Entre traditions et modernité. Voyage au Japon de Novembre 2015 à Avril 2016.

Yakushima, dans les pas de Miyazaki

Visite de l’île de Yakushima, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco et source d’inspiration pour Hayao Miyazaki.
13 janvier 2016
Yakushima, Japon © Claire Blumenfeld
CARNET

Mardi 5 Janvier, de bon matin, un ferry me transporte en quatre heures à soixante kilomètres au sud de Kyûshû, sur l’île de Yakushima. Située dans l’archipel d’Ôsumi, l’île est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1993. L’environnement de Yakushima a grandement inspiré Hayao Miyazaki pour la réalisation de Princesse Mononoké. Yakushima est principalement composée de montagnes couvertes d’une luxuriante forêt primaire abritant un nombre impressionnant de “sugi”, cèdres japonais, appelés “yakusugi”, dont certains sont millénaires. Le cèdre le plus ancien et le plus connu de Yakushima est situé au centre de l’île, à une dizaine d’heure de randonné. Appelé “Jômon sugi”, il aurait d’après la légende environ 7000 ans, (d’après les estimations scientifiques : 2300 ans) et daterait donc de la période Jômon. La période Jômon couvre la préhistoire du Japon allant de 15000 à 300 ans av. J.C.

La nature à Yakushima est particulièrement abondante : de nombreuses fleurs, des centaines de mousses rares, 1900 espèces et sous-espèces végétales… Tout ce foisonnement résulte du fait que l’île est l’un des plus endroits les plus humides du Japon. Il y pleut presque tous les jours. Un proverbe local dit même “qu’il pleut 35 jours par mois à Yakushima”. Cela s’avère vrai puisque j’arrive sous un ciel gris et une atmosphère humide. Je fais un petit tour dans le village portuaire de Miyanoura situé sur la côte nord de l’île et lieu où se situe mon auberge. Le ciel se fait menaçant mais je décide quand même d’aller voir la plage de Inaka-hama, située sur la côte nord-ouest. Entre mai et juillet, la plage est remplie de tortues de mer venues pondre leurs oeufs. Il me faut une petite heure en bus pour rejoindre la plage et je les passe à discuter avec le très sympathique chauffeur de bus, Keiji. Une cinquantaine d’années, tout souriant et plein d’entrain ! J’arrive à la plage en fin d’après-midi, sous un temps vraiment maussade. Mais cela n’enlève rien à la beauté du lieu. Atmosphère paisible, gargouillis des oiseaux, sable blanc, eau bleue turquoise, palmiers et coquillages, un vrai paradis. J’arpente la plage à la recherche de coquillages, me balade autour du ryokan Soyotei, auberge traditionnelle toute de noir vêtue, à l’architecture fascinante (des pierres blanches sont posées sur les toits contrastant avec le noir des murs) et passe un long moment à fixer la mer. Je m’y sens parfaitement bien. Hélas, la nuit tombe et il faut rentrer. Retour en bus de nouveau avec Keiji et passage au seul supermarché du coin pour acheter mes repas pour les jours à venir.

Le lendemain c’est la catastrophe. Une pluie torrentielle s’est abattue sur Yakushima. J’ai beau fixer le ciel d’un air implorant, cela n’a pas l’air de vouloir s’arrêter. La déprime. Moi qui avait prévu d’aller faire une randonnée dans les montagnes ! Je me décide quand même à affronter la pluie et mets le cap sur Anbo au sud-ouest de l’île afin d’aller voir le Botanical Research Park. Mon désormais chauffeur attitré, Keiji, me dépose à Anbo, une heure plus tard sous des trombes d’eau. Je fais un tour rapide de la ville sans trouver de quoi manger puis reprend le bus qui me dépose vingt minutes plus tard, affamée devant le jardin botanique. Je prends mon ticket et demande à la dame tenant le guichet si je peux trouver quelque chose à manger dans le coin. Le jardin étant situé au milieu de nul part, j’ai quelques inquiétudes. Heureusement, elle m’indique une minuscule gargotte de l’autre coté de la route. Deux vieilles mamies me préparent le seul plat disponible : des udons. Pâtes épaisses préparées avec de la farine de blé tendre, je n’en avais encore jamais mangé. Accompagnés de légumes en tempura (beignet frit) et d’onigiri (boulettes de riz), c’est un régal ! Elles m’offrent une orange gigantesque que j’emporte avec moi. Le ventre plein, je m’attaque à la visite du jardin. Celui-ci est une petite merveille, rempli de plantes et de fleurs toutes plus belles les unes que les autres : des bananes, des papayes, du litchi, de la goyave, du café, des hibiscus, des bougainvilliers, des oranges, des pommes, des noix de coco… Tout n’est pas en fleur mais ce que je vois est un régal pour les yeux!

La vue sur les montagnes depuis le jardin botanique est impressionnante : couvertes de brume, elles donnent l’impression d’une barrière infranchissable. En revenant à l’entrée du jardin, j’ai droit à un petit “goûter” composé des fruits du jardin : ananas, orange, fruit de la passion et de la chair de feuilles de cactus (si je ne me trompe pas) à la sauce soja. Gluante, collante et sans goût particulier,  la chair de cactus a un peu de mal à passer. Retour à Miyanoura sous une pluie qui n’en fini jamais.

Le lendemain, jeudi 7 Janvier, la pluie s’est heureusement arrêtée mais le soleil est toujours aux abonnés absents. Tant pis, c’est mon dernier jour sur Yakushima et je vais voir ce pour quoi je suis principalement venue : la forêt de Shiratani Unsui-kyō (qui signifie “gorge d’eau et de nuage de Shiratani”), lieu ayant inspiré Miyazaki pour les environnements de Princesse Mononoké. La forêt est même surnommée depuis “Mononoke-hime no mori” (“la forêt de Princesse Mononoké“). Je me ballade les yeux éblouis par tant de verdure, de mousse et de racines. Une vrai jungle ! Quelques fugaces rayons de soleil rendent les yeux véritablement éblouissants. Quel dommage qu’il fasse gris ! De vieux cèdres japonais parsèment la forêt. Je ne pousse pas jusqu’au très connu “Jômon sugi” (la randonnée durant plus de neuf heures, je ne peux pas la faire), mais je me rends quand même au pied du vénérable “Yayoisugi”, 3000 ans. De curieux arbres aux troncs de couleur orangée, appelés Himeshara contrastent avec le vert dominant. Apparemment leur sève est froide et il est recommandé de serrer l’arbre dans ses bras lorsque l’on a trop chaud. Le temps étant plutôt froid, je n’ai pas l’occasion de tester. En me baladant parmi la forêt, des images de Princesse Mononoké me reviennent à l’esprit.

Au sommet du Taikoiwa rock, la vue sur le centre de Yakushima est époustouflante. Les quelques rayons de soleil éclairent les crêtes au loin en les transformant en dégradés d’ombres et de lumières. Je reste un long moment malgré le vent froid à apprécier le paysage, avant de redescendre.

J’ai d’ailleurs revisionné Princesse Mononoké il y a quelques jours. Chef-d’oeuvre absolu qui n’a pas pris une ride et au propos très actuel, on retrouve dans le film l’influence de Yakushima. Certains plans ressemblent vraiment aux lieux dans lesquels je suis allée me balader : la vision de la forêt remplie de mousse, les vieux arbres majestueux, la vue sur la montagne et les crêtes… Je vous ai fait quelques captures d’écrans pour illustrer.

Mes trois jours sur l’île auront passé bien vite, malgré le mauvais temps. Vendredi 8 Janvier, je quitte Yakushima de nouveau sous la pluie, pour rejoindre Tanegashima, autre île de l’archipel d’Ôsumi, se situant à quelques kilomètres à l’est de Yakushima et hébergeant une des principales base de lancement des fusées japonaises. Direction l’espace !

Captures d'écran du film Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki
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