Errances dans l’outback. Quatorze mois en Australie de Juillet 2017 à Septembre 2018.

Errances dans les champs Tasmaniens

Récolter des framboises en Tasmanie et voir les jours défiler sans s’en rendre compte.
24 avril 2018
Devonport, Tasmanie © Claire Blumenfeld
CARNET

Il y a un mois et demi, après mon séjour à Tiandi Wildife Sanctuary, j’ai rejoins la Tasmanie pour travailler de nouveau chez Costa mais cette fois dans la récolte des framboises. Après les myrtilles à Tumbarumba, je souhaitais continuer dans la récolte de fruits. Grâce à l’aide d’Angeline, j’ai pu demander un transfert et j’ai obtenu directement un poste d’assistante. Il a quand même fallu que je récolte des framboises la première journée histoire de me familiariser avec le petit fruit rose mais dès mon deuxième jour à Costa Devonport j’ai repris le travail que je connaissais bien. Ma première semaine s’est faite dans la team Kilo, supervisée par Antonella puis Raul, deux Italiens, afin d’apprendre les spécificités du travail d’assistant et superviseur dans la ferme. Bien que très similaire à Tumbarumba, Costa Devonport fait les choses un petit peu différemment (avec notamment beaucoup plus de paperasserie à remplir). Ce fut une semaine très sympathique où j’ai jonglé entre les différents postes et sympathisé avec pas mal de monde. J’ai également emménagé pour la première fois dans une sharehouse (maison partagée) dans le centre de Devonport qui s’est révélée très agréable à vivre. Le reste des colocataires étaient tous des taïwanais mais ils étaient très sympathiques. J’ai eu l’impression de rouler comme sur un nuage, d’accomplir de façon satisfaisante tout ce que je voulais. 

Et la Tasmanie m’a enchanté dès le premier instant. Située à 200km au large de la côte Sud-est de l’Australie, l’île est accessible en ferry et avion depuis Melbourne. Le Spirit of Tasmania, le ferry faisant la traversée, gros paquebot rouge a débarqué après une après-midi en mer dans le tout petit port de la petit ville de Devonport et il m’a suffit d’un regard pour en tomber amoureuse. Une petite ville portuaire, les montagnes à l’arrière-plan et une atmosphère de simplicité et de bien-être. Ma définition du paradis. 

La seconde semaine je suis passée superviseur d’une équipe et tout à changé. Fini la bonne humeur, bonjour les problèmes. La grande différence avec Tumbarumba vient du fait que les équipes sont plus grosses et donc nécessitent cinq à six assistants en plus du superviseur ainsi que l’utilisation d’un ordinateur portable pour enregistrer la récolte des pickers. Le travail à Tumba se faisait sur feuilles et crayons et comme je m’en suis vite rendue compte était largement plus agréable et au final mieux organisé. Les jours ont passé, similaires, monotones et épuisants. Au final j’ai passé cinq semaines à faire des journées très longues et fatigantes, à subir une équipe de managers irrespectueux et à essayer de faire du bon travail tout en remplissant tous les jours une tonne de paperasse inutile. Et pendant tout ce temps je n’ai pas eu ni le temps ni la motivation d’aller explorer la Tasmanie ni réussi à mettre en place de liens amicaux avec mes roommates ou les backpackers dans les champs. Je suis passée à travers les jours sans m’en rendre compte. J’étais là sans vraiment être là.

Cependant en prenant du recul et malgré cet aspect décevant, Costa Tasmanie ne fut pas une expérience si horrible que ça. Bien que difficile, cela m’a permis de continuer à développer mon expérience en tant que superviseur et à gérer une équipe. J’ai quand même rencontré deux, trois personnes vraiment intéressantes (français, japonais, taïwanais) avec qui j’ai sympathisé et je me suis inscrite au centre sportif à cinq minutes de ma maison afin d’aller faire du sport tous les jours. Vers mi-Avril, la récolte a commencé à diminuer et les horaires se sont réduits. J’ai donc quitté Costa comme beaucoup de monde pour aller travailler chez Premium Fresh dans la récolte de légumes. Et puis c’est tout. De ces (presque) deux mois et demi en Tasmanie, j’en garde la sensation d’un souvenir flou. D’avoir survolé tout ça. Pas de grands souvenirs, très peu de photographies, des relations un peu manquées et un léger sentiment d’échec.

Je n’arrive pas trop bien à comprendre pourquoi je ressens cela. C’est assez paradoxal parce la Tasmanie, je l’aime beaucoup. Et je l’aime de plus en plus depuis que j’ai commencé depuis deux semaines à aller l’explorer pendant mes jours de repos. Il y a quelque chose dans le paysage qui me fait du bien. Qui me donne l’impression d’être au bon endroit. Cette île, mélange de Nouvelle-Zélande et d’Australie, c’est l’environnement que j’aime. Montagnard, campagnard, froid, magnifique. Et les couchers et levers de soleil sont superbes. Je crois que je n’ai jamais vu autant de couchers de soleil depuis que je suis arrivée en Tasmanie. Récemment je me sens de nouveau créative. La pratique de la photographie de démange. J’ai envie de me dépasser, de m’améliorer.

Les jours se font de plus en plus froid et l’hiver se rapproche. Et avec lui, viendra la neige et son manteau blanc, les champs couverts de gel et une lumière pure. De parfaites opportunités photographiques. Alors je décide de rester un peu plus longtemps. Je pensais quitter la Tasmanie vers la mi-Mai après avoir passé une dizaine de jours à explorer l’île suivi par un stage de dix jours de méditation mais je décide de changer mes plans. L’île semble me retenir, me pousser à rester, à continuer à l’explorer. Et la possibilité de continuer à économiser en travaillant chez Premium Fresh pendant presque deux mois achève de me décider. C’est comme une seconde chance. Deux nouveaux mois devant moi pour profiter de la Tasmanie, pour faire des rencontres, pour m’ouvrir les yeux et m’ancrer dans la réalité.

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