4.

Sensorialités collectives

Collective sensorialities

Traces compagnonnes

Mois de Mai. May.
Belle saison, insouciance et nature en explosion.
Beautiful season, airiness, and nature booming.
Tenue du séjour Erasmus+ aux Alvéoles, du 15 au 24 Mai. 
Erasmus+ program held at Les Alvéoles, from May 15th to 24th.

NB : Cette Trace est écrite en français et anglais. 

Relations sensibles

> Claire

Nous sommes en pleine préparation pour le séjour Erasmus+ qui commence le 15 Mai. Il y a beaucoup à faire et le temps file. Finir de mettre en place les différents chantiers participatifs, récupérer les matériaux, naviguer entre les gouttes, s’occuper des tâches de la pépinière, contenir la progression fulgurante des graminées dans la forêt-jardin, observer les nouvelles sauvages comestibles en fleurs. Et au milieu de tout ça, au milieu de toute cette effervescence, essayer « d’offrir » soin. À moi. Au groupe. Au lieu.
Continuer de discuter et d’échanger sur les thématiques abordées dans les semaines précédentes et qui remuent notre petite tribu de compagnon·nes. Le rapport humain entre nous. La question du « nous ». Le faire ensemble. Les tensions qui réduisent la vision. La préparation intense d’Erasmus+. Les questionnements sur le rapport hiérarchique et sur la notion de propriété. Sur comment appliquer les principes de la Permaculture et de la Permaculture humaine dans la vie de tous les jours. C’est très remuant. Et c’est très enrichissant. 
 
J’arpente le terrain valloné des Alvéoles. En regardant le Vivant autour de moi. Chaque espace renferme des trésors. Chaque brin d’herbe est un monde entier. Là, une Ophrys abeille. Ici, un nid de mésanges. Là-bas des touffes de Lin Vivace. Au coin, une souille à Sangliers. Et puis, devant moi, sur une ombelle, un coléoptère male Oedemera nobilis, aux reflets verts métalliques.

Le lendemain, deux mares et une baissière sont apparues sur le terrain. Encore fraiches. À peine nées. Pas besoin d’être pisteuse pour renifler les traces de la mini-pelle. Quel changement ! Une part de moi est fascinée. Une part de moi est horrifiée. Il n’aura fallu que quelques coups de godets et la puissance du pétrole pour bouleverser tout un écosystème en place. Je sais très bien ce que ces changements vont apporter au terrain. Je visualise sans problème les bienfaits que la collecte de l’eau, son infiltration et sa répartition dans le sol vont générer. Je vois déjà la baissière plantée d’arbres et d’arbustes mellifères et comestibles, les libellules et les plantes d’eau s’épanouissant au sein des deux mares, la fraicheur et la beauté qui s’en dégagera. Je ne doute pas du fait que ces modifications vont enrichir l’écosystème. 
Je doute de l’instantanéité du changement. De l’imposition brutale d’une idée à l’aide de la machine. Je sais très bien que Permaculture ne veut pas dire sans machines. Et que l’outil-machine nous est d’une grande aide. Qu’il permet d’économiser du temps et de protéger les corps. Mais il y a quelque chose qui me dérange de plus en plus dans ce rapport de terraformation rapide du paysage. Encore plus que le fait d’utiliser des ressources non-renouvelables pour faire fonctionner ces machines. C’est le fait de transformer les espaces sans y investir son corps. Sans s’investir corporellement dans la modification. Je pense de plus en plus que pour comprendre l’impact du changement que nous, humain·es, imposons au milieu, il faut le faire à l’aide de son corps. L’utilisation de la machine nous offre la folie de réaliser nos rêves sur un temps très court et sans limites. Mais elle nous dissocie de notre rapport sensible au monde. Nous ne ressentons plus la douleur physique et le temps long que le creusement d’une baissière à la main nécessite. Nous ne voyons plus les multiples habitants plus-qu’humains qui parcourent le sol que nous creusons. Nous ne ressentons plus la joie de faire à plusieurs.

Autour du feu nous discutons. Les yeux dans les flammes jaunes, rouges, blanches, les langues se délient. Le feu fédérateur nous rapproche, nous resserre et les émotions s’offrent dans les dernières lueurs du jour qui s’efface. Du fond de l’intérieur de moi, je parle de mes ressentis. De ce qui me manque. Et de ce que j’aime. De ma gratitude pour ce lieu et ce projet magnifique. De ma conviction d’essayer au maximum de travailler de façon low tech pour respecter le Vivant et construire avec l’écosystème existant. De mon envie de devenir une « facilitatrice des penchants régénératifs des milieux »*. De mes frottements sur le rapport au temps, sur la difficulté de faire les choses avec sens et conscience, sur le précieux facteur humain. Je parle de moi, je parle, moi mais c’est la voix d’un monde en douleur qui s’exprime à travers moi. Au delà de mon propre corps, c’est notre corps terrestre en souffrance qui fait entendre sa voix.

Plus je me confronte à ça et plus je me dis que la dissociation de plus en plus violente que je ressens et qui me déchire en deux n’est rien d’autre que la manifestation du Vivant en moi qui appelle à une reconnexion profonde. À un changement radical. À aller bien plus loin dans nos manières d’être vivants. À réinventer nos rapports aux Mondes. À se reconnecter à l’ensemble de nos sens. À ressentir notre corps commun qui pulse en nous et tout autour de nous. De plus en plus, je voudrais éteindre mon mental et n’être plus qu’un corps instinctif. Fermer les yeux et être dans les sens, ancrée dans mon corps. Redevenir Animal. Redevenir l’animal que je suis avant tout. Briller de toute ma lumière sauvage et de tout mon courage et m’offrir sans peur aux radicalités que cela implique. 

*Extrait de « Rendre l’eau à la Terre » de Baptiste Morizot et Suzanne Husky

Sensitive relations

> Claire

We’re in the midst of preparing for the Erasmus+ stay, which begins on May 15th. There’s a lot to do, and time is running out. Finishing setting up the various workshops, collecting materials, navigating between raindrops, taking care of nursery tasks, containing the rapid growth of grasses in the forest garden, observing the new wild edible plants blooming. And in the midst of all this, in the midst of all this excitement, trying to « offer » care. To myself. To the group. To the place. Continue to discuss and exchange ideas on the themes addressed in the previous weeks and which stir our little tribe of companions. The human relationship between us. The question of « us ». Of doing collectively. The tensions that limit our vision. The intense preparation for Erasmus+. Questions about hierarchical relationships and the notion of ownership. How to apply the principles of Permaculture and Human Permaculture in everyday life. It’s very stirring. And it’s very enriching.

I walk the hilly terrain of Les Alvéoles, observing the Living around me. Every space contains treasures. Every blade of grass is a whole world. Here, a bee orchid. There, a chickadee nest. Over there, clumps of perennial flax. In the corner, a boar pool. And then, in front of me, on an umbel, a male Oedemera nobilis beetle, with metallic green reflections.
The next day, two ponds and a swale have appeared on the land. Still fresh. Barely born. No need to be a tracker to sniff out the traces of the mini-excavator. What a change! Part of me is fascinated. Part of me is horrified. It only took a few scoops and the power of oil to disrupt an entire ecosystem. I know very well what these changes will bring to the land. I can easily visualize the benefits that water collection, infiltration, and distribution in the soil will generate. I can already see the swale planted with melliferous and edible trees and shrubs, the dragonflies and aquatic plants thriving in the two ponds, the freshness and beauty that will emanate from them. I have no doubt that these modifications will enrich the ecosystem.
I doubt the instantaneity of change. The brutal imposition of an idea with the help of machines. I know very well that Permaculture doesn’t mean doing without machines. And that the machine-tool is a great help to us. It saves time and protects our bodies. But there is something that bothers me more and more about this rapid terraforming of the landscape. Even more so than the fact of using non-renewable resources to operate these machines. It is the fact of transforming spaces without investing your body in doing it. Without physically investing the body to do the change. I increasingly believe that to understand the impact of the change that we, humans, impose on the environment, we must do so with our bodies. Using machines offers us the madness of realizing our dreams in a very short time and without limitations. But it separates us from our sensitive relationship with the world. We no longer feel the physical pain and the long time required to dig a swale by hand. We no longer see the multiple, more-than-human inhabitants who roam the ground we dig. We no longer feel the joy of working together.

Around the fire, we talk. Gazing into the yellow, red, and white flames, tongues loosen. The unifying fire brings us closer, tightens our bonds, and emotions are revealed in the last glimmers of the fading day. From the depths of my being, I talk about my feelings. About what I miss. And what I love. Of my gratitude for this place and this magnificent project. Of my conviction to work as much as possible in a low-tech way to respect the Living and build with the existing ecosystem. Of my desire to become a « facilitator of natural regenerative inclinations of ecosystems »*. Of my conflicted relationship with time (thinking long term vs short term), the difficulty of doing things with meaning and awareness, and the Precious Human Factor. I speak of myself, I speak, but it is the voice of a world in pain that expresses itself through me. Beyond my own body, it is our suffering earthly body that makes its voice heard.

The more I confront this, the more I realize that the increasingly violent dissociation I feel, which tears me in two, is nothing other than the manifestation of the Living within me, calling for a profound reconnection. For a radical change. To go much further in our ways of being alive. To reinvent our relationships with Earth and with every living things. To reconnect with all of our senses. To feel our common body pulsing within us and all around us. More and more, I would like to turn off my mind and be nothing more than an instinctive body. Close down my eyes and be in my senses, anchored in my body. To become Animal again. To become the animal that I am above all else. To shine with all my wild light and all my courage and offer myself fearlessly to the radicalities that this implies.

*Excerpt from « Rendre l’eau à la Terre » by Baptiste Morizot and Suzanne Husky

NB : What I call the « Living »refers to the living ecosystem all around. This is different from the concept of « nature » which tends to separate humans from the rest of the living beings (plants, insects, animals, etc). The term « Living » is more connected to the idea of natural life force that connects us all, all living beings. 

> Claire

“The future depends on our ability to radically transform the way our species views itself and what it calls nature. To do this, we must generate not only new knowledge, but also a new structure of thought and even a new language”.

> Excerpt from « Banzeiro Okoto, the Amazon as the center of the world » by Eliane Brum

“L’avenir dépend de notre capacité à transformer radicalement le regard que notre espèce porte sur elle-même et sur ce qu’elle appelle la nature. Pour ce faire, nous devons générer non seulement d’autres connaissances mais aussi une autre structure de pensée et même un autre langage”.

> Extrait de « Banzeiro Okoto, l’Amazonie, le centre du monde » de Eliane Brum

Devinette sonore
Sound riddle

> Tentaculoutre

Indice : les petits poissons pas rouges 
Clue: small green circles

Réponse au mois prochain
Answer next month

> Claire

Castors

> Tentaculoutre

Ce mois de mai fût marqué par ce rêve d’Europe.
Un rêve collectif.
Où des chercheureuses d’or bleu qu’on appelle l’eau verte ont côtoyé des apprentis castors bipèdes.
Elles cherchaient de l’or.
De l’or bleu.
De l’or bleu qu’on appelle l’eau verte.
Elles, et ils aussi, ont creusé la terre, proche d’un ru. Un fossé qui charrie un gros filet jusqu’à quelques jours après la pluie.
Elles et ils ont rêvé de retenir l’eau, de retarder sa course vers la mer. Pour qu’elle prenne le temps de ralentir, elle aussi. De ralentir et s’infiltrer.
Pour que cette eau abreuve encore plus d’êtres, pour encore plus de vie.
Elles et ils se sont dénationalisées en peuple Castor.
Nous (et oui j’en étais) avons tenté d’imiter la géo-ingénierie HQE de ce discret mammifère.
Discret par ses apparitions, il ne brille pas sous le feu des projecteurs. Humble par son ouvrage et grandiose par les conséquences de son ouvrage.
Nous étions un poulpe qui mime le castor.
Je me suis toujours reconnu castor.
Quand j’avais 6 ans, mes parents ont commencé à construire la maison “castors de l’ouest”, qui m’a abrité jusqu’à ma majorité, où ma mère habite encore aujourd’hui.
Une maison castor en pleine zone humide, la Brière, deuxième plus vaste étendue humide située sur ce bout de territoire qu’il est coutume d’appeler la France. Entre les estuaires de la Loire et de la Vilaine.
Pendant des années j’ai vu devant la maison le panonceau légaliste de permis de construire attribué aux castors de l’ouest, avec un dessin d’un castor bipède avec un casque de chantier vissé sur la tête, ses deux imposantes quenottes souriaient en nous regardant.
Vêtu d’une salopette bleue de chantier, un crayon taillé derrière l’oreille, il portrait un carnet de maître d’oeuvre et un outil qui changeait selon le support où était apposé ce logo. Je crois me souvenir que sur le panneau en question il portrait une truelle.
Il était présent également sur le ruban pare-soleil qui ornait le pare-brise de notre Renault 18 beige.
Et sur le bleu de travail de mon père. Et sur le niveau à bulles….
Bref j’ai grandi et ai vu mon abri se bâtir avec son image et sa symbolique présentes partout.
Les castors bipèdes m’ont vu grandir et 40 ans plus tard, je rejoue, avec d’illustres inconnues parlant sept langues, à faire des embâcles dans des cours d’eau.
Et j’ai aimé cette fratrie de castors polyglottes.
Beavers

> Tentaculoutre

This month of May was marked by this dream of Europe.
A collective dream.
Where prospectors of blue gold, called green water, rubbed shoulders with apprentice bipedal beavers.
They were looking for gold.
Blue gold.
Blue gold, called green water.
They, too, dug the earth near a stream. A ditch that carried a large trickle until a few days after the rain.
They dreamed of holding back the water, of slowing its course towards the sea. So that it too would have time to slow down. To slow down and infiltrate.
So that this water would water even more beings, for even more life.
They denationalized themselves as the Beaver people.
We (and yes, I was one of them) tried to imitate the HQE geoengineering of this discreet mammal. Discreet in his appearances, he doesn’t shine in the spotlight. Humble in his work and grandiose in its consequences.
We were an octopus imitating the beaver.
I always recognized myself as a beaver.
When I was 6 years old, my parents began building the « Western Beavers » house, which housed me until I came of age, where my mother still lives today.
A beaver house in the heart of the wetland, the Brière, the second largest wetland located in this part of the country commonly called France. Between the Loire and Vilaine estuaries.
For years, I saw in front of the house the legal building permit sign granted to the Western Beavers, with a drawing of a bipedal beaver with a construction helmet screwed onto its head, its two imposing teeth smiling as it looked at us.
Dressed in blue construction overalls, a sharpened pencil tucked behind his ear, he carried a project manager’s notebook and a tool that changed depending on the surface on which this logo was affixed. I seem to remember that on the sign in question, he depicted a trowel.

It was also present on the sun visor ribbon that adorned the windshield of our beige Renault 18.
And on my father’s overalls. And on the spirit level…
In short, I grew up and saw my shelter being built with his image and symbolism everywhere.
The bipedal beavers saw me grow up, and 40 years later, I am still playing, with illustrious strangers speaking seven languages, at making logjams in rivers.
And I loved this brotherhood of multilingual beavers.

> Chantier Eco-construction durant Erasmus+ 2025 aux Alvéoles – Tentaculoutre
> Eco-construction workshop during Erasmus+ 2025 at Les Alvéoles – Tentaculoutre

“Certaines connaissances ne sont accessibles
“Some knowledge is only accessible
qu’à travers l’expérience incarnée”
through embodied experience”

> Extrait de « Banzeiro Okoto, l’Amazonie, le centre du monde » de Eliane Brum
> Excerpt from « Banzeiro Okoto, the Amazon as the center of the world » by Eliane Brum

Mycelium permacole

> Claire

Des visages inconnus se profilent dans mon champ de vision. Ça parle anglais, ukrainien, lithuanien, portugais. Les premiers participant·es du séjour Erasmus+ sont arrivé·es. Les langues se mélangent. Les tentes s’installent. Belges, Grecs et Italiens arrivent aussi. Une vingtaine de personnes venues de six pays viennent enrichir notre petite équipe de compagnon·nes pour une douzaine de jours. Une douzaine de jour avec pour objectif d’échanger des connaissances et savoir-faire entre différents pays sur les thématiques liées à la régénération des écosystèmes via l’agroécologie, la permaculture, l’hydrologie régénérative, l’éco-construction, l’intelligence collective, la permaculture humaine et la vie collective.

C’est la première fois que Les Alvéoles organise un séjour Erasmus+. Celui-ci devait avoir lieu l’année dernière mais pour de multiples raisons, il a été décalé à cette année. Ce qui m’offre l’occasion d’y participer. Dans le cadre du compagnonnage, il nous a été proposer en février de participer au séjour et de faire partie de l’équipe encadrante. Encadrer les chantiers participatifs, proposer des ateliers et activités et « offrir soin » à la membrane. Offrir une présence et du soin au cercle, à la Tribu réunie pour un temps. Bien sûr, j’ai dit oui. 

Élodie, Conseillère en Design de Permaculture issue de la promo de l’année dernière est notre phare, nos racines. Elle a coordonné toute la préparation, logistique et échanges préalables avec les participant·es et c’est elle qui gère la coordination globale du séjour, épaulée par François P. à la logistique. Aurélie, Esmée et François G. s’occupent du chantier Wicking Beds et Air-Prune Beds. Deux techniques de pépinière permettant de cultiver en jardinières en économisant l’eau et en faisant pousser des plantes avec des systèmes racinaires en pleine forme. Antoine s’occupe du chantier d’aménagement de la mare en contrebas du Jardin des Vignes. Stephen et Pascale gèrent la mise en place d’ouvrages castors sur le petit ru qui traverse le terrain des Alvéoles. Je m’occupe du chantier éco-construction avec la création d’un local isolé en bottes de paille et enduits terre pour venir stocker les extraits fermentés, graines et greffons. Guillaume s’occupe des visites et des ateliers potager. Nous proposons également des ateliers lors des après-midis avec notamment une Initiation à la Permaculture, un atelier sur le Sol et les Plantes, des séances de Potager, une visite du terrain des Alvéoles et une initiation à la Gestion de l’Eau. 

Les journées se déroulent dans une dynamique collective mouvante rythmée par une énergie positive et une intelligence collective. Immersion en tente, météo interne, energizers, chantiers participatifs, repas végétariens, temps de soin du lieu, jeux, ateliers, méditation, cercles de paroles, échanges, baignade dans la Drôme, balade dans les environs, présentation des partenaires, chants, danse Grecque, guingettes, sauna, soirées dans la serre… Partout des regards qui pétillent, des rires, de la joie. Je me sens en vacances. Je me sens dans un rêve. Chaque jour est une pépite. Bien sûr il y a quelques « cailloux » mais la puissance de ce qui se déroule ici est bien trop importante pour que j’accorde beaucoup d’intérêt aux détails qui grincent. Je note dans la marge de mon carnet mental les détails à améliorer et à revoir et je lâche-prise. Etre là, juste là, à profiter de cette parenthèse enchantée. 

Ce séjour Erasmus+ me procure un lien évident avec l’apprentissage permacole et la Formation Conseillère en Design de Permaculture que je fais aux Alvéoles depuis Février. J’apprends énormément sur moi et je mets en pratique mes compétences. Je travaille ma posture de facilitation, d’encadrement, de transmission. Je ressens ce que j’aime et ce qui me repousse. Chaque moment est un enseignement. Mains dans la terre au contact de la matière, j’observe, j’apprends, je transmet. L’argile qui sert à faire les enduits pour le local de stockage des extraits fermentés sert à monter des ouvrages castors sur le ru en contrebas. Après avoir lu il y a quelques mois l’ouvrage de Baptiste Morizot et Suzanne Husky « Rendre l’eau à la Terre », voir des ouvrages castors se construire sur le terrain des Alvéoles par une équipe multiculturelle évoque quelque chose de très fort en moi. Dialoguer avec le milieu, voir par les yeux des castors, vibrer ensemble à la vision de l’eau qui réapparaît. La puissance du Vivant en nous qui nous relie, bien au delà de nos différences. Sur l’atelier Wicking Bed et Air Prune Bed, un empuissancement féminin se joue. Dans la mare en contrebas, une mosaique en pierres se dessine dans le sol. Je n’ai pas la possibilité de participer à toutes les activités mais ce n’est pas grave. Les nouvelles·aux ami·es me racontent, me transmettre leur expériences. Les affinités se créent, les liens se tissent. 

Chaque groupe de participants par pays présente la structure partenaire qu’il représente (Regen pour l’Italie, Southern Lights pour la Grèce, HortaFCul pour le Portugal, GEN Ukraine pour l’Ukraine, Community of Kardokai pour la Lithuanie et Fais le toi même pour la Belgique). Les projets sont déjà bien implantés et offrent des retours concrets très précieux. Ecolieux, Communautés autonomes, Permaculture en ville, forêt Miyawaki au sein d’une université, tout est extrêmement intéressant et enrichissant. Le soin mis sur l’accueil et l’hospitalité est au coeur de notre démarche afin que tout le monde puisse transmettre et enrichir le contenu des journées. Chacun parle depuis le centre de son monde. Chacun parle avec sa sensibilité. Ces échanges culturaux m’apportent un énorme plus sur le ressenti de l’expérience. 

J’ai toujours aimé ça les échanges interculturaux. Les accents qui chantent, les mots parlés dans une autre langue, les gestes et les regards pour se comprendre. Depuis que je suis revenue de mes quatre ans de voyage à l’étranger fin 2018, cela me manque énormément. Alors avoir ici, aux Alvéoles la possibilité de rencontrer et d’échanger avec des personnes issues d’autres cultures, cela me met en joie. Plus de diversité, plus de points de vue, plus de possibilités. Avoir cette impression incroyable de retrouver « la tribu », les âmes soeurs venues d’ailleurs et pourtant si proches. Par delà les cultures, les frontières, le mycelium des connections s’étend et nous pulsons ensemble au rythme de nos chants.  

J’ai à peine le temps de commencer à découvrir la profondeur des membres de la Tribu qu’il faut se quitter déjà. Les douze jours sont déjà finis. Le retour à la réalité est brutal. Je me questionne sur la durée du séjour. Comment vivre et intégrer l’éthique de la Permaculture et ses principes sur un temps aussi court ? Est-ce seulement possible ? Est-ce simplement un moment hors du temps ? Est-ce une première rencontre qui en présage d’autres ? La courte durée du séjour crée l’intensité des relations et des partages. Et le jet-lag qui va avec. Mais je ressors de cette aventure collective heureuse et enrichie. À l’intérieur de moi, des choses ont bougé, des interrogations ont trouvé des réponses. Une envie qui ne m’a jamais vraiment quitté depuis que je suis rentrée en France, et que j’ai mis de coté ces dernières années, est revenue en force. L’envie, l’évidence de reprendre la route, de vadrouiller sur les chemins du Monde à la découverte d’écolieux, de lieux en Permaculture, d’imaginaires utopiques concrets, d’apprentissages partagés. Aller voir les projets des ami·es. Apprendre auprès d’autres. M’offrir le temps de goûter à une diversité de possibles, de butiner tel un papillon qui s’enivre de multiples nectars. La Vie me remet toujours sur le cheminement que je dois suivre, je n’ai qu’à lâcher-prise. 

Permaculture mycelium

> Claire

Unfamiliar faces appear in my field of vision. They speak English, Ukrainian, Lithuanian, and Portuguese. The first Erasmus+ participants have arrived. Languages are mixing. Tents are being set up. Belgians, Greeks, and Italians are also arriving. About twenty people from six countries are joining our small team of companions for a dozen days. The goal of these twelve days is to exchange knowledge and know-how between different countries related to ecosystem regeneration through agroecology, permaculture, regenerative hydrology, eco-construction, collective intelligence, human permaculture, and community living.

This is the first time that Les Alvéoles is organizing an Erasmus+ stay It was supposed to take place last year, but for various reasons, it was postponed at this year. This gives me the opportunity to participate. As part of the compagnion program, we were offered the opportunity in February to participate to Erasmus+ and be part of the support team. Supervising workwhops, do activities, and « give care » to the membrane. We would offer a presence and care to the circle, to the Tribe gathered for a time. Of course, I said yes.

Élodie, a Permaculture Design Advisor from Les Alvéoles last year’s class, is our guiding light, our roots. She coordinated all the preparation, logistics, and preliminary discussions with the participants, and she manages the overall coordination during the stay, supported by François P. for logistics. Aurélie, Esmée, and François G. are in charge of the Wicking Beds and Air-Prune Beds workshop. These are two nursery techniques that allow to grow plants while saving water and with healthy root systems. Antoine is in charge of the pond workshop below the Jardin des Vignes. Stephen and Pascale are managing the installation of beaver structures on the small stream that crosses the Alvéoles grounds. I am in charge of the eco-construction workshop (creating an insulated shed made of straw bales and earth plaster to store fermented extracts, seeds, and grafts). Guillaume is in charge of the vegetable garden workshop and tours. We also offer activities as an Introduction to Permaculture, a Soil and Plants course, Vegetable Garden sessions, a tour of the Alvéoles grounds, and an introduction to Water Management.

The days unfold in a dynamic, collective atmosphere punctuated by positive energy and collective intelligence. Tent immersion, internal weather, energizers, workshops, vegetarian meals, SEVA times, games, meditation, speaking circles, discussions, swimming in the Drôme, walks in the surrounding area, partner presentations, songs, Greek dancing, « guinguette », sauna, evenings in the greenhouse… Sparkling eyes, laughter, joy everywhere. I feel like I’m on vacation. I feel like I’m in a dream. Every day is a « pépite ». Sure, there are a few « cailloux, » but the power of what’s happening here is far too great for me to pay much attention to the scratching details. I jot down in the margins of my mental notebook the details that need improvement and review, and I let go. Just being here, just here, enjoying this enchanted interlude.

This Erasmus+ stay offers me a clear connection to the permaculture learning and the Permaculture Design Advisor Training I have been doing at Les Alvéoles since February. I am learning a lot about myself and putting my skills into practice. I am working on my facilitation, coaching, and transmission posture. I am feeling what I like and what repels me. Every moment is a teaching. Hands in the earth in contact to the matter, I observe, I learn, I transmit. The clay used to make the coatings for the fermented extract storage area is used to build beaver structures on the stream below. After reading Baptiste Morizot and Suzanne Husky’s book « Giving Water Back to the Earth » a few months ago, seeing beaver structures being built on Les Alvéoles land by a multicultural team evokes something very strong in me. Dialogue with the environment, seeing through beavers’ eyes, vibrating together at the sight of the water reappearing. The power of the Living within us that connects us, far beyond our differences. At the Wicking Bed and Air Prune Bed workshops, a female empowerment is at play. In the pond below, a stone mosaic is taking shape in the ground. I don’t have the opportunity to participate in all the activities, but that doesn’t matter. New friends tell me about their experiences and share their stories. Connections are formed, bonds are forged.

Each group of participants, per country, presents the partner organization they represent (Regen for Italy, Southern Lights for Greece, HortaFCul for Portugal, GEN Ukraine for Ukraine, Community of Kardokai for Lithuania, and Fais le toi-même for Belgium). Projects are already well established and offer valuable, concrete feedback. Ecovillages, Autonomous Communities, Urban Permaculture, Miyawaki Forest within a university—everything is extremely interesting and enriching. Welcoming and hospitality care is at the heart of our approach so that everyone can share and enrich the content of the days. So everyone speaks from the center of their world. Everyone speaks with their own sensitivity. These cultural exchanges bring for me a huge plus about the appreciation of the experience.

I have always loved intercultural exchanges. Accents that sing, words spoken in another language, gestures and glances that help us understand each other. Since returning from my four years of traveling abroad at the end of 2018, I have missed it enormously. So, having the opportunity here at Les Alvéoles to meet and interact with people from other cultures fills me with joy. More diversity, more points of view, more possibilities. Having this incredible feeling of reuniting with « the tribe, » kindred spirits from elsewhere yet so close. Beyond cultures and borders, the mycelium of connections expands, and we pulse together to the rhythm of our songs.

I barely have time to begin to discover the depth of the Tribe’s members that it is time to say goodbye. The twelve days are already over. The return to reality is brutal. I question the length of the stay. How can one live and integrate the ethics of Permaculture and its principles in such a short time? Is it even possible? Is this stay simply a moment outside of time? Or a first encounter that heralds others? The short duration of the stay creates the intensity of the relationships and sharing. And the jet lag that goes with it. But I come out of this collective adventure happy and enriched. Inside me, things have moved, questions have found answers. A desire that has never really left me since I returned to France, and that I put aside in recent years, has returned in force. The desire, the obviousness of hitting the road again, of wandering the roads of the World to discover eco-places, Permaculture sites, concrete utopian imaginaries, shared learning. To go see friends’ projects. Learn from others. To give myself the time to taste a diversity of possibilities, to forage like a butterfly feeding on multiple nectars. Life always puts me back on the path I must follow, I just have to follow it. 

> Claire

“Rendre l’eau à le terre,
“Returning water to the earth,
restituer de l’espace aux rivières,
restoring space to rivers,
c’est un chemin pour renforcer la résilience de la vie
is a way to strengthen the resilience of the life
qui nous abrite face au désert qui vient”
that shelters us in the face of the coming desert.”

> Extrait de « Rendre l’eau à la Terre » de Baptiste Morizot et Suzanne Husky
> Excerpt from « Rendre l’eau à la Terre » by Baptiste Morizot and Suzanne Husky

> Activités liées à l’eau durant Erasmus+ 2025 aux Alvéoles – Tentaculoutre
> Water management activities while Erasmus+ 2025 at Les Alvéoles – Tentaculoutre

Voix du coeur
Voices of the Heart

> Claire

NB : Le son n’est pas très bon mais tans pis, ce n’est pas ça qui est important.
NB : The sound isn’t very good, but oh well, that’s not what matters.

Parler et chanter. En Ukrainien, Italien, Grèque, Portugais, Français, Anglais, Lithuanien. Pour parler de nos différences, de nos similarités. Parler pour enseigner, pour partager nos savoirs. Chanter pour se retrouver, par delà les cultures et les frontières. Chanter pour vibrer à l’unisson. Un seul coeur, une respiration commune, qui pulse, au rythme de la vie.

Speaking and singing. In Ukrainian, Italian, Greek, Portuguese, French, English, and Lithuanian. To talk about our differences and our similarities. Speaking to teach, to share our knowledge. Singing to connect, across cultures and borders. Singing to vibrate in unison. One heart, one shared breath, pulsing, to the rhythm of life. 

Être lierre · To be Ivy

> Tentaculoutre

L’être à deux mains
The two-handed being
Naître quelque part
Be born somewhere
Sous un perchoir où un merle se sera délesté
Under a perch where a blackbird will have shed its load
Puis courir vers l’ombre guidé par mes trois museaux
Then run toward the shade guided by my three snouts
Ramper, me faufiler vers l’ombre
Crawl, slip toward the shade
Avec l’assurance d’y trouver un soutien pour grimper vers la lumière
With the assurance of finding support there to climb toward the light
Caresser les écorces et les murs
Caress the bark and the walls
Préférer les rugueuses aux lisses
Prefer the rough ones to the smooth ones
Offrir abri et protection, à mon soutien comme aux escargots
Offer shelter and protection, to my support as to the snails
Être le dernier à nourrir abeilles, merles et étourneaux
Be the last to feed the bees, blackbirds, and starlings
Le dernier dans la saison à offrir mes fleurs et mes fruits
The last in the season to offer my flowers and my fruits
Être lierre pour nourrir demain de mes présents
Be ivy to nourish tomorrow with my presents
Avoir des racines ténues
Have tenuous roots
Parfois très loin de ma tête
Sometimes very far from my head
Rester discret l’été
Remain discreet in the summer
Pour l’hiver venu briller sous tous les regards
For winter to come and shine under all eyes
Les béats comme les suspicieux
The blissful as well as the suspicious. 
Être soupçonné de mille superstitions
To be suspected of a thousand superstitions
De déchausser, de soulever, d’arracher, d’étouffer
Of taking off, of lifting, of tearing off, of suffocating
De décoller
Of taking off
Alors que je décolle, oui, mais pas les enduits crépis d’obsolescence
As I take off, yes, but not the plastered coatings of obsolescence
Je décolle avec l’humilité de l’humus vers les canopées
I take off with the humility of humus towards the canopies
Alors je perds deux de mes trois museaux pour ne plus renifler que vers le haut
So I lose two of my three snouts to sniff only upwards
Renifler l’eau de l’air et la condenser en gouttelettes
Sniff the water in the air and condense it into droplets
Pour abreuver mon soutien
To water my support
Et danser avec l’arbre que j’étreins
And dance with the tree I embrace

> Tentaculoutre

To all the wonderful souls who participated in the Erasmus+ program, thank you!
Thank you for your sharing, your sensitivity, your teachings, and your laughter. The connection has been created. Let’s weave these permaculture connections around the world!

À toutes les magnifiques âmes qui ont participé au séjour Erasmus+, Merci ! 
Merci pour vos partages, vos sensibilités, vos enseignements et vos rires. Le lien est créé. Tissons ces liens permacoles à travers le monde !

> Kevin Simon

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Les Traces Compagnonnes est un projet de carnet de bord à double regard réalisé par Claire Blumenfeld et Tentaculoutre.
Dans le cadre du programme Les Compagnon·nes du Vivant
Sur le site des Alvéoles, 26400 Cobonne 
 
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Tous droits réservés
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Février 2025

Immersion et début du compagnonnage aux Alvéoles. 

Mars 2025

Entre l’Hiver et le Printemps. Entre questionnements et ressentis.

Avril 2025

Être en recherche d’un rapport corporel sensible au Vivant et faire du vide pour retrouver du sens.

Mai 2025

Relations sensibles, expériences immersives, séjour Erasmus+, parler d’autres langages.
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