Apprentissages en pays tranquille. Treize mois, de Mai 2016 à Juin 2017 en Australie et Nouvelle-Zélande.

Happy wwoofing chez Hare Krishna

Un mois de bonne humeur à faire du volontariat chez Hare Krishna et à cuisiner végétarien.
10 août 2016
Volontariat à Dunedin, Île du Sud, Nouvelle-Zélande © Claire Blumenfeld
CARNET

Le temple du centre culturel d’Hare Krishna est une grande bâtisse située sur la pente d’une des collines au centre de Dunedin. Le lieu héberge Seva (un des membres de la communauté) et des volontaires et sert de lieu de célébration pour les rassemblements ayant lieu plusieurs fois par semaine. Bien qu’un peu austère, la bâtisse est très sympathique avec planchers et grand escalier en bois. On me fait visiter la maison et on m’attribue une grande chambre au rez-de-chaussée en face de la cuisine. De l’espace et une chambre pour moi toute seule, que de confort ! Des portraits de Krishna ou de A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada (fondateur du mouvement) ornent chaque pièce de la bâtisse et une odeur d’encens flotte dans l’air. C’est la première fois que je mets les pieds dans un lieu de culte dédié à Hare Krishna. 

L’association internationale pour la conscience de Krishna ou Hare Krishna (en référence au mantra chanté par les adeptes) est un mouvement religieux et style de vie fondé en 1966 par Pradhupada, un maître spirituel hindou originaire du Bengale occidental. C’est un courant de l’hindouisme dédié au seigneur Krishna considéré par les adeptes comme le Dieu suprême et unique. La doctrine d’Hare Krishna se fonde sur les textes sacrés principalement issus du Bhagavad-Gîtâ, un des écrits fondamentaux de l’hindouisme. Les adeptes du mouvement se considèrent comme des serviteurs de Krishna, créateur de l’univers et de tous les êtres vivants. Chaque action effectuée durant la vie d’un adepte influence sur son cycle de réincarnation. Les adeptes pensent que l’homme doit utiliser chaque moment de sa vie pour vivre dans la “Conscience de Krishna”, permettant la libération de l’individu de son enveloppe matérialiste. Les membres du mouvement suivent la voie de la bhakti, une composante essentielle de l’hindouisme qui implique notamment un régime alimentaire végan. Pas de viande, pas de poisson et pas d’oeuf. Tous les aliments sont offerts à Krishna avant d’être consommés pour demander la prasada, la grâce de Dieu. Une des principale pratique religieuse consiste à répéter en chantant le nom de Krishna. Le mantra dont voici les paroles est en principe sensé être récité 1728 fois par jour : Hare Kṛṣṇa Hare Kṛṣṇa / Kṛṣṇa Kṛṣṇa Hare Hare / Hare Rāma Hare Rāma / Rāma Rāma Hare Hare.

En tant que volontaire chez Hare Krishna, le travail consiste à travailler du lundi au jeudi, de 10h à 15h environ, au sein de la cuisine de l’OUSA (Otago University Students’ Association) afin d’aider à préparer des repas végétariens pour les étudiants. Ainsi que d’aller récolter des feuilles de salade, légumes et plantes dans le potager. Le reste du temps est libre. Cela me laisse pas mal de temps pour aller découvrir la région et chercher du travail. Bien sûr, le lieu étant un temple religieux la participation aux rassemblements de la communauté afin de découvrir le mode de vie des adeptes est apprécié. 

Je passe un premier weekend tranquillement en attendant que le travail commence et que les autres volontaires (une américaine et un couple d’argentins) arrivent. Je participe à la préparation des repas pour les rassemblements du samedi et dimanche soir et je découvre la cuisine vegan. Lundi matin, départ à 10h avec Seva pour une trentaine de minutes de marche à pied afin de rejoindre l’OUSA. Une ambiance chaleureuse et décontractée m’accueille et je fais la rencontre de Bronwen et Fife, un couple très sympathique travaillant les lundis et mardis au sein de la cuisine. En plus de servir des repas à 3$ aux étudiants (et aux non étudiants), l’association offre des salles de clubs, de grands canapés, plein de jeux en libre service, des douches, des toilettes “gender neutral” (pas de distinction entre toilettes pour femmes et toilettes pour hommes afin de soutenir le mouvement transgenre. Une belle initiative) et même un club de câlins avec des chats ! Bien mieux que la grande majorité des clubs étudiants français. 

je suis en train de préparer un crumble aux pommes lorsque JMa (dont le nom signifie “Joyful Mama”), la coordinatrice du mouvement et responsable des wwoofers arrive vers 11h de retour d’un autre temple à Christchurch. Plein d’énergie, incroyable, toujours souriante, sage, folle, plein d’amour et complètement dédiée au mouvement Hare Krishna, JMa est un sacré personnage plein de charme.

La journée passe pleine de découvertes. Puris, pains indien frit, pakoras, beignets de légumes frits (dans notre cas des beignets de pomme de terre) et le déroulement de la prasada (dépôt d’un échantillon de toute la nourriture préparée dans un petit autel dédié à Krishna et récitation de la prière) se dévoilent à moi. À midi les étudiants débarquent et le rythme s’accélère. JMa virevolte de tous les cotés et cris, sourires, bonne ambiance et musique indienne (dédiée à Krishna) m’emplissent les oreilles. Le plat principal à 3$ est composé de pâtes et légumes pour le lundi. Riz et légumes le mardi, soupe le mercredi et pâtes/lentilles et légumes le jeudi. Pour 1$ de plus les étudiants ont droit à un dessert fait de crumble aux pommes. À cela s’ajoute des extras, comme les puris et pakoras à 50c ou les samosas (gros beignet de légumes) à 1$50. Je goûte un peu de tout et c’est très bon. Les pakoras sont particulièrement redoutables !

Deux heures plus tard le service est fini et je suis particulièrement heureuse de ma première journée de travail. Un petit lutin plein d’énergie débarque alors et je fais la rencontre de Stormie, la jeune wwoofeuse américaine. Nous sommes en train de ranger et nettoyer la cuisine lorsque qu’arrive, un peu déboussolé, le couple de wwoofers argentins, Alejandro et Flor. Cela fait en fait deux heures qu’ils sont arrivés. Ils ont demandés à la réception de l’OUSA à parler à Jane (le nom officiel de JMa) et la réceptionniste leur a répondu qu’elle ne connaissait personne de ce nom là ici ! Ils ont donc attendu la fin du service pour venir jeter un coup d’oeil en espérant qu’ils se trouvaient bien au bon endroit. Nous faisons la connaissance de chacun sur le chemin du retour.

La fin de ma première semaine de wwoofing se passe très bien. Entre les heures de travail bien remplies et le temps libre passé à visiter ou à discuter entre wwoofers, pas le temps de s’ennuyer. Tous le monde est très sympathique et l’ambiance est très chaleureuse. Mercredi matin, c’est départ à 8h pour fabriquer le pain ! En effet tous les mercredis, les plats changent un peu puisque le plat principal est composé d’un petit pain avec soupe de légumes/lentilles/blé. Pudding au chocolat pour le dessert et aux extras s’ajoute des bliss balls (saveur chocolat ou abricot). La soupe et les petits pains sont un délice ! Je retrouve également Sophie, mon amie française qui étudiant à l’université en profite pour venir prendre ses repas à la cuisine de l’OUSA.

Alejandro et Flor m’introduisent à la cuisine argentine très bonne et notamment au maté, la boisson traditionnelle sud-américaine préparée en infusant des feuilles de yerba mate. J’assiste également aux rassemblements Hare Krishna du mercredi et samedi soir afin d’en apprendre un peu plus sur ce courant religieux. Le mercredi est une session de discussion ouverte. Ne croyant pas en Dieu ni en aucune religion, je pose des questions afin d’essayer de comprendre le principe de la foi et les détails du mouvement Hare Krishna. Mais je trouve la discussion un peu floue et peu instructive. Le samedi est pour moi plus réussi. Le rassemblement consiste à chanter les mantras en l’honneur de Krishna, de lire quelques chapitres du livre retraçant la vie de Prabhupada et de festoyer autour d’un délicieux repas végan.

Samedi, c’est également la visite du potager situé sur le sommet d’une colline à l’extérieur de Dunedin. Récolte de salades, légumes et diverses plantes qui vont servir à préparer les repas pour les rassemblements du weekend. Le potager est en forme de pétales de fleur. JMa nous fait également visiter la plage St Clair et la plage Second Beach, une petite plage derrière St Clair où l’on peut voir la mer s’engouffrer dans les rochers et de gigantesques algues tournoyer dans les vagues. Mon visa d’un an arrive enfin et mes après-midis de libre se partagent alors entre démarchage de tous les restaurants et magasins du centre et balades dans la ville. Ma recherche de travail est hélas assez infructueuse et je décide de rester deux semaines de plus chez Hare Krishna. Il faut dire que JMa est très sympathique et que j’apprécie beaucoup travailler en cuisine. La deuxième semaine se passe aussi bien que la première voir même encore mieux et le visage de chacun semble être bloqué en mode sourire.

De nouveau wwoofers arrivent également. C’est avec grand plaisir que nous accueillons Sally, venant d’Angleterre puis quelques jours plus tard Maude, originaire de Quebec et Roman nous venant d’Australie. Notre équipe est un véritable melting-pot venant du monde entier ! Pour deux fois plus de sourires, d’échanges, de joie, de discussions culturelles, de folie et d’émerveillement ! De belles amitiés naissent et j’espère bien qu’elles vont durer. En plus de nous amuser comme des petits fous en cuisine et entre wwoofers, nous faisons quelques jolies randonnées (voir article suivant) et nous assistons au Festival Culturel de l’Université. Tout un tas de stands avec dégustations culinaires, démonstrations de spécialités, stand de boxe, scène pour les spectacles de danses remplissent le hall de l’université. Le stand photo avec des costumes venant de différents pays asiatiques/océaniques et les tatouages maoris sont les grands gagnants en ce qui nous concerne!

Les jours passent à la fois similaires et différents mais toujours pleins de bonne humeur. J’ai le sentiment d’être à Dunedin depuis des mois. À force d’arpenter tous les coins de la ville pour trouver du travail, je commence à la connaitre par coeur. Sally m’aide à formuler et adapter mes CV et lettres de présentation au format anglais. En fin de deuxième semaine Stormie nous quitte, partant faire un autre wwoofing. puis c’est au tour de Flor et Alejandro en fin de troisième semaine, de nous dire au revoir, Flor ayant trouvé un travail dans une ferme laitière vers Oamaru (environ 1h30 au nord de Dunedin). Avec leur départ j’ai l’impression de perdre une partie de mon identité culturelle.

N’ayant pas de réponse pour le travail malgré les nombreux CV distribués et envoyés, je décide de rester une quatrième et dernière semaine chez Hare Krishna. Encore quelques jours pour espérer une réponse sinon c’est tant pis, direction ailleurs. Dana et Thomas arrivent alors de Belgique pour regonfler notre équipe de United Nations of the World ! Ma dernière semaine se passe tranquillement et oh joie, je reçois une réponse positive mercredi soir pour travailler moi aussi dans une ferme laitière. Près d’Invercargill dans la région du Southland, le Sud de l’île du Sud. Départ Samedi. Petite célébration pour fêter ça, razzia dans les magasins d’habits de seconde main pour m’acheter des vêtements chauds et je profite des derniers instants en cuisine et de dernières discussions avec JMa et les autres volontaires. Bien des choses qu’elle a évoqué, au delà de l’aspect religieux, m’ont apparu juste et bienveillantes. Que ce soit par rapport à l’entraide, l’échange, le respect, l’honnêteté, le fait de vivre sa vie en essayant de se détacher de l’aspect matérialiste ou de son propre égocentrisme, beaucoup des sujets qu’elle a évoqué m’ont fait réfléchir. 

Mon wwoofing d’un mois chez Hare Krishna fut une très belle expérience. J’ai beaucoup appris, fait des rencontres extraordinaires et ai passé de très beaux moments. Tout ne fut pas parfait (mauvais temps, fatigue en cuisine, inquiétude de trouver un travail, chauffage dans le temple un peu faible, quelques tensions, incompréhensions religieuses et déceptions) mais cela reste n’est sans mesure face au bonheur que m’a apporté ce volontariat ! Un énorme merci à JMa, Seva, Bronwen, Fife, Alistair, Emily et Robin pour avoir partagé leur culture, façon de vivre, points de vue et expérience en cuisine ! Et bien sûr, un énorme merci à Stormie, Flor, Alejandro, Sally, Maude, Roman, Dana et Thomas pour ces moments merveilleux passés en votre compagnie. J’espère vous revoir un de ces quatre !

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