·ses arrivent. Sourires et plénitude sur chaque visage. L’instant est d’une beauté absolue. Nous sommes en plein séjour Voyage au Coeur du Vivant animé par Antoine et à cet instant précis, mon sens dominant en tant qu’être humaine, la Vue, me donne la chair de poule, transcendant ma vision et me reliant à l’entièreté du Vivant.

Le lendemain, je ferme les yeux et je m’ancre dans mes autres sens : le toucher, l’ouïe, l’odorat, le goût. Pour faire l’expérience d’une autre autre façon d’être au Monde. Pour ressentir le monde comme une multitude de sens en interaction, pas seulement avec la Vue. Pour me réancrer dans mon animalité. 
Je marche à quatre pattes, tout près du sol, pour ressentir chaque ondulation du sol, chaque racine, chaque pierre, chaque corps. Pour abandonner ma supposée supériorité d’individue marchant debout. Pour être au plus près du coeur terrestre qui pulse en profondeur. Je marche, je rampe, je m’arrête. J’évolue doucement mue par la curiosité et le besoin de contact pour comprendre. Le besoin de se mettre en lien pour appréhender le Monde. Doucement, à la juste temporalité. Je ne suis pas en train de courir, je ne peux pas, je ne veux pas. Chaque action est bien trop importante pour la faire de façon précipitée. Le temps n’a pas d’importance. Seul le lien que je tisse est important. 

Je touche et je me laisse toucher. Feuille, écorces, eau, sable, peau. Je caresse amoureusement chaque détail, chaque aspérité, chaque texture, chaque courbe. Je voudrais passer des heures à redécouvrir un visage, un pied, un tronc d’arbre. Ressentir les moindres variations, changements intérieurs que mes caresses provoquent dans le corps de l’autre. Que cela provoque en moi. Chaque effleurement de peau est une invitation à se mette en lien. À couler hors de moi pour se fondre dans l’Autre. Où se situe mon corps et où commence celui de l’autre ? Est-ce réellement important ? La Vue me permet de reconnaitre facilement et rapidement mon propre corps. Et celui de l’Autre. Mais elle induit aussi la séparation. Je vois où je commence et où je finis. Et que ce corps humain, ce tronc d’arbre à coté de moi ne sont, corporellement, pas moi. Se crée alors une rupture. Fermer les yeux sur tout cela pour se remettre en lien. Fermer les yeux pour fondre mon corps dans le corps terrestre global, dans le mycélium des connections, des ressentis. Pour aimer l’entièreté du Vivant.

> Claire

J’ai les pieds dans l’eau. C’est froid, ça coule, ça clapote. C’est mou par endroits. Ça sent la vase et la fraicheur. Je marche le long du ruisseau en suivant la limite soleil-ombre sur ma peau. Un sifflement sur la droite. J’oriente la tête en direction du son, les oreilles aux aguets. J’ai la tête remplie de sons, de vibrations sonores. Le clapotis du ruisseau sous moi, tout proche. Le bruissement du vent dans les feuilles au dessus. Le chant d’un oiseau à ma gauche, quelques mètres plus loin. La respiration d’un autre corps derrière moi. Le silence à ma droite. J’adore ça. Jouer avec les ondes sonores et décider d’en suivre une. Puis la lâcher pour en saisir une autre et me réorienter. Cartographier l’environnement grâce aux informations que me renvoient les sons. Visualiser une image mentale sonore du Monde. Je me sens comme un·e chien·e, en train d’appréhender le monde par les sons. Si j’en rencontrais un·e à cet instant précis, serais-je capable de me relier à iel, d’interagir dans un rapport animal instinctif orienté par l’ouïe? Les voix d’Antoine, Guillaume, Olga nous guident doucement, nous rassemblent, nous protègent. Fragiles que nous sommes, dans ce rapport au monde coupé de la Vue. Gardien·nes du soin de la Tribu, ils nous permettent d’évoluer dans l’environnement en confiance, en jeux, en joie. Mes ressentis s’affinent. Il me semble saisir les présences. Je lâche intégralement le mental et je fais confiance à mon corps pour me guider.
 
Une odeur de banane me remplit les narines. Je saisis avec les doigts le contenu du bol et je le porte à ma bouche. Explosion gustative. Je mâche, émerveillée par le contact de mes doigts sur mes lèvres, par la douceur de la texture du porridge sur ma langue, par l’odeur chaude, fruitée, moelleuse de la banane qui me remplit le nez et le palais. Je savoure chaque bouchée. J’écoute les bruits que font les corps des membres de la Tribu en train de savourer. Le bol finit, je m’en demande pas plus. Je suis presqu’à satiété, entièrement satisfaite, à l’écoute complète de mon corps. Il n’y a pas de place pour la gourmandise, pas de place pour le encore plus, toujours plus. Ressentir cet instant précis où mon corps dit stop, suffisamment rassasié sans se surcharger. La recherche de l’équilibre, la modération, pour pouvoir rester en mouvement. Chaque repas qu’Olga nous prépare est un festival. Nous mangeons au rythme de la course du soleil. Au moment où nos corps ont faim. C’est extrêmement bon. C’est beau. C’est inventif. C’est rempli d’amour. Et c’est vivant. Le repas est un temps bénit. Un moment de remerciements. Un moment de connexion à soi, aux autres, en silence ou dans le partage. Cuisiner pour la Tribu pour offrir soin. Cuisiner comme acte créatif, pour (re)mettre de la beauté dans l’intégralité de tout ce que l’on fait. Cuisiner pour se relier. 

> Claire et Guillaume

J’ai réouvert les yeux sur le Monde. Mon sens visuel est revenu. Une partie de moi est soulagée de son retour. Une partie est presque déçue. Je voudrais continuer à faire l’expérience d’un rapport au monde sans la Vue. Continuer pendant plusieurs jours. En attendant je danse. Les yeux mi-clos. Ou plutôt j’évolue au sein de l’environnement avec des mouvements organiques, libres. Je laisse l’éco-système impulser du mouvement à l’intérieur de moi. Ici et maintenant. Je suis un corps traversé par la Vie. Et ma vie est en relation sensible avec l’ensemble, en rapport corporel intégral, dans un dialogue instinctif. Plus animal, plus fragile, plus harmonieux.

Le soir nous échangeons. Autour du feu, la Tribu raconte ses ressentis, ses expériences, ses apprentissages. Nous racontons des histoires pour se les transmettre. Pour les ancrer hors de nous, dans d’autres corps. Pour continuer de tisser le mycélium des connections. La Tribu est un élément très précieux. Un élément auquel il faut offrir soin. Elle permet de ritualiser les processus, les passages, les célébrations, les partages. De ramener le sens du sacré dans notre rapport au Monde. Les quatre jours du Voyage semblent passer à la vitesse d’une étoile filante tout en durant une éternité. Un instant si fort, si joyeux, si vibrant et qui se pose dans ma vie, durant mon compagnonnage aux Alvéoles, comme une évidence et qui m’émerveille entièrement. 

Cet appel du corps et des sens, de comment percevoir le monde autrement, comment l’habiter en transfigurant ma posture, comment retrouver mon corps animal, comment se relier de façon sensible à l’entièreté du Vivant, et comment incarner tout cela dans ma Vie de tous les jours, tout cela grandit en moi de plus en plus fort. Il y a tellement de choses en train de se passer dans ma vie actuellement, tellement de choses qui font sens, que j’ai l’impression d’être en explosion intérieure, en renaissance totale vers quelque chose d’autre. Tout ce que je vis, tout ce que je ressens, toutes les clarifications, semblent tracer une voie de plus en plus claire qui m’attire, qui m’aspire et au sein de laquelle j’ai la sensation de trouver ma posture, ma justesse, ma permaculture. Alors, je souris au Monde, je garde précieusement en moi tous ces ressentis, toute cette gratitude, toute cette douce chaleur qui se diffuse dans mon corps, toute cette énergie lumineuse et je marche d’un pas confiant vers l’a-venir. 

> Claire

Dans l’énergie de l’Est, l’Eau, je pose l’intention de faire confiance à la Vie, au Vivant en moi. De croire en mes choix, croire aux choses que mon mental ne comprend pas, croire aux attirances, croire en mon corps et mes sens. 

Intentions

> Claire

Dans l’énergie de l’Est, l’Eau, je pose l’intention de faire confiance à la Vie, au Vivant en moi. De croire en mes choix, croire aux choses que mon mental ne comprend pas, croire aux attirances, croire en mon corps et mes sens. 

Dans l’énergie du Sud, le Feu, je pose l’intention d’incarner ma posture, d’incarner ce que je suis, animal sauvage en (re)devenir. De m’engager pleinement. D’être fière. D’être forte.

Dans l’énergie de l’Ouest, la Terre, je pose l’intention de lâcher-prise. De déposer mon mental et mes doutes. De composter mes souffrances, mes croyances, mes blessures. De ne plus avoir peur.

Dans l’énergie du Nord, l’Air, je pose l’intention d’aimer. De m’aimer pour aimer l’entièreté du Vivant. De m’offrir soin. De me respecter. Et de diffuser cette lumière chaude au delà de moi. 

Intentions

> Claire

Dans l’énergie du Sud, le Feu, je pose l’intention d’incarner ma posture, d’incarner ce que je suis, animal sauvage en (re)devenir. De m’engager pleinement. D’être fière. D’être forte.

Dans l’énergie de l’Ouest, la Terre, je pose l’intention de lâcher-prise. De déposer mon mental et mes doutes. De composter mes souffrances, mes croyances, mes blessures. De ne plus avoir peur.

> Claire

« Les choses ne s’accomplissent vraiment que lorsqu’elles sont transmises » 

> Hervé Coves

Devinette sonore

> Tentaculoutre

Indice : Les petits grains sont rouges. Bois et papier les accueillent au sortir des épines. 

Réponse au mois prochain

Réponse du mois précédent :
Écossage de petits pois en kilts assortis s’égrenant dans un cul-de-poule en inox

> Tentaculoutre

Questions de Designs 

> Claire

Je suis assise au coin d’un feu où sont en train de cuire des pommes de terre et des saucisses. Il fait chaud, c’est le début du mois de Juin et la chaleur du feu ajoute à l’atmosphère somnolente qui se répand sur le lieu. Les arbres ont bien changé depuis la dernière fois que je suis venue, en Février dernier. Ils ont des feuilles sur les branches. Un petit renard roux se profile sur la piste et s’approche discrètement attiré par l’odeur de la viande. Thomas nous raconte qu’il le voit presque tous les jours en ce moment. Je suis à Mikinac, avec François et Stephen. Nous sommes de retour sur le lieu de notre séjour d’intégration, sur le lieu où tout à commencé il y a 5 mois. Mais cette fois, nous sommes là pour parler Design. Projet professionnel de Design en Permaculture. Thomas veut aménager sur son terrain, dans sa forêt, une forêt-jardin. Mais pas que. Il voudrait mettre en place des sentiers pour arpenter le lieu et aller à la rencontre de quelques uns des arbres-gardiens. Faire circuler et infiltrer l’eau à travers le paysage. Stocker le précieux liquide dans une mare et un étang à poisson. Relancer le potager. Faire des ouvrages castors dans la combe qui ravine juste au dessus du dojo. Et accueillir des écoles et visites dans un but pédagogique.
 
Quelques semaines plus tard, avec François et Aurélie, je visite le terrain de Catherine à Piégon, dans le sud de la Drôme. Catherine possède un joli terrain déjà bien arboré avec une multitude d’arbres fruitiers et méllifères (abricotiers, pistachiers, chênes truffiers, savonniers, pruniers, oliviers, pins maritimes, tilleuls, noisetiers, grenadiers, mûrier, etc). Une grosse bâtisse en pierres toute rénovée à l’ancienne fait office de maison, lieu d’accueil, salle de danse et performances artistiques. Nous faisons le tour du terrain. La chaleur sèche du sud de la France nous pousse à se faufiler d’ombre en ombre, à se réfugier sous les feuilles du peuple-plantes. La dame et son amie de passage nous détaillent avec précision les moindres détails du lieu. Qu’il est situé sur un point énergétique. Et notamment qu’une « chèvre d’or » aurait été cachée sur le terrain. Peut-être dans la « salle » enterrée au centre du jardin, énorme structure de 300m2 située sous le sol et dont l’accès a été condamné il y a des années. Une salle qui aurait pu servir de cache au château situé juste au dessus sur le haut de la colline. Catherine a une infinité de projets elle aussi. Elle veut densifier le jardin, pour ramener de l’ombre et de la biodiversité. Et faire face aux épisodes de canicule de plus en plus présents. Mais aussi pour avoir une production alimentaire (fruits et fruits à coques) et du bois de chauffage. Mettre en place des parcours de visites dans le jardin avec de petites alcôves abritant des plantes médicinales et aromatiques. Développer un projet collectif et relancer la dynamique artistique.
 
Dans les deux projets, il y a peu d’eau sur le terrain. Et le climat n’est pas spécialement pluvieux. Cultiver l’eau douce semble une évidence. La première des réflexions à mener. La première étape qui conditionnera toutes les autres. Qui permettra ou non d’accomplir les rêves de Thomas et Catherine. Capter, Stocker, Infiltrer, Répartir. Il va falloir observer le terrain, la topographie, la pluviométrie, la présence végétale. Déterminer la capacité de stockage. Réfléchir aux ouvrages à mettre en place. Baissières, mares, citernes, canaux, phytoépuration. Et comment faire circuler l’eau à travers le paysage en la « réutilisant » plusieurs fois. Dans les deux projets, il y a peu d’argent disponible. Peu d’argent pour donner naissance à des rêves qui voient grand. La réflexion sur le modèle économique d’un·e conseiller·ère en Design de Permaculture est très intéressant. Cela donne lieu à de nombreuses discussions entre nous. Comment sortir d’un modèle capitaliste et inventer de nouveaux moyens d’échanges ? Comment trouver un positionnement qui soit juste pour moi et pour le·la client·e ? Comment réussir à maintenir mon éthique, mes valeurs, tout en générant un revenu décent pour vivre ? Comment ne pas travailler que pour des personnes riches et soutenir celleux qui ont peu de moyens ? Ces deux projets de Design sont extrêmement intéressants pour moi, pour de multiples raisons : produire du contenu pour le travail de mémoire de la formation Conseiller·ère en Design à rendre fin 2026, mettre en pratique mes compétences et connaissances, expérimenter sur un terrain, faire l’expérience d’un travail à plusieurs et sur les processus de fonctionnement à mettre en place, alimenter ma curiosité et mon envie de faire, réfléchir sur le rapport à l’argent. Et surtout continuer de cheminer le long de cette magnifique aventure humaine, continuer d’apprendre sur moi, continuer de m’ancrer dans mes ressentis corporels pour trouver les réponses, continuer de diversifier les possibles. 

« La diversification est une puissance native du Vivant »

> Extrait de « Rendre l’eau à la Terre » de Baptiste Morizot et Suzanne Husky

> Claire

Énergie d’éclairs

> Claire

Célébrer la pluie qui tombe, qui nous rafraîchit, qui régénère le sol. La puissance des éclairs qui déchirent le ciel. Être en joie ensemble à partager cette énergie. Cette pulsation électrique intermittente fugace, témoin des forces naturelles du Vivant. Et rire, rire d’émerveillement !   

Création des contenus
Les Traces Compagnonnes est un projet de carnet de bord à double regard réalisé par Claire Blumenfeld et Tentaculoutre.
Dans le cadre du programme Les Compagnon·nes du Vivant
Sur le site des Alvéoles, 26400 Cobonne 
 
Copyright © 2025
Tous droits réservés
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Février 2025

Immersion et début du compagnonnage aux Alvéoles. 

Mars 2025

Entre l’Hiver et le Printemps. Entre questionnements et ressentis.

Avril 2025

Être en recherche d’un rapport corporel sensible au Vivant et faire du vide pour retrouver du sens.

Mai 2025

Relations sensibles, expériences immersives, séjour Erasmus+, parler d’autres langages.

Juin 2025

Voyager au coeur du Vivant, être aligné·e, échanger sur des designs et vibrer intensément.
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