Apprentissages en pays tranquille. Treize mois, de Mai 2016 à Juin 2017 en Australie et Nouvelle-Zélande.

Le Kepler Track, à l’assaut des sommets

Première Great Walks en Nouvelle-Zélande. Quatre jours de randonnée à travers les paysages variés du Fiordland.
18 octobre 2016
Kepler Track dans le Fiordland, Île du Sud, Nouvelle-Zélande © Claire Blumenfeld
CARNET

De retour de Queenstown, je passe la fin de semaine dans ma ferme laitière, appréciant mes derniers instants en compagnie des vaches. Soirée barbecue (mon premier barbecue Kiwi) pour célébrer mon départ. Chloé, la petite de sept mois est sur le point de commencer à marcher à quatre pattes. Il lui reste quelques heures avant mon départ pour réussir ! Lundi 26 Septembre, Julie m’emmène, accompagnée des trois enfants, à Te Anau dans la maison de ses parents, Jill et Alan. Je vais y passer la nuit avant de partir faire une randonnée de plusieurs jours sur le Kepler Track. Nous passons faire les achats d’équipements de marche (réchaud, bouteille de gaz, casserole, couverts et location d’un piquet de ski au cas où je rencontre des parties enneigées sur le chemin). Je fais également la razzia du seul supermarché du village pour m’équiper en nourriture pour les quatre jours. Mes habits sont prêts. Reste à tout faire rentrer dans le sac. Deux bonnes heures seront nécessaires pour empaqueter tout ça. Corned beef et haricots en boîte devront rester à la maison faute de peser trop lourd.

Me voila donc partie en fin de matinée, Mardi 27 Septembre pour une randonnée à travers le Fiordland. Jill, la maman de Julie, accompagnée d’Isla, Carter et Chloé, me dépose en voiture au départ du sentier, juste à l’extérieur du village au bout du lac Te Anau. Je salue les enfants et me voilà partie croulant un peu sous le poids du sac. Le Kepler Track fait partit des Great Walks. Ce sont des grandes randonnées de plusieurs jours considérées comme les célèbres du pays. Elles sont au nombre de neuf réparties dans les différents parcs nationaux de l’archipel. Le Kepler Track est la randonnée la plus accessible de toutes puisque que son départ se trouve à quelques minutes du village de Te Anau.

La première partie de la randonnée est une balade tranquille le long des rives du lac Te Anau à travers une forêt d’hêtres néo-zélandais. Le sol est couvert de mousse et de fougères. Cela ressemble plus à une forêt tropicale qu’à nos forêts d’hêtres français. Il fait un peu nuageux et sacrément humide. Une bonne heure plus tard me voila arrivée à Brod Bay, une zone en bord du lac où il est autorisé de camper. Toilettes, éviers et barbecues sont à disposition. Je déjeune sur la plage en appréciant le paysage. Le lac miroite et les rayons du soleil apparaissent parmi les nuages réchauffant l’atmosphère. Pas grand monde dans le coin, c’est d’un calme absolu. De petits oiseaux viennent se poser très rapidement à coté de moi pour essayer d’attraper quelques miettes de mon repas.

Je repars pour la deuxième étape de la journée, une montée d’environ 800 mètres jusqu’au dessus de la forêt pour atteindre les prairies montagneuses où se trouve le premier chalet de la balade. Il fait chaud et je souffre un peu. Trois heures d’ascension à travers la forêt sans croiser grand monde. J’apprécie le calme absolu et la mélodie des oiseaux qui accompagne ma progression. Mon esprit vagabonde au rythme de mes pas. Le paysage change doucement. D’une forêt remplie de Silver Beech (hêtre argenté), je passe à une forêt remplie de Mountain Beech (hêtre de montagne)  couverte de mousse d’un vert impressionnant, pour finalement traverser durant les trente dernières minutes de la montée, une forêt d’arbres couvert de lichens. C’est très impressionnant.

Après trois heures de montée, j’atteins enfin le haut. La forêt fait place aux prairies d’herbes jaunes et le paysage se fait plus alpin. J’aperçois Te Anau dans le fond et les crêtes enneigées du mont Luxmore que je vais suivre demain. Une quarantaine de minutes à suivre la crête et à apprécier le paysage et le chalet apparait dans un tournant, à l’abri dans un petit creux. N’ayant pas croisé grand monde, je m’attends à peu de compagnie. Mais c’est l’inverse. Une trentaine de personne sont déjà présentes et une dizaine apparaitrons après moi.  Alors que la saison officielle (Octobre à Avril) n’a même pas encore commencée, le chalet de 54 lits est déjà presque entièrement plein ! Un groupe de chinois, des anglophones, des français…

Je m’installe dans le coin le plus tranquille que je puisse trouver (ce qui est tout relatif dans des dortoirs) et descends faire un tour autour du chalet prendre mon repas. Un garde en résidence nous indique sur ce qu’il ne faut pas faire dans le chalet et nous informe sur l’état du sentier au niveau des crêtes. Quelques zones sont encore couvertes de neige et demandent de la vigilance. En écoutant les discussions, j’apprends que la moitié des gens continueraient le sentier et l’autre moitié retournerait à Te Anau. Une bonne nouvelle parce que ce soir ne correspond pas à l’idée que je me fais d’une randonnée en montagne tranquille.

Malgré le grand nombre de gens dans les dortoirs, je dors plutôt bien. Couchée à 10h et réveil à 8h. Longue nuit de repos ! Le matin, la brume a engloutie le paysage. On ne distingue pas au delà d’une dizaine de mètres. Je remballe mes affaires, avale mon petit-déjeuner et me lance sur le chemin. Pas mal de gens semble découragés par le « mauvais temps ». Tant mieux, ça fera moins de gens au prochain refuge. Je me lance espérant que le brouillard disparaisse avec l’altitude. Le sentier monte pour rejoindre les crêtes. Plus haut, la brume se dissipe et je vois apparaitre les sommets enneigés juste devant moi ainsi que les crêtes des Murchison Mountains dans le lointain juste au dessus d’une mer de nuages. Une bouffée de vent ramène la brume qui me dissimule le paysage et je continue mon ascension entre brouillard et paysage.

Un cirque apparait avec un tout petit névé et je fais mes premiers pas dans la neige. Effectivement quelques zones du sentier sont encore couvertes de neige et il faut donc avancer avec prudence. J’atteins la première crête et le paysage devient vraiment aérien. Je surplombe la mer de nuages. La vue est fabuleuse. Surtout les crêtes des Murchison Mountains en face de moi (séparées par le South Fjord du lac Te Anau). Les sommets sont couverts de petits nuages qui semblent s’élever dans le ciel. C’est absolument magnifique. Je continue ma randonnée sur les crêtes, alternant entre terre et neige et m’émerveillant du paysage. Deux heures plus tard, j’arrive à l’abri d’urgence Forest Burn. La brume s’est presque entièrement levée et les vallées sont maintenant visibles. Le South Fjord du lac Te Anau miroite dans le lointain. Pause repas au niveau du col à coté de l’abri. 

Un groupe de six Kea (perroquet néo-zélandais) virvolte dans les airs en poussant des cris ressemblant curieusement à des gémissement d’enfants. Les Keas sont des oiseaux très inquisiteurs et peu effrayés par les humains. Je surveille mon sac derrière moi, connaissant leur tactique : un qui attire l’attention en faisant des galipettes pendant qu’un autre s’occupe de mettre en miettes le sac laissé sans surveillance. Je me retourne plusieurs fois : rien. Une quatrième fois : un Kea est posé sur le buisson juste derrière moi ! Je ne l’ai même pas entendu arriver. Un peu effrayant ! Les autres rappliquent et je me dépêche de ranger mes affaires dans mon sac. Je n’ai pas envie qu’ils me piquent ma bouffe ! Six Kea se posent sur les buissons à un mètre de moi. Ils fourragent à la recherche de graines tout en se rapprochant. Plusieurs semblent bailler ! Nous échangeons des regards. Se rapprochant un peu trop, je bas en retraite vers l’abri. Vu la taille de leurs griffes et bec, je n’ai pas envie de tenter ma chance. Les oiseaux me suivent et se posent sur le dessus de l’abri. Leurs griffes font beaucoup de bruit quand ils marchent sur de la tôle. Je me lance sur le chemin suivie des perroquets sautillants qui finissent par se désintéresser de moi. 

Les deux heures suivantes sont extrêmement aériennes puisque le sentier longe la fine crête des montagnes Kepler. Le paysage est grandiose, mais la brume s’est transformée en nuages qui obstruent par moment le soleil. Tous les 200 mètres se trouve des pièges pour attraper les animaux nuisibles portant le slogan « Challenge Kepler ». (Le soir au refuge, je comprendrais la signification du slogan : tous les ans en Décembre, se tient la course « Challenge Kepler » où les participants parcourt les 60km du sentier en courant ! Chaque billet de participation acheté sert à financer l’achat et l’entretient des pièges disposés le long du chemin. En Nouvelle-Zélande le plus gros prédateur des oiseaux natifs est l’hermine).

Au second abri d’urgence commence la descente dans la Hanging Valley où se trouve le second refuge. La première partie de la descente se fait sur la crête et mieux vaut ne pas avoir le vertige, ça descend vertical des deux cotés. Le soleil tape fort. Comme hier, la végétation change au fur et à mesure de la descente. J’apprécie l’ombre des arbres mais mes genoux et cuisses commencent à fatiguer. Profitant d’une petite pause, je me retrouve nez à nez avec un Tomtit (ou Miromiro de son nom maori) à quelques centimètres de moi. Il virevolte autour de moi. Superbe tout petit oiseau avec une gorge jaune. Plus bas, ce sont des Rifleman, le plus petit oiseau néo-zélandais de huit centimètres, vert et sans queue, qui apparaissent devant moi. Leur tit tit accompagne ma descente qui semble n’en plus finir. Vers 6h du soir le chalet Iris Burn Hut, situé dans une prairie apparait. Le lieu est très sympathique. Il y a une zone pour camper juste à coté et une petite rivière à l’eau verte avec une petite plage de galets à une centaine de mètres. Seulement cinq personnes sont déjà présentes quand j’arrive et seulement huit personnes arriveront après moi. Soirée tranquille, seulement dérangée par la présence des Sandflies (mi-mouches, mi-moustiques), bien décider à festoyer de mon sang. Je vais me coucher accompagnée du ouhh ouhh du Morepork (hibou néo-zélandais) qui lui, commence sa journée.

Réveil et petit déjeuner tranquille avant de mettre le cap vers une cascade à vingt minutes du chalet. La plupart des randonneurs sont déjà partis, l’ambiance est paisible. Je remonte la vallée jusqu’à la cascade, très jolie, se déversant dans une eau aux reflets verts. Un petit arc en ciel embellit la scène. De retour au chalet, j’attaque le chemin pour me rendre à la prochaine étape : le chalet Moturau sur les rives du lac Manapouri à environ 16km d’ici. Le sentier se trouve principalement dans la forêt aujourd’hui. Avec quelques passages dans des marécages ou prairies. La forêt est extrêmement belle. Le sol est tapissé de mousses et de fougères d’un vert incroyable et les arbres sont couvert de lichens. Le sol en est recouvert d’arbres d’ailleurs, tombés lors des tempêtes ou tout simplement à cause de l’âge. L’ensemble fait vivant, luxuriant, vieille forêt primaire et à l’exception du sentier, apparait intouché par l’homme. Court passage à l’air libre dans une zone où un gros glissement de terrain à eut lieu en janvier 1984. Cela me permet d’apprécier le paysage de la vallée et les nuages sur les sommets des montagnes qui m’entourent.

En milieu d’après-midi, j’arrive sur les rives du lac Manapouri au niveau de Shallow Bay, une petite baie un peu en retrait du lac principal. Je fais une petite pause sur les rives pour me reposer avant d’atteindre le chalet mais c’est une mauvaise idée. Les Sandflies se jettent sur moi en un nuage assoiffé de sang. Je repars aussitôt. Une quarantaine de minutes plus tard, le chalet apparait sur les bords du lac et je retrouve quelque uns de mes compagnons avec qui je voyage depuis déjà deux jours. La pluie se met à tomber une vingtaine de minutes après mon arrivée. Un superbe couché de soleil avec les nuages teintés de rouge s’offre à mes yeux. Dans le fond, une grosse masse nuageuse teintée de sombre approche de seconde en seconde. Et une pluie torrentielle accompagnée d’éclairs ne tarde pas à s’abattre sur le chalet.

Le lendemain, je me réveille dans un dortoir rempli de gens ! Environ six personnes sont arrivés pendant la nuit. Ils ont du se faire tremper par la pluie parce que leurs vêtements et sacs sont accrochés au dessus du poêle dans la salle commune. Je petit-déjeuner rapidement pour ne pas partir pas trop tard. La dernière partie de la ballade pour retourner au point de départ se fait normalement en 4-5 heures. Le temps est gris. Je fais un détour pour aller voir Shallow Bay Hut située dans un autre coin de la baie. L’endroit est superbe. La hutte ne contient que quatre lits et il semble qu’il soit possible de bivouaquer. En bordure du rivage, des oies sauvages discutent avec des canards dans un concert de coin coin.

Je continue dans la forêt et les marécages. C’est la partie la moins belle du sentier. Toute une zone du chemin qui se trouve en bordure d’une gorge s’est écroulée et un nouveau sentier à donc était créé récemment. Mais les traces de pelleteuse et fougères abimés en parsèment le chemin. Cela n’est pas très beau. La rivière Waiau coule dans la gorge en contrebas. Celle-ci a servit de décor pour la fin du film La Communauté de l’Anneau lorsque les Uruk-hai chassent les membres de la Communauté le long des rives du fleuve Anduin. Effectivement les eaux très vertes du fleuve me rappellent des souvenirs. J’arrive deux heures plus tard à Rainbow Reach où se trouve un parking. Le Kepler Track peut se commencer ou se finir depuis ce parking. Je continue dans la forêt pour finir complètement ma boucle et revenir à mon point de départ au niveau du Kepler Track parking à 2-3 heures de là. La dernière partie me semble bien longue et c’est avec soulagement que je vois apparaître les bordures du lac Te Anau. J’ai complété la boucle, les 60km environ du Kepler Track ! Il est 2h30 et je n’ai toujours pas mangé. Je me pose dans un coin tranquille en bordure du lac pour une pause déjeuner. Le soleil perce par moments et « seulement » une vingtaine de Sandflies viennent m’embêter. Un hydravion fait des cabrioles sur le lac.

Un peu reposée, je repars pour la dernière étape de ma randonnée. Contrairement à l’aller où Jill, la maman de Julie m’a déposé au parking, j’ai décidé de rentrer à pied à Te Anau. Je longe le lac en appréciant les rayons du soleil et en m’émerveillant de la vue des montagnes enneigées dans le lointain. Au Visitor Center de Te Anau j’appelle Alan, le papa de Julie qui travaille au Lakeview Holiday Park afin qu’il vienne me récupérer. Le Kepler Track s’est révélé être une très belle surprise malgré une dernière journée un peu moins intéressante. Exactement ce qu’il me fallait avant de commencer à travailler en tant que femme de ménage au Lakeview Holiday Park de Te Anau. 

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